Chapitre 8

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On arrive devant chez lui après une bonne dizaine de minutes d'une marche lente et silencieuse. Je n'ose pas lui parler, il semble respecter mon besoin de calme. Les escaliers sont une épreuve, mais je suis d'autant plus soulagé d'arriver en haut, devant sa porte qu'il s'empresse d'ouvrir. Il me souffle que ses parents travaillent, que je peux aller m'installer dans sa chambre. J'obéis docilement, me laisse tomber sur son lit en position fœtale, l'écoute fouiller dans un placard. Ses pas s'approchent ensuite de la pièce dans laquelle je suis ; il entre avec un plateau sur lequel je découvre une assiette de spaghetti, du pain, et des gâteaux, sans oublier un grand verre d'eau. Il pose le tout devant moi alors que je me redresse. Je n'ai pas tellement envie de manger.

– Frank, sérieux... au moins un peu.

Je fais la moue, joue avec la fourchette qu'il finit par me prendre des mains. Ses doigts s'attardent sur mes membres invisibles, il me jette un regard compatissant, puis commence à me présenter des pâtes.

– Ouvre la bouche. Allez, déconne pas !

Il raconte des pitreries, fait le clown et je finis par lâcher un petit rire. Il en profite pour enfourner une fourchette de pâtes dans ma bouche, et je m'avoue vaincu. Je mange donc ce qu'il m'a préparé, termine jusqu'à la dernière miette de pain. Alors seulement, Faustin est satisfait et m'offre son fameux sourire que je ne réussis pas à lui rendre. Il va reposer la vaisselle dans la cuisine, je l'entends manquer de se casser la figure dans le couloir, souffle un peu plus fort, signe de mon amusement. Quand il revient s'asseoir avec moi, il me menace du doigt.

– Pas une remarque sur ça.
– Oui, chef.

Puis il saisit mes mains, remonte mes manches pour constater que l'invisibilité s'étend désormais jusqu'au milieu de mes avant-bras. Il laisse courir ses doigts sur ma peau, la frôlant en une caresse électrique. Je ne comprends pas son comportement : un jour il m'apprend être amoureux d'une fille de sa classe, l'autre il agit comme si je l'intéressais... Je tente de refréner les frissons qui me parcourent l'échine, sursaute quand je me rends compte qu'il m'observe, son visage non loin du mien. Ne sachant pas comment réagir, je m'allonge, coupant tout contact entre nous. Je n'ai aucune expérience de l'amour, et ses actions sont trop à supporter pour mon petit cœur.

Seulement, je n'avais pas prévu qu'il irait fermer la porte et les volets avant de s'installer contre moi. Il s'éloigne le temps d'abandonner son jean, me conseille de faire de même avant de s'enfouir sous la couverture. Je me débarrasse donc de mon pantalon non sans appréhension, et le rejoins en me demandant ce que je suis en train de faire. Il se pelotonne contre moi, fourre son nez dans mes cheveux et passe son bras autour de ma taille. J'ai à nouveau chaud, me sens glisser vers une torpeur agréable. Mon esprit s'embrume, mes mains trouvent leur place dans son dos et je me rapproche inconsciemment de lui. Je ne mets pas longtemps à m'endormir, épuisé par toutes ces émotions.

**

C'est mon portable qui n'a de cesse de vibrer qui me fait m'éveiller difficilement. Je fronce les sourcils en papillonnant des yeux, surpris de me retrouver contre un torse recouvert d'un tee-shirt vert pâle. J'inspire un peu l'odeur de Faustin, remue légèrement dans l'idée d'aller mettre en silencieux ce fichu téléphone, puis abandonne. Tant pis, il vibrera. Mon hôte resserre son bras autour de moi, marmonne quelque chose que je ne comprends pas avant de replacer son visage dans ma chevelure. La chaleur qu'il me transmet a quelque chose d'affectueux, de rassurant. Comme s'il ne pouvait rien m'arriver, comme si tous les malheurs étaient laissés en dehors du lit.

Je retente de bouger, soutirant un grognement à mon ami qui finit cependant par me donner un peu de liberté de mouvement. Je le regarde se frotter les yeux avant de s'étirer comme le ferait un enfant sans pouvoir m'empêcher de sourire légèrement. Puis les événements me reviennent en mémoire, je me souviens du pouls si faible d'Hortense, de la réaction de l'homme qui m'a ramené chez moi, du brancard...

InvisibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant