17 La rencontre

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Je m'appelle Kate. Je suis une survivante. Je vis dans un monde où les morts ne le restent pas. Mais ils ne peuvent rien contre moi.

Tout a commencé le 16 août 2018.
Le fléau qui s'est abattu sur l'humanité a pris ma fille, Schelley, et mon père.

Totalement détruite par la mort de ma fille, je suis restée en état de choc pendant de longs mois, naviguant entre la douleur et l'alcool.

Mais c'est fini, j'ai décidé de me battre. Comme mon père me l'a enseigné.
Je l'entends encore me dire à longueur de journée :
- Relève-toi toujours, Kitty, quoi qu'il arrive.

Il avait raison. Car je porte en moi une malédiction que je n'explique pas. Avant de mourir, Schelley a planté sa mâchoire dans mon avant-bras, ce qui aurait dû me transformer. Mais je ne suis pas devenue comme toutes ces choses. Et je compte bien découvrir pourquoi...

Cela fait un mois maintenant que je me rends dans la ville de Winston, située à une trentaine de kilomètres au nord-est de Chester, pour y trouver d'autres survivants.

Chaque jour, je pars au lever du soleil et reviens bien souvent après la tombée de la nuit. Ces temps-ci, je rentre de plus en plus tard.

J'ai arpenté jusqu'à présent les districts les plus au sud, parfois en roulant sans aucun bruit, parfois en klaxonnant à tue-tête durant de longues minutes.

Rien.

A chaque fois, les rues sont désertes. Les quelques marcheurs que je croise sont dans un état pitoyable. C'est à croire qu'ils ont disparu. A moins qu'ils ne se parquent au centre de la ville. Ce qui est plus que probable.

...

Ma montre m'indique que nous sommes aujourd'hui le 16 mars 2019.
Dans ma vie d'avant, j'aurais fêté mon anniversaire avec les miens.
Aujourd'hui, c'est avec les morts que je vais le passer. Direction : le centre-ville.

Avant de monter en voiture, je contemple avec satisfaction les dizaines de bidons d'essence que j'ai récupérés.

- Au moins, me dis-je, je n'ai plus d'excuse pour ne pas me rendre au cœur de Winston.

Cela fait maintenant plusieurs heures que je roule à travers la ville. J'avais raison : dans le centre, les morts sont partout. Ils errent dans les rues, souvent en groupe, leurs mâchoires béantes laissant échapper des grognements affamés. Mais ils ne me voient pas. Je serai transparente que ça ne ferait aucune différence...

Je scrute chaque immeuble, boutique, ruelle sans y trouver de vie. La vie. Celle des humains. Depuis toute petite, j'ai toujours défendu bec et ongles ma foi en l'humanité. C'est d'ailleurs ce que j'enseignais ardemment lorsque j'étais prof. Reste à savoir s'il y a encore quelque chose à défendre aujourd'hui.

Je prends la direction du parc. Mon parc. Celui de ma vie d'avant, en face de mon collège. J'ai besoin de m'y rendre. Là, maintenant !

Je m'arrête devant l'entrée au beau milieu de la rue. Qu'est-ce que je risque ? Une contravention ?

- Les règles ont changé, Papa. La loi maintenant, c'est de survivre.

Avant, nous vivions dans un monde où les hommes étaient capables du meilleur comme des pires horreurs. Les règles avaient un sens. Aujourd'hui, c'est l'horreur qui est devenue la normalité. Je me sens comme une hors-la-loi dans ce monde régi par les morts...

Un peu honteuse mais décidée, je sors de mon véhicule et pénètre dans le parc.
Instantanément, je me retrouve projetée il y a 7 mois en arrière, avant que tout cela ne se produise. La sensation de quiétude y est toujours présente. La seule différence, ce sont les passants. Les marcheurs tous plus hideux les uns que les autres ont remplacé les familles où les enfants papillonnaient sans cesse autour de leurs parents.

Je laisse mes souvenirs m'envahir, revoyant Schelley courir dans les allées du parc tout en riant, jusqu'à ce que j'entende... un cri.

Non ce n'est pas un cri. Mais des pleurs. Des pleurs d'enfant.

- Schelley ?
Non ce n'est pas possible...

Les battements de mon cœur s'accélèrent. Sur le qui-vive, je regarde tout autour de moi, cherchant d'où ils proviennent.

A gauche. Je fonce vers le plan d'eau.

D'autres cris se rapprochent. Ceux d'une femme. Aussi stridents qu'une sirène.

J'arrive d'un côté. Elle de l'autre. Nous tournons toutes les deux la tête en direction du bassin au beau milieu duquel une petite fille, de l'eau jusqu'à la taille, hurle à pleins poumons. 6 marcheurs sont presque sur elle.

- Ne bouge pas ! Je crie à la mère.

Je me jette dans l'eau, un couteau dans chaque main. En moins d'une seconde, deux carcasses s'écroulent, la cervelle perforée par mes lames tranchantes.

Les cris de la femme redoublent !

Je pousse de l'épaule les deux rôdeurs devant moi pour atteindre celui qui s'apprête à mordre le visage de la fillette. Le coup que je lui assène à la tête le déséquilibre, le faisant tomber à l'eau.

- Ferme les yeux, petite ! Lui dis-je avec le plus de douceur possible.

Ma lame vient se glisser entre les deux yeux de celui qui tient encore debout. Avec force, je ressors de l'eau les 3 autres marcheurs. Dos à la fillette, mes couteaux défigurent ce qui autrefois était des visages humains.

La femme hurle toujours sans jamais me quitter des yeux. Elle ne voit pas le rôdeur arriver.

- Attention !

Je n'ai pas le temps de sortir de l'eau qu'il se jette sur elle. Mais au moment où il s'apprête à planter ses crocs, sa carcasse s'écroule.

Quelqu'un vient de tirer.

Un homme se précipite vers elle et la prend dans ses bras.
Je porte la petite vers ses parents qui l'enlacent aussitôt, les visages en pleurs.

- Merci, murmure l'homme. Sous la crasse, on devine qu'il ne doit pas avoir plus de 25 ans, malgré son visage émacié et ses traits fatigués.

Je suis tiraillée entre la joie d'avoir trouvé des survivants, le dégoût de mes meurtres et la gêne.

Le coup de feu a attiré les rôdeurs. Des dizaines de grognements parviennent de partout.

- Il faut partir. Vous n'êtes pas en sécurité ici. Venez !

Le père prend la fillette dans ses bras.

- On vous suit.

La Camry est toujours au milieu de la route. La voie est libre.

- Montez !

Je vois l'hésitation dans leurs regards.

Les grognements se font de plus en plus fort. Une horde approche.

- C'est maintenant ou jamais !

La mère et l'enfant s'installent à l'arrière, le père à côté de moi. Les portières claquent. Les pneus crissent sous l'effet de l'accélération. Mon véhicule slalome dangereusement à travers les quilles décharnées.

Live Die Love - TOME 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant