Statufié devant la voix de Faustin, je me retourne lentement, très lentement, vers lui. Je me force à lui lancer un sourire auquel il répond avec un sourcil en l'air. Il s'approche de moi alors que je n'ai qu'une envie : m'enfuir. Encore une fois, entre mes pensées et mes actes, il y a un fossé.
– Tu escalades les tribunes toi, maintenant ?
– Je l'ai souvent fait, réponds-je en haussant les épaules avec désinvolture.Il laisse échapper un rire et enfouit ses mains dans ses poches, rentrant la tête dans les épaules pour tromper le froid qui commence à s'installer. Je l'observe sans un mot, et les battements de mon cœur s'accélèrent alors que sa bouche expire un nuage de buée. Puis il me sourit d'un air presque coupable.
– J'te cherchais, chuchote-t-il, et il me semblait bien t'avoir vu traîner ici de temps en temps. Je n'avais pas imaginé que tu serais sur le toit !
– Les apparences sont souvent trompeuses. Pourquoi... tu me cherchais ?Il sourit de plus belle, puis relève les yeux vers le ciel. Je fais de même ; les premières gouttes de pluie ne vont pas tarder à venir s'abattre sur cette ville tellement triste.
– T'avais pas l'air bien aujourd'hui. J'me suis dit que t'aimerais peut-être en parler. Et puis j'aime bien la pluie.
– T'es bizarre toi.
– T'aimes pas ça ? me demande-t-il en reportant ses yeux horrifiés sur moi.
– Pas tellement, non. Enfin, pas quand je finis trempé et que mes affaires sont foutues.
– C'est vrai qu'avec ton sac défoncé, tes cahiers doivent prendre cher, chuchote-t-il.Comment sait-il ? Je ne lui en ai jamais parlé. Comment a-t-il remarqué que ma besace était aussi abîmée ? Un sourire naît sur mes lèvres. Il m'a regardé, a détaillé mes affaires. Je lève timidement les yeux sur lui, il me sourit en retour avant de passer son bras autour de mes épaules, pour me faire me pencher en avant. Il ébouriffe mes cheveux puis me donne une grande accolade qui me fait tituber.
– Allez, pas de chichis ! Raconte !
Il se tait, me regarde. Je ne peux pas lui dire qu'il m'attire, pas alors qu'on va peut-être devenir un peu plus que juste « camarades ». Pas alors qu'il me sourit en voulant comprendre pourquoi je n'allais pas complètement bien aujourd'hui. Pas alors qu'il a remarqué que j'étais ailleurs.
– Et puis j'aimerais bien... pourquoi pas... qu'on devienne... vraiment amis ?
J'écarquille les yeux, entrouvre la bouche, le fixe. Il a de nouveau ce petit sourire gêné, rentre encore un peu plus le menton dans son col, faisant disparaître sa bouche dedans. Les premières gouttes de pluie s'échouent dans ses cheveux, humidifiant légèrement ses mèches emmêlées. Je hoche finalement la tête, lui donne à mon tour l'accolade.
– On est déjà amis !
– Ah ouais ? rit-il.
– Dès la seconde où tu m'as demandé ce qui m'arrivait. Merci.Il m'interroge du regard. J'inspire, me lance :
– Je deviens invisible. Personne ne me voit. C'est à peine si mes parents se souviennent que j'existe. Ma petite sœur n'y fait pas tellement attention, elle est encore trop jeune. Mais Léo et Martin passent à côté aussi ! C'est assez incroyable : il n'y a aucun prof' qui se soit rendu compte de quoi que ce soit ! La seule à me comprendre, c'est...
Mais je m'arrête. Il me regarde bizarrement. Les sourcils pas vraiment froncés, mais pas haussés non plus. Il ne bouge pas, se contente de me contempler.
– Laisse tomber, lâché-je rageusement.
– Non attends ! T'as l'impression d'être invisible tu dis ? Tu te sens si seul que ça ? Pourtant t'as l'air de bien t'entendre avec Martin et Léo, non ?
– Ça n'a rien à voir...
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Invisible
ParanormalDans une ville grise et triste, un garçon grandit. Frank a douze ans, expérimente les premiers amours d'adolescent, les sorties entre copains, les longues heures au collège... Mais, plus important, Frank disparaît. Alors, il se réfugie chez sa voisi...