Chapitre 7

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Avril

Avril n'était pas satisfaite. Elle avait échoué à sa mission. Démasquer un évident trafique de drogues durs au sein d'un bar n'aurait pas du être si difficile, selon elle. En tout cas pas pour la major de sa promotion! Cette soirée au comble de l'étrange l'avait laissé épuisé. Elle se sentait vide, à fleur de peau et terriblement vexée. 

C'est avec une rage incontrôlée qu'elle appuya sur la pédale de frein et qu'elle gara sa petite voiture sur sa place de parking, sous un vieux saule, à la merci des excréments d'oiseaux, ces derniers ne manquaient pas de lui faire savoir qu'ils étaient là. En sortant de l'habitacle, elle jeta un regard noir au vieil arbre, transmettant ainsi sa haine profonde aux moineaux.

Avril vivait dans un immeuble défraîchi de la banlieue de San Diego. Un petit appartement qu'elle entretenait seule et que son frère aîné squattait la plupart du temps. Elle fut d'ailleurs étonné de trouver les lieux vide lorsqu'elle pénétra dans la petite pièce qui leur faisait office de salon. Un canapé miteux dont on ne distinguait plus vraiment la couleur tant il était usé et pourvu de tâches douteuses faisait l'angle de la pièce, face à une imposante télévision -seul achat que son frère avait consentit à faire dans l'appartement-. De vieux mégots reposaient sur une table basse, à côté du sofa. Avril s'en énerva, elle avait horreur que son frère fume à l'intérieur, surtout que ce n'était clairement pas du tabac. Il avait un balcon à sa disposition, mais c'est à croire qu'il aimait mettre en rogne la policière.

Elle se laissa tomber sur un vieux rocking chair sombre qui datait de la période où elle inspectait les moindres recoins des vides greniers en quête de trésors. Le bois fatigué grinça en signe de protestation puis commença à la balancer timidement. Elle appréciait cette tranquillité bruyante. Etre dans le silence complet lui rappelait ces terribles moments passés dans l'obscurité, seule.

Tourmentée par de sombres pensées, et sans qu'elle ne sache vraiment comment, elle ferma les yeux et se laissa emporter dans les bras de Morphée.


-BAM! BAM!-

Elle ouvrit brusquement les yeux, complètement paniquée et s'empressa de saisir son flingue, accroché à sa hanche, un vieux réflexe de flics qu'elle avait adopté. Le rêve qu'elle était en train de faire était plaisant, calme, sécurisant, tout le contraire de sa vie.

Encore à moitié groggy, elle se dirigea précipitamment vers la porte d'entrée. En tant normal, elle aurait regardé à travers le judas, un signe de méfiance évident qui avait lieu d'être dans ces quartiers. Mais ce soir, Avril sut que c'était inutile, une sorte d'instinct qui l'a poussa à ouvrir la porte à la dérobée.

Une main lui enserra la poitrine lorsqu'elle découvrit le spectacle horrifiant qui se déroulait sur son paillasson. Lonie Flores, les yeux hagards et les cheveux hirsutes était recroquevillée à terre, le souffle court. Son corps frêle était pris de violents soubresauts qui faisaient trembler la masse sur laquelle elle était appuyée pour ne pas s'effondrer. Avril se figea.

-Putain, mais aide-moi! Hurla-t-elle pourtant d'une voix étonnement forte.

Et c'est à cet instant qu'Avril compris que la masse sous Lonie n'était autre que son frère, Justin Cooper, encore en plus mauvais point que la jeune femme. Il était immobile, vulnérable. Son visage d'ordinaire taquin et arrogant était à présent boursoufflé de multiples coups et bleus. Du sang goutait de son nez fracturé jusque dans son cou, sur son tee-shirt poussiéreux. Ses jointures du poignets gauches étaient gonflés, écorchés et tordu dans un angle étrange. Sa vitalité semblait l'avoir déserté et Avril se rendit compte qu'elle lui manquait beaucoup. Elle s'imagina un instant sans ce grand-frère immature, agaçant qui lui causait beaucoup de tords et ne put le supporter. Justin devait vivre, et pour cela il fallait le conduire à l'hôpital le plus proche.

Elle fit volte-face, s'empara de son téléphone et pianota d'une main tremblante le numéro des urgences. Tout allait trop lentement! Le temps que quelqu'un daigne décrocher l'appareil du côté de l'hôpital, Avril avait déjà pue se jeter au côté de son frère et le relever en position assise, sous les directives de sa copine hystérique qui ne faisait que l'a stresser davantage. Le dos brûlant de Justin reposait sur le carrelage frais du mur et sa tête pendait mollement sur le côté.

-Hôpital Sharp Grossmont, décrivez-nous votre urgence.

Elle avait presque oublié que ce fichu téléphone sonnait encore, cela lui avait semblé une éternité. Retrouvant un semblant de calme, elle expliqua la situation à l'homme qui lui avait répondu. Elle était agitée par de violents frissons qui l'empêchait de rester en place et la faisaient aller et venir dans le couloir. 

-Très bien, êtes-vous seule?

-Non.

-A part les coups que vous voyez, y-a-t'il des blessures plus profondes?

-C'est à dire? Demanda-t'elle d'une voix rauque.

-Putain, mais dépêche-toi Avril, il bouge plus! Lui cria Lonie en secouant le jeune homme.

Tout ça... Les questions implicites du médecin régulateur, les cris de Lonie, le sang sur le carrelage, le visage pâle comme la mort de son frère, son corps secoué dans tous les sens... Avril sentit quelque chose en elle se rouvrir et les souvenirs affluèrent en un torrent toxique, sans qu'elle ne put les retenir. Quelque chose qu'elle avait enfouit si profondément qu'elle avait fini par l'oublier. C'était un horrible cauchemar, qu'elle revivait dix ans plus tard. L'odeur rouillée du sang lui revint dans ses moindres détails ainsi que celle de la peur qui l'avait étreint. Ses yeux sombre ainsi que sa silhouette massive réapparurent devant elle et Avril ne put s'empêcher de faire un pas en arrière. Ses mains se mirent à trembler brutalement et ses dents s'entrechoquèrent.

-Ne m'approche pas!! Hurla-t'elle de toute ses forces en trébuchant sur la jambe de son frère.

Elle tenta de garder son équilibre, battant l'air des bras, mais en vain. Elle se sentit tomber et s'étala sur le carrelage. 

Un bruit sourd résonna, des voix paniquées aussi, une douleur violente la saisit au crâne et puis, ce fut le noir complet.

ANASIAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant