#11 Angoisses

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Emma

Cette voix a résonné dans ma tête comme une boîte à musique cassée. Son nom, son visage et ses yeux : tout me rappelle ce passé douloureux. Ma poitrine est comprimée. Mon estomac est noué. Je la sens venir. L'angoisse est proche. Ma respiration devient haletante. Mon pouls s'accélère. Il faut que je trouve un coin calme. Il faut que je me cache. Il faut... Il faut que je respire.

J'agrippe le mur en béton de mes deux mains. J'ai failli tomber. Ma tête tourne. Tout est flou. Je suis dans un brouillard, coincée entre le présent et le passé. Dans ma tête, j'entends les cris. J'entends les pleurs. Je vois les morts ainsi que le feu. Je suffoque.

" ... bien ? "

Je relève la tête. Une ombre est devant moi. Non, pas une ombre. Un étudiant.

" Je t'amène à l'infirmerie. "

Il saisit alors mon bras. Sa main sur mon bras me rappelle la sienne. Il va me faire du mal. Je me dégage et n'arrive plus à tenir. J'hyperventile. Mes jambes flageolent tandis qu'il m'aide à m'asseoir. Mes mains. J'ai l'impression de ressentir cette sensation poisseuse. Je la sens, tout comme l'odeur de fer. Du sang. Mes mains sont couvertes de sang.

" Je vais appeler l'infirmière. "

" Dehors... Je veux aller dehors..."

Ce sont les seuls mots que j'arrive à prononcer. J'ai besoin d'air. J'étouffe. Mes jambes quittent alors le sol. L'étudiant me porte. Cependant, je n'arrive pas à éclaircir mes idées. Ses cheveux bruns ressemblent à ceux de mon père. Il va me faire du mal. Je ferme les yeux. Ça passera plus vite. Si je ferme les yeux, la douleur aura plus de mal à m'atteindre.

C'est alors qu'au lieu de recevoir un coup, je sens quelque chose de moelleux. Un matelas. Je suis paralysée. Mes yeux s'ouvrent sur une femme en tunique blanche.

" J'ai... J'ai besoin..."

Je n'arrive plus à parler. Mes deux jambes tressautent à une vitesse folle. Mes mains ne cessent de trembler alors que je sens mes joues s'humidifier. Je pleure. L'infirmière s'avance vers moi. Elle aussi, va-t-elle me faire du mal ? Je recule le plus que je peux. Une fois que mon dos touche le mur glacial, je comprends que c'est trop tard. Je suis piégée. Encore. On va me frapper. Encore. Maman fera la sourde oreille. Encore. Papa jubilera et Sam ne comprendra pas mes pleurs. Encore. Tout se répète indéfiniment.

C'est alors que je sens une chaleur au niveau de mon bras. Une seringue y est plantée. Je suis immobile. Les yeux plongés dans ceux de l'infirmière, je sombre peu à peu dans les ténèbres.

**

Lorsque je me réveille, je ne me situe pas immédiatement. Je me sens exténuée, comme si je pouvais dormir encore pendant dix bonnes heures. Cependant, je hais l'odeur caractéristique de l'antiseptique. Que ce soit un cabinet, une infirmerie ou encore l'hôpital, je ne supporte pas rester là-bas. Leur odeur me donne la nausée.

" Tu es réveillée ? "

Je me redresse et m'adosse au mur. Devant moi, l'infirmière m'offre un sourire réconfortant.

" Tu as fait une sacrée crise tantôt. Ça t'arrive souvent ? "

Je ne réponds pas. Pourquoi est-ce que le personnel médical a toujours la fâcheuse habitude de poser des questions indésirables ?

" Je prends ton silence pour une affirmation. Est-ce que tu as un médicament qui t'a été prescrit ? "

J'acquiesce. Dans le compartiment de ma moto, j'ai un anxiolytique.

" Tant mieux. Tu peux te reposer le temps que tes parents arrivent. Ta mère était très inquiète. Elle est en ce moment même dans le bureau du proviseur. Tu vas te reposer aujourd'hui. "

Je hoche la tête. L'heure des explications a sonné bien trop tôt. Sabine ne va pas hésiter à me bombarder de questions. Je n'ai pas envie de la voir.

Et pourtant, lorsqu'elle entre dans la pièce vingt minutes plus tard et qu'elle me prend dans ses bras, je me sens réconfortée. À cet instant, je ne suis plus seule. La chaleur dans ma poitrine vient me réchauffer, ce qui n'était pas arrivé depuis longtemps.

Après les longs remerciements de Sabine, nous quittons l'infirmerie. Mes ecchymoses me rappellent leur présence à chacun de mes mouvements. J'ai certainement dû beaucoup bouger.

" Je te ramène en voiture. Stefan ramènera la moto, okay ? " me dit-elle alors que je cherche ma moto sur le parking.

J'opine du chef. Après tout, je ne suis pas vraiment en état de conduire. Je ne sais pas quelle dose ni quel médicament elle m'a administré, mais c'était du lourd. Lorsque j'ouvre la portière, je me sens partir en arrière. Heureusement pour moi, je tenais bien la poignée. Je suis à peine capable de marcher, alors conduire ? Je suis contente que Sabine soit venue me chercher.

" Merci beaucoup, " la remercié-je en m'attachant.

" C'est tout à fait normal. Pour tout te dire, lorsque l'école m'a appelée, j'ai pensé que Stefan avait fait une bêtise. Quand ils m'ont dit que tu avais fait une énorme crise d'angoisse, j'ai paniqué. Je me sens honteuse de ne pas t'avoir demandé ce que tu pensais de la rentrée. Tu n'as pas soupé hier, ça aurait dû me mettre la puce à l'oreille. Je suis vraiment désolée. À l'avenir, si quelque chose ne va pas, n'hésite pas à venir m'en parler. Tu as mon numéro, alors si tu m'appelles ou m'envoies un message, peu importe ce que je fais, je te répondrai. Tu es une de mes priorités, et pourtant je n'ai pas réussi à prendre soin de toi. "

Sans que je ne m'en rende compte, les larmes roulent sur mes joues. Pourquoi serait-ce sa faute ? Elle n'a jamais rien fait de mal, au contraire. Pourquoi en fait-elle autant pour moi ?

" J'ai dit quelque chose de mal ? "

" Non. Merci beaucoup. "

Elle sourit et met un fond musical pour combler le silence. Lorsque nous arrivons chez eux, elle m'accompagne jusqu'à l'intérieur de ma chambre. Je me couche immédiatement, ne souhaitant que du sommeil.

" Tu veux du chocolat chaud ? Ou peut-être du thé ? Une bouillotte ? Un verre d'eau ? "

Je refuse d'un signe de la tête. Elle a déjà fait énormément.

" Bon, je vais te laisser. S'il y a le moindre problème, appelle-moi, je reste travailler à la maison pour le reste de la journée. Repose-toi bien. "

" Merci. "

Elle éteint alors la lumière et je me recroqueville sous mes couvertures. Je ne mérite pas tout ce qu'elle fait. Pourtant, sa bienveillance me procure énormément de bien. C'est alors que je me demande comment aurait été ma vie si je l'avais rencontrée plus tôt. Alors que je rejoins tout doucement Morphée, la réponse m'apparaît : j'aurais eu bien moins de problèmes.

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Voilà pour le chapitre 11 ❤

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