L'odeur de friture embaumait la petite chambre. Adossée contre le mur, Dalia observait avec attention l'ardoise se recouvrir de données qu'Anush recopiait. Assise sur le lit, Pim la regardait. Elle avait attaché ses boucles rousses en un chignon désordonné et Pim sentait ses yeux s'attarder malgré eux sur les mèches rebelles qui rebiquaient sur sa nuque. À sa droite, Lou tapa du pied pour attirer l'attention. Pim ne savait pas si c'était efficace pour les autres, mais cela l'extirpa de sa contemplation aussi sûrement qu'un coup de feu. Machinalement, elle se pencha pour se saisir d'une frite encore froide, attendit que Lou prenne la parole.
« Est-ce que vous avez rapporté le plan ? »
Lou fixa Anush, puis Pim, avant de croiser les bras, visiblement contrariée par quelque chose que Pim peinait à cerner. Peut-être était-ce le fait de ne pas avoir été aux Archives ou celui de n'avoir pas eu de kebab. Peut-être était-ce parfaitement autre chose. Ce qui était sûr, c'était qu'elle était nerveuse, ce qui était quelque chose de rare. Lou privilégiait trop sa réputation de nana stable pour risquer de perdre des points en ayant même simplement l'air nerveuse. La seule chose qui trahissant son état, de toute façon, résidait dans la question.
« Bien sûr que non, » répondit Anush, presque sèchement, avant même que Pim n'ait pu ouvrir la bouche. « Mais je l'ai bien observée. »
Anush possédait une mémoire redoutable lorsqu'il s'agissait de reproduire ce qu'elle voyait. Le grand jeu avait été de trouver le temps minimum dont elle avait besoin pour ensuite reproduire un objet. Pim n'avait plus le chiffre en tête, mais elle se souvenait parfaitement d'à quel point cela lui avait semblé rapide. Anush était redoutable, armée d'un crayon, et encore plus redoutable lorsqu'il s'agissait de faire du réalisme. Tous les profs de modèles vivants qu'elles avaient eus semblaient un peu désespérés dès lors qu'elle annonçait avoir une passion pour la 3D et l'animation. Cela n'avait jamais touché Anush. Comme elle le répétait souvent, c'était elle qui menait sa barque.
« Vous savez si l'école a été construite exactement sur les ruines ? »
Dalia, un doigt pianotant contre son menton, avait visiblement une idée derrière la tête. Lou lui adressa un regard en coin avant de hocher de la tête, comme pour les inviter à parler.
« D'après les articles que j'ai trouvés, oui. Il a reconstruit sur les ruines. Il reste des traces dans le jardin, apparemment.
– Les statues ? »
La voix de Zahra vibrait de curiosité et Pim lui adressa une grimace désolée. Toujours concentrée sur sa ligne de pensée, Dalia reprit :
« Anush, tu penses que tu pourrais tracer un plan de l'école, en plus ?
– Ça devrait être faisable, oui, pourquoi ? »
Une seconde, Dalia eut l'air vaguement embarrassée. La rougeur disparut rapidement de ses joues, cependant, au profit d'une expression d'un sérieux à glacer le sang.
« J'aimerais bien les comparer. »
Ça n'avait pas de sens, mais ça en avait tout de même, ce qui était un tour de force que seule Dalia semblait être capable de réaliser. Même Lou, qui pourtant rechigner à prendre en compte les idées qu'elle ne formulait pas, la fixait d'un œil curieux, presque impressionné. Ça n'avait aucun sens de comparer deux bâtiments qui n'avaient rien en commun si ce n'était leur location. Ça en avait de superposer deux lieux apparemment intimement liés lorsqu'on ne pouvait plus se fier à la logique de toute façon. Devant le tableau, Anush sourit largement.
« Je peux faire les plans, mais il faut que je refasse un tour de l'école pour être sûre d'être précise.
– Je t'accompagne, » trancha Lou. « Zahra devrait venir aussi, c'est elle qui connait le mieux tous les coins perdus.

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Galatée
Tajemnica / ThrillerSur les bords de la Charente existe l'École des Carnes. Dans l'École des Carnes existe un secret, un secret lourd, un secret qui sent le sang de Jeanne qui imbibe les pavés de la cour. Entre les statues et les croquis, Pim, Dalia, Zahra, Anush et Lo...