Quelques secondes après son message, le voilà qui apparaît, tout sourire, vêtu d'un simple débardeur et d'un jogging, les lèvres largement étirées. J'entre à son invitation, il m'indique ensuite de le suivre et se moque de mon accoutrement grand froid. Moi, je profite de ses habits légers pour détailler ses épaules. Il est beau.
– Comment tu vas faire quand ce sera l'hiver ? rit-il alors que je me demande combien d'étages on va encore monter.
– J'ai... une veste encore... plus chaude pour... ça.
– Je rêve ou tu es essoufflé ? m'interroge-t-il avant de se retourner vers moi.Je tente de trouver une respiration calme et régulière pour le contredire mais il n'est pas dupe et éclate de rire avant de se remettre en route. Je le suis jusqu'au dernier palier. Il ouvre la porte, s'efface pour me laisser passer avec une courbette et un« après vous messire » qui m'amuse. Je pénètre donc dans le petit appartement, me déchausse sans attendre. Il me débarrasse de mon manteau qu'il met sur le dossier d'une chaise, je laisse mon écharpe avec. L'intérieur est très douillet, tout en couleurs chaudes. Un canapé sépare la télévision de la table entourée par une demi-douzaine de chaises, la cuisine n'est délimitée que par un bar sur lequel s'amoncellent verres et pintes. Je remarque de la vaisselle soigneusement empilée à côté d'un évier rempli de couverts flottant dans une eau approximativement propre. Il lâche un rire gêné, me prend par les épaules pour me diriger vers sa chambre. Je ne vois que deux autres portes dans le couloir, ainsi qu'un grand placard.
– Fais pas attention, c'est un peu le bazar...
Il semble mal à l'aise. Je tourne sur moi-même, émerveillé par la pièce remplie du sol au plafond de bric-à-brac. Tout est en rapport avec la musique. Des posters de différents groupes, des notes de musique sans oublier leurs portées dessinées sur chaque mur, un clavier numérique et un étui à violon. Une guitare est appuyée contre une étagère sur laquelle sont entassés des livres de toutes les couleurs et de toutes les tailles. Seul le lit ressort rangé de cet univers bordélique. Faustin s'y laisse d'ailleurs tomber, m'observant avec attention.
– Elle est trop bien ta chambre !
– Sérieux ? C'est n'importe quoi tout ça, fait-il en balayant la pièce d'un mouvement de bras.Je secoue la tête, un grand sourire sur les lèvres. Le toit incliné descend jusqu'au sol où sont éparpillées diverses feuilles recouvertes d'une écriture serrée. J'en saisis une, mais il me la prend des mains.
–Nope ! annonce-t-il, victorieux.
Je fais mine de bouder, puis m'allonge au sol, les bras en croix. Il vient faire de même, laissant son poignet droit traîner sur mon torse et fermant les yeux. Je tourne la tête vers lui, l'observe longuement. Je le trouve vraiment beau. Ce n'est pas tant son visage, mais plutôt ce qu'il dégage, la force et la motivation qu'il laisse entrevoir que je considère comme magnifiques. Il soulève les paupières, plonge ses iris dans les miens. Mon souffle se coupe d'un coup, mes doigts remuent dans le vide. Il respire doucement, je me demande s'il entend mon cœur battre comme un forcené. Puis il se tourne sur le côté pour être face à moi, je décide de faire de même. Il a ramené sa main, je coince les miennes sous ma tête pour qu'elles arrêtent de trembler. Il ne l'entend visiblement pas de la même oreille car il vient les saisir et les poser contre son torse, me faisant frissonner.
– Tes mains sont vraiment là, je les sens. C'est dingue.
Je me rends alors compte que l'invisibilité est arrivée, que les crépitements ont eu lieu. Que je ne l'avais pas senti, aussi. Et également, c'est d'ailleurs bien ça qui me fait le plus mal, que son comportement ne soit dû qu'à ma transparence, qu'il ne désire pas forcément de contact entre nous. À l'inverse de moi. Pour changer le cours de mes pensées, je lui raconte la première fois que ça m'est arrivé, la première fois que les étincelles sont apparues dans mes doigts, la première fois qu'Hortense l'a vu. Je lui raconte Hortense, son appartement, ses chiens. Je lui raconte mes parents, mon petit diable de sœur, et Marguerite. Il m'écoute jusqu'à ce que j'aie fini sans lâcher mes mains qu'il maintient précieusement contre son cœur, me contemple sans dire un mot. Il attend que j'aie vidé mon sac. Et seulement là, il se redresse, s'assied sur mes genoux pour me relever en position assise, puis me prend dans ses bras.
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Invisible
ParanormalDans une ville grise et triste, un garçon grandit. Frank a douze ans, expérimente les premiers amours d'adolescent, les sorties entre copains, les longues heures au collège... Mais, plus important, Frank disparaît. Alors, il se réfugie chez sa voisi...