SIX

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(PDV Margaux)

C'est une belle après-midi, pour ma part. On s'est toutes rejointes chez Summer et Lenny, c'est plus pratique vu qu'elles habitent ensemble. Et puis, Théa vit dans un tout petit appartement avec son père, Jeanne est un peu loin et moi, ma sœur est à la maison en ce moment. Je ne veux pas qu'elle ne nous interrompt. 

Je sonne à la porte à 14 heures précises. Lenny m'ouvre.

-Coucou ! s'exclame-t-elle.

-Hello ! je réponds en franchissant la porte. Tu vas bien? 

-Super ! Viens, j'ai fait des limonades. 

J'enlève mes chaussures et je la suit. Évidemment je suis déjà venue plusieurs fois ici, mais c'est la première depuis les travaux. La cuisine et le salon sont repeints, ça sent la peinture fraîche. J'hume l'air discrètement. 

Summer et Théa sont assises sur des poufs. Je m'installe à côté et Lenny sert les boissons. Bientôt, Jeanne arrive et nous commençons enfin ce qu'on a prévu de faire. Nous attendons Lenny, qui est dans la cuisine.

-Alors ! fait-elle en arrivant. On va jouer au jeu des étiquettes ! 

J'applaudis et lance un "wohoo!".

Jeanne soupire et roule les yeux.

-Pff. Sérieusement, Len' ! On a plus six ans pour jouer à des jeux de gamins ! 

-Si, ça va être drôle, ne t'inquiète pas, assure Summer, toujours pacifique. Écoute. 

Lenny sourit. 

-Alors... Il y a cinq étiquettes entre mes mains. Sur chacune, un prénom, une de nous. Chacune va prendre une étiquette au hasard et va mimer celle dont le prénom se trouve sur la feuille. Le but, c'est de trouver qui est imité. Ensuite c'est au tour de celle qui a deviné, et ainsi de suite. 

Summer sourit.

-C'est tellement drôle, ce jeu ! On jouait souvent à ça, en colonie ! Tu te rappelles, Len' ?

-Oui ! glousse cette dernière. Ha-ha! 

Je dois avoir des hallucinations, car j'ai cru voir Théa lever les yeux au ciel à ce moment précis.

-Bref, vous avez compris ? s'enquit Lenny ?

Théa fronce tout à coup les sourcils. 

-Oui, j'ai une question... 

-Oui ? 

-Et si on pioche son propre prénom ?

-Pas de soucis. Tu t'imites toi même. 

Je souris et dit : 

-Ça sera dur pour celle qui trouvera mon nom ! Je suis inimitable. 

Elles éclatent toutes de rire. 

Après quelques secondes, le jeu commence. Nous avons toutes pris des papiers retournés. Je prend celui qui est le plus près de moi et regarde quel prénom il contient.

Lenny. 

"Facile, je pense"

-Qui commence ? je demande.

-Moi ! se désigne, justement, Lenny. Je reviens. 

Elle court vers sa chambre et ramène son livre de maths. Je regarde les autres. Qu'est ce qu'elle manigance ?!

Elle ouvre le livre et a enfouit son nez dedans. 

-Six heures du matin. Dix heures. Midi. Trois heures. Cinq heures du soir. Vingt heures. Min...

-JEANNE ! je crie, hystérique.

-Oui ! confirme-t-elle en hurlant.

On rigole de nouveau. Même Jeanne décroche un sourire. 

-Bien mimé, admet-elle. Mais parfois, j'arrête de lire pour manger.

-"Parfois", répète Summer, ironique.

-À toi, Margaux ! me lance Summer. 

-OK ! Eh ! Les filles ! Qu'est-ce qui est jaune est qui attend ? Vous savez pas !? Bah, Johnattan ! Ha-ha-ha ! C'est tellement drôle, on se tient les côtes !

-C'est Lenny, devine Jeanne en lui lançant un regard du style "J'te l'avais dit". 

-Evidemment, dit celle-ci avec une moue. Mais mes blagues sont bien plus drôles. 

-C'est vrai, confirme Théa. 

-Allez, à moi, rappelle Jeanne. Oh mon dieu mon dieu mon dieu mon dieu les filles j'ai oublié mon fond de teint chez moi c'est un cauchemar il faut que j'y retourne c'est vraiment très urg...

-Reprends ta respiration ! rit Summer. C'est Margaux. À moi. 

Elle ne dit rien. Elle nous fixe, tour à tour, en silence, un air satisfait sur son visage.

-Bah alors, t'accouches ou quoi ? fait Lenny, impatiente. 

Elle ne dit toujours rien. Gros blanc... Je déteste ça. 

-Summer ! je rappelle. Arrête de réfléchir ! On t'attend ! On va pas passer la nuit ic... 

-C'est moi.

Je me retourne vivement vers Théa. Les yeux bleus humides et les mains tremblantes, elle répète : 

-C'est moi. C'est ça, hein ? Summer ? 

-Oui, avoue Summer. Je ne savais pas quoi faire d'autre. Tu ne parles jamais ! 

Lenny cligne des yeux deux fois avant de comprendre, puis se tord de rire spontanément.

-C'est vrai ça ! Haha ! C'était bien trouvé, Summer. Bravo. À toi, Théa. 

Contre toute attente, Théa se lève et court vers la porte d'entrée. Elle sort et la claque.

Je lance un regard à Jeanne, puis Lenny, et enfin Summer, qui se recroqueville sur elle-même, l'air un peu coupable. 

-Oups, lâche-t-elle. 

INNOCENTES.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant