Chapitre 8

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Quelques heures auparavant

Le Cabaret n'était pas seulement un vieux bar sale et dépaysé où régnait une ambiance malsaine qui semblait s'accroître au fil des années. Il regorgeait aussi de tunnels sombres, creusés sous la terre qui étaient des points d'accès cruciaux aux différents débarquement de drogues. C'était d'ailleurs pour cette particularité très utile qu'il avait pisté Carter en quête de ses points faibles pour ensuite lui tendre un piège afin de lui faire du chantage.

Le tunnel dans lequel progressait Brick menait directement au parking où était garé le camion chargé du rapatriement. Il faisait sombre et l'air était oppressant, si bien que le jeune homme marchait d'un pas rapide, pressé de retrouvé un peu de lumière. Cet endroit n'était pourtant pas la seule raison de son attitude: Brick était inquiet. Un mauvais pressentiment lui trottait dans la tête depuis son entrée dans le tunnel... Peut-être aurait-il dû tuer cet homme qui l'avait abordé? Après tout, il savait pour son business... Peut-être irait-il le dénoncer? Un bon nombre de fois, Brick s'était maudit d'être si indulgent, mais là, il avait était totalement irresponsable. Il pensa à faire demi-tour afin de finir le travail, mais la petite pointe de compassion qui l'habitait encore et dont il n'avait jamais pu se débarrasser le retint. Il s'arrêta brusquement et comme un lion en cage, se mit à tourner furieusement, se détestant pour ce qu'il était dans ce milieu dangereux: sensible. Et puis, avec violence, il abattit son poing contre les parois du tunnel. Si fort qu'un instant il eut peur que le tunnel s'effondre sur lui. Il expira bruyamment, deux fois, trois fois, et comme le lui avait appris Sacha, il repoussa la haine en dehors de lui-même et la bloqua à l'entrée de son esprit. Il se vida la tête pour ne se concentrer que sur l'essentiel: vérifier sa cargaison.

Au moment où il s'apprêtait à repartir, il entendit un faible grattement derrière lui. Il saisit vivement son calibre 45 accroché à sa ceinture et se mit en position de tir. Scrutant la pénombre, il tenta de repérer une forme anormale, en vain. Et pourtant, il était sûr de n'avoir pas rêver ce bruit. Ou peut-être que si... Il ne savait plus... Il était perdu dans le noir, vulnérable, comme un enfant ne trouvant pas sa mère. Pris d'une peur incontrôlable, il tira dans le noir une dizaine de balles qui s'enfoncèrent dans l'obscurité et allèrent se loger dans le sol terreux. Abandonnant ensuite le peu de courage qu'il lui restait, il détala en direction de la sortie.

***

C'est en sueur qu'il s'extirpa de la bouche d'égout située derrière les toilettes publiques du parking. Soufflant comme une bête assoiffée, il l'a referma et épousseta la fine pellicule de poussière qui le couvrait. Il devait se ressaisir et reprendre son attitude intimidante de chef de gang. Il se trouva pathétique... Après tout, tout n'était que mensonge chez lui. Il n'existait qu'en lui-même, bien à l'abri des menaces extérieurs. Une seule personne l'avait bien connu, un être avait pu percer ses barrière et voir le vrai Brick Henderson. Non pas celui qu'il s'évertuait à afficher auprès des autres, celui-là n'était qu'une façade, le reflet d'un père qui l'avait terroriser autrefois. Le vrai Brick, dans toute sa vérité, hypersensible et compatissant. Et cette personne lui avait été brutalement arraché, si brusquement que Brick s'était mainte fois demandé s'il ne l'avait pas rêvé...

Il sortit de l'obscurité et s'avança vers le parking sous la lumière faiblarde des lampadaires. Statistiquement, il était évident qu'il était plus en sécurité dans le tunnel que dans ce quartier dangereux de la banlieue de San Diego. Dans ce dernier, il pouvait être la cible de fusillades, d'enlèvement... Mais pour Brick, ce n'était pas le cas, tant qu'il voyait les étoiles, il était en sécurité.

Ce soir, le ciel était anormalement dégagé et Brick s'en réjouit. Les quelques lampadaires encore en état de marche clignotaient au rythme de ses pas sur le sol. Un légère brume s'échappait du sol, en raison de la condensation et les étoiles semblaient se refléter sur ce dernier. Comme si la terre était un immense miroir. Brick trouva cela très poétique et c'est presque rêveur qu'il arriva sur le lieu du rendez-vous.

-Brick Henderson?

-En personne. Répondit-il, de retour dans son rôle, à la voix rocailleuse de fumeur qui venait de l'interpeller.

Un homme épais à l'apparence inquiétante sortit brusquement de l'ombre et croisa ses bras velus sur sa poitrine d'ours. Il le toisa d'un air méfiant avant de renifler brusquement. A son tour, Brick le détailla brièvement d'un oeil hautain -un vieux jean élimé et un tee-shirt aux multiples taches douteuses l'habillaient-, puis il le dépassa lestement et rejoignit le camion situé derrière eux.

-Montre-moi. Ordonna-t'il.

Malgré la jeunesse de Brick, il respirait l'autorité et incitait à l'obéissance. L'autre hésita, trouvant certainement qu'à son âge, il méritait plus de respect de la part d'un gamin orgueilleux. Mais finalement, il abdiqua et déverrouilla le camion en appuyant sur sa clé.

Comme il l'avait demandé, la marchandise avait été camouflé sur le verso de papiers cadeaux multicolores. Il en sortit un et le déroula: de petits sachets remplis de poudre blanche étaient scotché sur toute la surface du papier. Avec une infini précaution, il le replia et le posa contre un autre carton, satisfait du résultat.

-C'est bon. Tu seras payé lorsque mes gars viendront.

L'homme hocha brièvement la tête puis tournant les talons, alla refermer le coffre. Brick était déjà partit.

C'est ainsi que personne ne remarqua qu'il manquait à l'appel, un rouleau de papier cadeau...


ANASIAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant