36 Le nid

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Nous roulons vers le nord. D'après les calculs d'Henry, la colline est à environ deux heures de route. Il a compris que je resterai silencieuse pendant que je conduis. Tout en évitant de me poser des questions, il entreprend de me raconter sa vie, celle d'avant et celle au sein de la colonie. Sa voix grave et posée offre une trêve apaisante.

Le début du trajet se déroule sans encombre, peu de rôdeurs se trouvant à proximité du hameau.
Mais plus nous nous éloignons de Chester, plus ceux-ci se multiplient sur notre passage. Nous sommes obligés de les contourner à plusieurs reprises en prenant des voies annexes.

C'est un véritable nid que nous trouvons à la jonction entre Perkinston et Melville.
Je m'arrête avant le croisement. Plusieurs dizaines de rôdeurs viennent dans notre direction. Henry me regarde d'un air grave puis arme son fusil.

- Non, Henry, j'évite autant que possible les armes à feu. Je vais régler ça en silence.

- Mais ils sont bien trop nombreux...

- Faites-moi confiance. Ne tirez que si c'est nécessaire.

J'ai déjà la nausée en sortant du véhicule, comme à chaque carnage dont je suis responsable. Mais j'ai quelque chose de plus fort que le dégoût que je ressens : la rage de survivre coule dans mes veines ; je veux vaincre la mort pour avoir une chance de mettre à l'abri ma nouvelle famille.

Je m'élance à leur rencontre. Leurs mâchoires s'activent mais ce n'est pas moi qu'ils veulent. Henry est leur cible. Ils ne l'atteindront pas.

Un à un, ils s'écroulent au contact de mes lames aiguisées dans leur crâne. Cette saloperie de virus a au moins ça de bon : les os des marcheurs sont bien plus mous que ceux des vivants. Et je dois dire que c'est un avantage précieux. Mes coûteaux glissent encore et encore. Hommes, femmes, jeunes et moins jeunes, mes coups ne distinguent plus leurs visages. Je reproduis mes gestes presque mécaniquement, le souffle court. Une partie de moi est ailleurs. Certains se tournent vers moi attirés par le bruit des carcasses qui tombent au sol. Je crois presque lire de l'interrogation dans leurs yeux éteints. Mais ce n'est que de courte durée. Mes mains sont couvertes de sang et de cervelle au fur et à mesure que j'avance. Bien que leur sang ne gicle plus depuis longtemps...

Il n'a fallu que quelques minutes pour décimer ces êtres autrefois humains.
Je regarde tout autour de moi ces cadavres qui ne se relèveront plus. Cette fois-ci, mon estomac reprend ses droits, je m'écroule à terre pour vomir. De la bile brûle ma gorge. Un coup de feu me fait sursauter. Près du véhicule, un rôdeur s'effondre, abattu par Henry.

Un autre s'approche du véhicule.

- Non !

Les mains d'Henry tremblent à travers la portière de la Nissan.

Je bondis vers le marcheur et lui enfonce une de mes lames en travers de sa gorge.

- Je... je... suis désolé... Il s'est approché et j'ai...

- Cela ira, Henry.
On y va.

J'espère que le coup de feu n'a pas alerté ceux que nous cherchons à éviter, les mercenaires de Negan... Mais le bain de sang que nous laissons derrière nous offre un indice des plus parlants...

Ma main s'enfonce dans ma poche gauche pour en sortir les morceaux de papier d'un blanc immaculé. D'un geste, des dizaines de pétales virevoltent en direction des corps.
Henry me dévisage sans un mot.

La voie est libre. En silence, nous prenons la direction de Melville.

Live Die Love - TOME 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant