Chapitre 2: La Boîte

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C'est dans un tel monde que vivait Jessie, depuis son premier jour sur Terre. Comme tous ses habitants, elle s'était un jour retrouvée là, sans rien connaître du monde. Elle avait tout appris sur son écran, grâce aux vidéos pré-enregistrées, que chacun avait déjà vues. Par exemple, l'histoire de ce monde sauvé par un homme, Steven Olkwood, aujourd'hui dirigé par son petit-fils bien aimé, Kit Olkwood.

C'est ainsi qu'elle avait également appris son prénom, seule chose dont elle était sûre à propos d'elle-même. Ses journées se ressemblaient toutes. Le matin, un réveil intégré au mur venait rompre son lien avec le monde des rêves, pour la faire revenir à la réalité, au contact dur et froid de son matelas. Elle se dirigeait alors vers une salle de bain commune à son tout étage, où venait se laver des jeunes filles de son âge. La règle l'interdisant, Jessie ne pouvait pas communiquer avec elles, bien qu'elle le voulut du plus profond de son être.

Après s'être vêtue avec ce que le personnel lui donnait, elle pouvait enfin profiter de son petit-déjeuner. Elle sortait du dortoir, le bâtiment avec toutes les chambres du secteur U, et se dirigeait vers une zone servant de cantine. Là, elle devait attendre son tour pour être servie par d'autres membres du personnel. Les tables sur lesquelles les habitants mangeaient étaient situées en extérieur, dans une sorte de grande cour. Elles étaient toutes assez longues et assorties à des bancs tout aussi grands. Le sol était formé de terre dure, l'herbe ne pouvant pousser sous le passage d'un si grand nombre de pieds. Tous les chemins reliant les différentes parties du secteur avaient d'ailleurs la même caractéristique. La zone encombrée lors des repas était entourée de caméras enregistrant les moindres faits et gestes des occupants. Le ciel gris reflétait l'état d'esprit général de la foule. Les hommes, femmes et enfants affamés du secteur U se réunissaient, mais mangeaient cependant tous les matins la même chose: du pain et de l'eau claire, ayant un goût de rouille assez prononcé. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, Jessie bectait son pain tel un vautour vorace, et s'en allait pour ses cours de la matinée, devant son écran.

Le déjeuner se déroulait dans des conditions similaires, la pitance étant maigre, souvent à base de pomme de terre bouillie et de légumes verts. Tout contact interdit, chacun regardait soit le sol, soit son repas. Personne ne se plaignait puisque tout le monde avait toujours vécu ainsi. Encore une fois, le toute était mangé si rapidement que Jessie n'avait jamais besoin de se dépêcher.

De nouveau, les enfants s'en allait dans leur espace privé, pour écouter la voix monotone et en apprendre plus sur les actions héroïques d'Olkwood. Les adultes retournaient sur leur zone de travail, le plus souvent manuel et harassant, compte tenu de leur état physique en fin de journée. Le dîner ne valait souvent pas mieux que les deux autres repas. Il était à peine suffisant pour que Jessie puisse sortir de table sans avoir faim. De retour dans sa chambre, elle avait du temps libre, mais n'avait en revanche rien pour s'occuper. Elle s'étendait alors sur son matelas, et imaginait sa vie ailleurs. Mais sa pensée s'arrêtait souvent bien vite, l'adolescente n'ayant jamais rien vécu d'autre que ça. Elle ne connaissait aucun autre endroit, mais surtout, elle n'avait fait quelque chose que ce soit, l'ayant amusée ou divertie. Elle ignorait tout du monde qui avait jadis existé.

On ne cherche pas le bonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant