𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝟹

38 6 12
                                    

Il est midi passé. Les rues sont encore mouillées de la pluie qui est tombée toute la nuit, avec plus ou moins d'intensité.Je n'ai pas très bien dormi. Je me suis levée vers 11h, seulement je sens que j'ai encore besoin de sommeil. Je n'ai dû dormir que 5 ou 6 heures. C'est pas grave, je me rattraperais ce soir, puis ce n'est pas comme si c'était la première fois que ça arrivait. J'ai les bras chargés de sacs de courses. Grand-mère et grand-père avaient besoin de pas mal de choses et je me suis proposée. Je ne voulais pas qu'ils y aillent de peur qu'ils se fatiguent ou se fassent mal, surtout avec tous les escaliers à monter pour accéder à leur maison. J'en ai profité pour me balader un peu et repérer quelques endroits. J'arrive en bas des marches et commence à monter ce que j'ai l'impression être un escalier sans fin. Les marches sont toutes de tailles différentes, tantôt petites, tantôt grandes, raides et glissantes. La pluie de la veille n'aide pas. Bref, cet escalier, c'est Satan. Mais j'arrive en haut en un seul morceau. J'ouvre la porte du restaurant tant bien que mal. Je suis surprise de voir déjà autant de monde. Il n'est pas rempli mais je pense que ça ne saurait tarder. Il y a beaucoup de familles et de personnes âgées, ainsi que des habitués qui viennent toutes les semaines depuis des années. Grand-mère m'a dit que certains me connaissaient même de quand j'étais toute petite. Les rires et les voix emplissent la salle, me replongeant 14 ans en arrière. J'étais assise sur une banquette tout au fond, une feuille de papier devant moi ainsi que des crayons de couleur éparpillés sur toute la table. Je les tenais avec mon poing entier et je gribouillais. Rouge, bleu, jaune, toutes les couleurs y passaient. Ma famille servait les clients. Ils m'apportaient à manger de temps en temps, sauf que j'étais trop concentrée sur mon dessin. Le meilleur ami de mon père nous rendait beaucoup visite, avec sa femme et son fils, qui avait le même âge que moi. On jouait tout le temps ensemble. Nos parents nous emmenaient au parc, à la piscine, au zoo. Lui était une vraie tornade, casse-cou et bagarreur et moi j'étais discrète, timide et réservée. Mais on s'adorait et on était inséparables. Il était comme un frère. Après que j'ai quitté la Corée, on s'envoyait des lettres. Je passais tous les jours des heures à guetter la venue du facteur. Quand je n'avais pas la patience d'attendre les nouvelles, je relisais les anciennes. Papa ou maman m'aidait à écrire car j'avais encore un peu de mal. J'accompagnais toujours mes lettres de dessins. Puis un jour, je n'ai plus rien reçu. Je n'ai jamais su pourquoi.

Grand-père s'occupait de prendre les commandes et grand-mère de cuisiner. Parfois, ils inversaient les rôles. J'étais quand même étonnée de voir qu'ils ne travaillaient que tous les deux et qu'ils n'avaient embaucher personne pour les aider. Peut-être n'en avaient-ils pas envie. En tout cas, je les admirais. Ce n'est pas simple de faire ce qu'ils font à leur âge.

-Aaaah, ma chérie tu es ! Viens par .

Elle me fait signe d'approcher puis tape dans ses mains pour avoir l'attention de toute la salle avant de passer son bras autour de mes épaules. Oh non...Ne me dîtes pas qu'elle va faire ce que je crois.

-J'aimerais vous présenter Hana, ma petite fille! Elle est arrivée il y a une semaine! Certains d'entre vous la connaissent déjà comme elle venait souvent ici étant petite.

Je me sens devenir rouge comme une tomate. Je souris en faisant un petit signe de la tête. Je lance un «bonjour» à peine audible, avec l'envie de me cacher derrière mes sacs de courses.

𝙱𝚊𝚌𝚔 𝚃𝚘 𝚃𝚑𝚎 𝙾𝚛𝚒𝚐𝚒𝚗𝚜 [En pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant