NEUF

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Nous sommes montées dans ma chambre, mes petites sœurs dans nos pieds. 

-J'adore la déco de ta maison ! a complimenté Théa. C'est vraiment beau ! 

-Merci, ai-je répondu en souriant. 

-Qui a choisi la couleur des murs ? a voulu savoir Jeanne, toujours dans l'information. 

-Summer.

Jeanne n'a pas répondu. La question était un peu mal placée, mais elle ne l'a pas fait exprès.

Margaux a sauté sur mon lit. Je me suis mise à côté d'elle, tandis que Théa s'est posée par terre. Jeanne a pris place sur la chaise de bureau qui roule. Personne n'a rien dit pendant plusieurs minutes. 

Je regrettais déjà d'avoir organisé ça.

Finalement, c'est Margaux qui a rompu le silence. 

-Ça fait bizarre, quand même... Être quatres. J'avais l'habitude, à cinq. 

J'ai hoché la tête et dit en soupirant : 

-Elle me manque beaucoup trop. 

-Moi aussi, a dit Théa. 

Jeanne nous a scruté une à une. Ses sourcils bruns étaient redressés et j'avais la maigre impression qu'elle pensait quelque chose qu'elle ne nous disait pas. Ça m'a frustré. 

-Qu'est ce qu'il y a, Jeanne ? ai-je lâché. 

Elle a secoué la tête, confuse. 

-Rien. Je pensais à une chose...

-Quoi ? a fait Margaux. 

-Oui, quoi, Jeanne ? a répété Théa, le regard lourd.

-Que une de nous a tué Summer. C'est ce qu'a dit le gendarme. Ça me perturbe. 

-Je n'en crois pas un mot, a décrété Théa en posant sa tête contre le mur.

-Moi aussi, a enchaîné Margaux. Quand même, les filles ! Aucune de nous n'oserait... faire ça à... Summer, quoi.

-L'assassiner, ai-je complété d'un ton morose. 

-Voilà. 

Puis le silence a de nouveau envahi la pièce. 

-Qu'est ce qu'on fait ? demanda Jeanne. 

-J'ai préparé un jeu, ai-je dit sans conviction. Vérité ou vérité. 

-Encore ! Mais tu as cinq ans ou quoi ?

-Moi je veux bien jouer, a murmuré Théa.

Margaux a hoché la tête. 

Ça me faisait de la peine que Jeanne ne partage jamais mon avis. Après tout, c'était ma meilleure amie. Elle n'avait aucun centre d'intérêt avec moi. Elle était trop studieuse, trop calme et trop raisonnable. À mon avis, bien sûr. 

Mais j'ai inspiré et j'ai décidé d'encaisser ses paroles. Il n'y avait pas Summer pour me défendre, cette fois-ci. 

Nous avons commencer le jeu. Chacune choisissait quelqu'un et lui posait une question, la personne choisie avait l'obligation de répondre par la vérité. 

-Je commence ! a lancé Margaux qui est toujours partante. Jeanne ! Vérité ou vérité ?

-Bon, on peut passer ce moment débile, OK ? Pose ta question. 

-... Mmh. Est ce qu'il t'ai déjà arrivé un jour où tu n'as pas ouvert de bouquin ? 

-Oui, a répondu Jeanne sans hésitation. La journée que j'ai passé chez toi. Il n'y avait aucun livre sous la main, quel cauchemar ! Comment fais-tu pour vivre ?

On a rit. 

-À moi, a continué Jeanne. Lenny. Envisages-tu une carrière de comédienne ?

-Pourquoi me poses-tu cette question ? j'ai demandé, étonnée. 

-Pour t'éviter un grand échec social. 

-Très drôle. Pour répondre à ta question, non. Je veux être vétérinaire. 

J'ai été encore une fois frustrée par Jeanne. D'habitude, ces petits piques étaient plutôt bienveillantes, mais là, elles m'avaient blessé. 

-Très intéressant. À toi.

J'ai réfléchi. 

-Théa. 

Elle a levé la tête vers moi. Ses tâches de rousseur étaient éclairées par la lampe, comme ses yeux bleus, et c'est cheveux roux tombaient dans son dos. 

-Oui ? dit-elle d'une voix douce.

-Le meilleur moment que tu ai passé avec Summer. 

Jeanne m'a lancé un drôle de regard.   

-C'est pas cool, Len. Tu peux arrêter de parler d'elle ? Tu es obsédée.

-Eh ! est intervenue Margaux. Elle a le droit, si elle veut. Arrête de lui dicter sa vie. T'es pas sa mère. 

-Mais ma pauvre, proteste Jeanne, ça fait deux mois qu'elle est plus là, on va arrêter de ce pourrir la vie avec des trucs inutiles !

-Je rêve ! Summer est tout sauf inutile ! Elle est bien plus sympa et gentille que toi, alors ne l'a ramène pas, s'il te plaît. 

Je regarde Margaux, un peu choquée. Mais la phrase qui va suivre se révèle être encore pire :

-Tu es aussi gonflée que tes fesses, c'est dingue ! Pourquoi tu parles d'elle au présent ? Summer est morte, tu entends ? ELLE EST MORTE ! 

Ce dernier cri m'a fait sursauté. C'était trop. Encore un peu et mes joues se transformaient en torrent. J'en avais marre. Je me suis levée en tremblant. 

-Stop. Sortez. Sortez toutes. 

Elles ont levé la tête vers moi, incomprises. 

-Quoi ? a chuchoté Margaux. Mais c'est elle ! Je suis innocente !
-Vous êtes tout sauf innocentes ! C'est de votre faute ! SORTEZ ! DEHORS.

INNOCENTES.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant