Je pensais avoir la réponse à ma question mais, quand j'arrive devant les barreaux, il n'y a rien, et Faustin semble aussi perdu que moi. Martin jaillit alors d'un groupe, Léo sur les talons, et nous emmène vers le collège, les cours commençant bientôt.
– Qu'est-ce que...commencé-je.
– Si tu parles des conneries affichées, je les ai déchirées et jetées. C'est ouf que personne ne l'ait fait avant moi, peste mon copain en retour.J'ai un mauvais pressentiment, et Faustin déglutit difficilement.
– Attends, fais-je en m'arrêtant, y'avait quoi d'écrit ?
Mes deux meilleurs amis échangent un regard, soupirent de concert.
– Rien d'important, Franky, des conneries.
– Quel genre de conneries ?
– C'était écrit que...t'étais gay. Mais... dans d'autres termes pas très cool. Genre...« suceur » ou autre... enfin tu vois, je vais pas te faire un dessin ! Je te passe ce dont tu es accusé d'avoir fait aussi. C'est pas propre.Je serre les dents, les doigts de Faustin glissent entre les miens et ça me détend presque instantanément. La colère ne descend pas tellement pour autant.
– C'est à cause de notre relation, je... sérieux, je pensais pas qu'en disant que tu me manquais terriblement quand tu étais à l'hôpital, ça entraînerait ce genre de... Merde quoi !
– C'est bon, t'y peux rien. Ce n'est la faute que des connards qui ont affiché ça.
– Mais pourquoi ils n'ont agressé que toi ? s'interroge Léo en grattant l'espace sous son nez.Je hausse les épaules ; probablement parce que Faustin a une belle gueule et pas moi, il ne faut pas chercher loin avec les collégiens.
Je lâche un soupir et serre brièvement Faustin contre moi avant de devoir le lâcher. Je me laisse entraîner par mes copains vers notre salle de classe, on essaie de ne pas penser à l'incident de ce matin. Le professeur ne fait aucun commentaire, je me demande si les adultes sont au courant de ce qu'il s'est passé. Sans doute pas. Durant toute la matinée, je surprends des remarques désobligeantes, des chuchotements, des encouragements et quelques insultes. Mais aussi, des gens qui s'en fichent. Pour dire vrai, beaucoup n'en ont absolument rien à faire et ça me fait bizarrement plaisir de me rendre compte que la question de ma sexualité n'intéresse presque personne. C'est comme si j'avais l'impression que le monde entier m'en voulait pour ensuite me rendre compte qu'il n'y a qu'une dizaine d'abrutis pour qui c'est le cas. Ils sont les seuls à m'embêter, mais je ne leur laisse pas d'ouvertures. Je ne suis pas de ceux qui se laissent insulter sans rien faire.
Durant le déjeuner, Faustin vient nous rejoindre à table, accompagné d'Alice et d'une de ses amies, Emmanuelle. Elles s'énervent un peu contre les enfoirés qui ont placardé ces bêtises sur moi, me rappellent que ça ne veut rien dire et que je ne dois pas m'en soucier. Alice en particulier fait attention à me rassurer, à m'expliquer que les gens deviennent plus tolérants en grandissant. Elle me fait un peu penser à Hortense. Je me sens bêtement heureux, malgré tous les événements, d'être avec des filles aussi gentilles. Puis, alors que j'entame mon dessert avec entrain, je sens une main glisser dans mon dos, jette un regard en biais à Faustin qui m'observe avec un petit sourire au coin des lèvres. Je n'ose pas lui demander comment ça se passe avec Alice, d'autant qu'elle est dans sa classe, alors je me contente de lui répondre par la même expression avant de me remettre à savourer ma crème dessert.
L'après-midi passe sans réels incidents, toujours ces bruits de couloir, mais déjà bien moins nombreux que ce matin. Si ça continue à ce rythme, d'ici mercredi tout le monde sera passé à autre chose. Fort de ces pensées, je sors de l'établissement sur les talons de mes copains qui sautillent dans tous les sens, une partie de course de voitures prévue. Je pouffe, décide de les accompagner – ils ne m'auraient pas laissé le choix de toute façon – d'autant plus qu'Hortense n'est pas rentrée. Seulement, quelqu'un m'attrape le bras. Je ne l'avais pas vu arriver, je pensais qu'il terminait une heure plus tard. Faustin me demande s'il peut rester avec moi. Je suppose qu'on va devoir parler, alors je hoche la tête. On marche tous les quatre en galérant à trouver la place sur le trottoir, puis on arrive devant mon immeuble.

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Invisible
ParanormalDans une ville grise et triste, un garçon grandit. Frank a douze ans, expérimente les premiers amours d'adolescent, les sorties entre copains, les longues heures au collège... Mais, plus important, Frank disparaît. Alors, il se réfugie chez sa voisi...