Chapitre 16: Out of here

20 4 5
                                    

Au contact fort d'une large paume, le corps tout entier de Jessie eut un sursaut. Bien qu'elle eut peur de voir à qui la main appartenait, elle se retourna automatiquement. Son expression se détendit immédiatement en revoyant la barbe broussailleuse.

        - Désolé de t'avoir fait peur, lui dit John, mais je voulais être sûr que tu te stoppes net. Je crois t'avoir vu essayer les clés que tu as à la main, mais sache qu'il est parfaitement normal qu'aucune d'elles n'ait fonctionné.

A ces mots, il mit la main dans sa poche droite, et en sortit une unique clé. Dans la faible lumière du crépuscule, la jeune fille parvint à distinguer le petit objet.

        - Peu importe à qui tu as volé ces clés, reprit l'homme, mais ce n'est pas un simple garde qui aurait eut en sa possession un passe-partout menant vers l'extérieur du secteur. La clé que tu vois ici est l'une des rares qui soit actuellement en ces lieux. Mais je te raconterai ça plus en détails quand nous serons sortis d'ici. Pour l'instant, nous devons nous éloigner le plus possible du secteur.

Jessie s'écarta promptement de la porte, une lueur de respect et d'incompréhension dans le regard. Elle se demandait à la fois pourquoi John l'avait suivie jusqu'ici, pourquoi voulait-il lui aussi s'échapper du secteur U? Mais surtout, comment ce faisait-il qu'il ait cette clé en sa possession si elle était si "rare"? Elle ne prit pas la peine de poser ses questions à haute voix et suivit en trottant son nouveau sauveur dès l'instant où celui-ci ouvrit la porte.

*

La jeune fille essoufflée s'arrêta quelques instants, le dos courbé, les mains sur les cuisses. De nouveau en t-shirt pour éviter d'étouffer sous la chaleur de l'effort, Jessie tentait d'oublier la douleur qui s'était répandue dans ses jambes. Heureusement, John avait proposé de porter le sac à dos, puisqu'il n'en avait pas pour lui, et était conscient de la faible condition physique de sa partenaire. L'adolescente n'oublierai pas de l'en remercier plus tard.

Il faisait complètement nuit depuis trois heures. C'est environ le nombre d'heures qui s'étaient écoulées depuis que les deux fugitifs s'étaient sauvés. Autour d'eux, aucun signe de vie humaine. Leur seule compagnie étaient les animaux grouillant dans les hautes herbes qui les entouraient. Des bruits étranges s'en échappaient, indiquant aux deux étrangers de ne pas les traverser, au risque de se faire piquer ou mordre.

Loin au dessus de leur tête, pointaient de gros nuages gris, annonçant une grosse averse. Au loin, Jessie pouvait voir une haute forêt. C'est ce qu'ils cherchaient depuis tout ce temps; un endroit où ils pourraient se reposer sans être à découvert. John devait aussi l'avoir vu puisque malgré la grimace qu'il affichait, l'adolescente pouvait discerner un début de sourire.

        - Allez petite, on y est presque. A vue d'œil, nous en avons pour vingt minutes de course; quinze si tu ne traînes pas trop les pieds. Une fois arrivés promis je te dirai tout ce que tu veux savoir.

Il n'en fallut pas plus pour motiver Jessie. Ils se remirent en route.

Les premières gouttes de pluie commencèrent à tomber quand ils purent enfin s'abriter sous le toit de feuilles. Immédiatement, les yeux fatigués de Jessie se posèrent sur une grosse pierre à un pas de là. Dès qu'elle fut confortablement installée, elle regarda l'homme qui lui faisait face. Celui-ci détaillait l'horizon, bien que le brouillard d'eau s'étant formé devait l'empêcher de voir plus d'une dizaine de mètres devant lui. Sous son pull gris, elle parvenait à discerner la forme de biceps puissants. Elle se surprit cependant à penser à Thomas, qui n'avait sûrement pas la même carrure. Intérieurement cela la fit sourire. Ses pensées furent néanmoins interrompue par John, qui se tourna d'un coup vers elle et soupira, d'un air implorant.  

        - J'imagine que tu te poses beaucoup de questions à mon sujet, dit-il, et je t'ai promis que tu aurais tes réponses rapidement, mais es-tu sûre que cela ne puisse attendre? Je pense que tout comme moi tu es bien fatiguée par cette marche, et rien de tel qu'un peu de repos pour remettre ses muscles en bonnes conditions.

Jessie qui jusque là montrait un visage inquisiteur baissa les yeux et dû s'admettre à elle même qu'une longue sieste ne pourrait pas lui faire de mal. Après tout, elle n'était pas si pressée que ça. Ils auront de toute façon autant de temps qu'ils voudront pour en discuter plus tard.

        - C'est d'accord, répondit-elle, mais dans ce cas, tu me dois une faveur. Est-ce que tu pourrais aller t'occuper de nous procurer à manger? Je ne me souviens même pas de quand date mon dernier repas.

Devant une réponse si douce et à la fois directionnelle, l'homme n'eut d'autres choix que de d'obéir. Ils s'empara du sac à dos et partit en direction du cœur de la forêt. Jessie quand à elle sentit que le sommeil se rapprochait rapidement. Bercée par le fort clapotis de l'eau, elle s'endormit.

Son rêve fut loin d'être aussi reposant qu'elle l'aurait espéré. Elle se trouvait dans un endroit créé de toutes pièces par son esprit. Le décor ressemblait à la fois à celui de la forêt dans laquelle la jeune fille s'était endormie, et à la cour située à la sortie du dortoir. Autour d'elle, le feu dévorait tout, tandis qu'une masse de cris indistincts et effroyables l'enveloppait toute entière. Les flammes rouges sang sortaient de tous côtés, de tel sorte à ce qu'aucun recoin ne semblait en être hors d'atteinte.

Elle voulut porter une main à son visage pour se protéger contre la fumée qui étourdissait ses sens, lorsque qu'un enfant courant à toutes jambes la bouscula, ce qui lui fit perdre l'équilibre. Perdue au milieu de ce chaos, son seul repère était le sol dur sur lequel elle était presque allongée. La force lui manquant, elle se trouvait incapable de se redresser pour courir loin du tumulte mortel. D'un coup, une voix forte clama par dessus le vacarme alentour, des mots qui percutèrent Jessie de plein fouet: "Par ici. Viens avec moi, je te protégerai, je te montrerai le monde, je te ferai vivre tes rêves, je pourrai..." Un hurlement terrifiant de provenance inconnue vint cependant couper court à la fin du message. Mais cette voix ne pouvait être que la sienne. Avide d'en entendre les derniers mots, Jessie se mit à avancer sur ses genoux, alors que ses oreilles saturées la faisait souffrir. Il fallait sortir d'ici.

A une certaine distance, Jessie apercevait une ouverture. Elle s'en approcha, jusqu'à distinguer plus précisément qu'il s'agissait d'une vaste plaine verte. Elle se releva sur ses deux pieds et les traîna en trottant, la main tendue, l'espoir à quelques pas...

Brutalement, elle fut tirée de son cauchemar par une main attrapant la sienne avec force, avant de se faire emporter dans un bond rapide. Une voix intentionnellement faible lui murmura rapidement.

        - Ils nous ont rattrapé. Dépêche toi, nous n'avons pas une seconde à perdre.



On ne cherche pas le bonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant