CINQ

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-Bonjour, je peux entrer ? 

Je passe ma tête dans l'ouverture de la porte et lance un sourire timide - ma spécialité.

-Théa Lorient, je présume ? me demande le gendarme. 

Il avait une casquette bleue et les yeux de la même couleur, cernés par la fatigue.

-Oui, monsieur, je murmure.

-Allez-y, je vous attendais. J'imagine que vous avez seize ans, comme les autres. 

J'hausse les sourcils.

-Oui, monsieur. 

-Vous habitez en ville.

-Oui, monsieur. 

Il s'éclaircit la gorge, pose les coudes sur la table avant de poursuivre : 

-Pouvez vous expliquer la mort de Summer Hayer ? Y'avait-il d'éventuels conflits, au sein de votre groupe ? Peut être avait elle des ennemis ? suppose-t-il.

Je secoue la tête machinalement. 

-Non, monsieur. Summer était vraiment géniale, je lui assure. Elle n'avait pas d'ennemis. Ce n'était pas possible. Tout le monde l'aime, j'ajoute avec un clin d'oeil.

Mais le policier n'est visiblement pas dupe. 

-Alors comment expliquer que quelqu'un l'ai assassinée ? 

-Aucune idée, monsieur. Vous savez, le monde est dur.

-Je le sais mieux que personne. Vous n'avez donc rien à dire ? C'est embêtant.

-Non.

-Vous aviez toutes la clé de son appartement. 

-Oui, mais c'était en cas d'urgence. Au cas où, je reformule, on ne sait jamais. Je ne l'ai jamais utilisé. Je ne sais pas pour les autres. 

Il se frotte les yeux et pousse un soupir. Je baisse les yeux. Mes "amies" ont sûrement du utiliser le même discours que moi. C'est ma parole, contre la leur. Ce jeu est dangereux. Je ne cesse de me le répéter. 

-Quel rapport ont Lenny et Summer ? interroge-t-il.

-Elles sont demi-soeurs. La mère de Lenny a épousé le père de Summer. 

Malheureusement.

-Ils s'entendent tous bien, dans la famille ? 

-C'est à eux qu'ils faut le demander, monsieur. 

Il ne répond rien et griffonne quelque chose sur une feuille. J'essaie de lire, mais je n'ai jamais été douée pour déchiffrer à l'envers. Je roule les yeux, et regarde l'heure. Je m'empresse de dire, profitant de son moment pensif : 

-Je peux partir ? 

Il me scrute. Son regard devrait m'intimider. Ce n'est pas le cas. Je garde la tête haute.

-Un instant. Une dernière question.

-Oui ? je réponds en me levant. 

-Comment vivez-vous la mort de votre amie ? 

Je réfléchis. 

-J'ai l'impression d'avoir fait quelque chose de mal. Je me sens mal car j'aurais pu donner un peu plus d'affection à Summer. J'aurais aimé lui dire au revoir. C'est triste de voir mourir quelqu'un qu'on connaît. 

Je baisse la tête tristement.

-J'en pleure chaque jour...

Il plisse les yeux puis me sourit gentiment en signe de réconfort.

-Ne vous inquiétez pas. Nous trouverons le meurtrier.

-Je l'espère.

Je tourne les talons et disparaît. 

INNOCENTES.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant