L'intérieur puait la cigarette et le moisi, Avril plissa le nez en se frayant un passage parmi les corps chauds et transpirants qui s'agitaient frénétiquement sur la piste de danse. Jusqu'à côté de cette dernière, dans l'ombre, se trouvait un bar en bois usé surplombé par de grandes étagères où étaient disposés diverses alcool aux couleurs douteuses. Des serveuses toutes plus belles les unes que les autres s'activaient à servir les clients tout en tentant d'éviter les mains baladeuses. La lumière tamisée qui émanait de petites ampoules aux quatre coins de la pièce faisait luire les murs au papier peint défraîchi. Ces derniers étaient garnis de tableaux de vieilles affiches de journaux et de femmes dans le style de Marilyn Monroe, souriantes. Des tables où grouillaient la plèbe habituelle était disposé ça et là autour du bar. Une imposante scène sombre surplombait la piste de danse, elle était vide, si ce n'est les deux pans de tissus rouges qui pendaient négligemment le long d'une bar de fer. L'endroit bruyant agaça tout de suite la policière. Au moment où elle allait discrètement se faufiler pour tenter de rejoindre les « coulisses » du bar, une voix lui parvint à travers le brouhaha.
-Tu vas voir, elle sera sublime, ce soir!
Avril s'avança vers la source du bruit qui s'avéra provenir du bar. Un homme gras, d'une cinquantaine d'années, était accoudé nonchalamment sur le comptoir, il discutait avec un autre, plus jeune et plus mince. D'origine asiatique, ses jolies yeux bruns plissés reflétaient l'énervement. Ses épais cheveux noirs et désordonnés collés à la perfection avec son look vestimentaire décontracté. Avril le trouva tout de suite à son goût, et prit même le temps de le comptempler quelques instants, avant de se ressaisir.
Elle s'assit comme si de rien n'était deux chaises plus loin et tendit l'oreille. Peut-être pourrait-elle entendre un éléments importants dans le discour des deux hommes? Le moindre petit indice aurait pu lui être d'une grande aide pour la mission qu'elle s'évertuait à mener seule.
-Je me suis occuper de l'exciter comme il le fallait... Poursuivit le premier homme, un sourire lourd de sous-entendus aux lèvres.
Il éclatât d'un rire vicieux qui donna un haut-le-cœur à Avril. Faisait-il cet effet là à toutes les autres femmes? Avril remarqua que l'asiatique ne semblait pas prendre par à la plaisanterie, au contraire, ses mains pressaient si fermement le verre de cocktail qu'il tenait que ses jointures en blanchissaient.
-Que lui avez-vous fait? Demanda-t'il du ton le plus calme dont il était capable.
Avril devina qu'il devait tenir à cette femme dont ils parlaient. Elle se rendit compte qu'une serveuse l'interpellait et elle prit un verre d'eau. Celle-ci la regarda curieusement, n'ayant certainement pas l'habitude de servir de l'eau à ses clients.
-Oh, tu sais! Une bonne claque sur le cul, ça a tendance à les émoustiller comme il faut!
La policière s'indigna silencieusement de cette réplique totalement misogyne, elle haïssait déjà qu'on ne la respecte pas en tant que policière, mais en tant que femme, c'était un sujet qui aurait pu engendrer la troisième guerre mondiale. Avril se retint tant bien que mal de balancer une remarque acerbe à son émetteur, même si elle avait compris que rien d'important ne ressortirait de cette conversation, elle ne souhaitait pas se faire remarquer par celui qu'elle pensait être le patron du bar. Après tout, il était le principal suspect, voir coupable de cette enquête.
-Accueillez maintenant la splendide...!! Tonna un homme mince depuis la scène. Le nom de la danseuse fut couvert par les voix des spectateurs.
« Eh merde » pesta-t-elle en soupirant bruyamment. Le bruit allait freiner considérablement son ouïe et elle risquait de perdre des informations précieuses. Surtout que, aux tables et sur la piste de danse, les gens semblaient s'être tu et contemplaient la scène d'un air joyeux et intéressé. Même les soûlards habituels avaient cessé de boire et de rire grassement. Avril ne savait pas qui était cette femme, mais elle semblait connue et... admirée.
Soudain, le rideau s'ouvrît sur une silhouette de dentelle noire légèrement vêtue. Fine et pulpeuse, avec des hanches fermes, elle respirait à la fois la force et la fragilité. Avril sût sans même la regarder, qu'elle était d'une très grande beauté et un sentiment de jalousie naquit en elle. Avril était loin d'être laide, seulement, elle était fade et triste. Rares étaient les fois où elle souriait franchement et où quelque chose l'amusait réellement. Cela faisait qu'une moue boudeuse était accroché en permanence sur son visage déjà stricte.
La lumière s'alluma et révéla la danseuse aux yeux de tous. Une longue chevelure de jais, légèrement bouclé, pendait sur son épaule droite. Ses yeux d'un bleu profond était cernés de khôl et de mascara. Sa tenue voulu sexy laissait entrevoir le renflement de ses seins et les faisaient pigeonner. Cachés par de simples cache-tétons en cuir, ceux-ci étaient d'une taille enviable. Une fine barrière de tissu protégeait son sexe. Avril la devina nue, de dos.
Tandis que la salle explosait dans un concert d'applaudissements et de sifflements envieux, Avril retint un cri désapprobateur. La danseuse la dégoûtait, c'était indéniable. Comment pouvait-elle ainsi vendre son corps, sans se soucier des conséquences ni des avis. La jalousie fut vite remplacé par la colère et le dégoût tandis qu'elle tournoyait entres les pans du tissu. Avril ne put détacher son regard d'elle: elle tremblait de rage et ne cessait de s'arracher les petites peaux autour de ses ongles.
Elle-même ne comprenait pas bien sa réaction vis-à-vis de la jeune femme. Étais-ce parce que la danseuse était plus belle qu'elle? Elle ne savait pas. À cause de son métier qu'elle trouvait vulgaire? Probablement.
Il arriva un moment, le final, où la danseuse se hissa très haut sur les tissus et jetant un regard à la salle en contrebas, écarta les jambes.
Avril déglutit en sentant un frisson lui parcourir l'échine à la vue des chairs de la jeune femme.
« Du dégoût, c'est du dégoût. » se convint-elle.
Soudain, un éclair bleu fusa dans son champs de vision et son regard s'accrocha à celui de la danseuse. Elle dut y voir tout le mépris que la policière ressentait à son égard car elle détourna le regard, les joues rouges d'embarras, visiblement blessée.
Avril se leva, elle avait eu son compte de spectacle coquin pour le restant de ses jours, et se dirigea discrètement vers les coulisses en bas d'un escalier. Ce fut facile, car tous ceux qui auraient pu l'arrêter étaient obnubilés par la danseuse qui était presque descendu du tissu.
Les voix et les applaudissements se turent au fur et à mesure qu'Avril s'enfonçait dans les coulisses sombres du Cabaret. Le froid la saisit et une goutte de sueur perla le long de son dos. Elle se sentait réellement mal à l'aise et ne savait pas si elle regrettait l'ambiance bruyante de l'étage supérieur.
Des portes marquées de noms diverses apparaissaient ça et là. Il fallait avouer qu'Avril ne savait pas trop où commencer à chercher.
La policière s'arrêta, au aguet. Elle avait entendu un bruit derrière elle et sa paranoïa avait fait qu'elle avait tout de suite imaginé le pire.
Brusquement, une main se posa sur son épaule et une voix féminine extrêmement douce murmura:
-Vous n'avez pas le droit d'être ici.
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ANASIA
RomanceDe son nom de scène, Anasia, en hommage à son aïeul décédé, la talentueuse brune en ensorcèlent plus d'un. Engagée comme danseuse dans un cabaret sordide depuis ses dix huit ans, voilà cinq années qu'elle rêve de démissionner pour mener la vie qu'el...