J'étais retourné quelques fois chez KiSuk, principalement pour me saouler et fumer ses consommations. Elle essayait encore de me faire rire avec toutes ses conneries mais j'avais perdu cet interêt. C'était comme si le rappel de ce connard de passant m'avait arraché tout le bonheur qu'elle avait réussi à instaurer en moi.
J'y retournais quand même pour d'autres choses également, quand j'avais besoin d'elle, de temps en temps. Ce n'était plus la même chose, mais moi ça me faisait du bien. Quand j'allais chez elle, elle m'ouvrait toujours. Jamais de la même manière en revanche: soit un sourire, soit un regard. Dans tous les cas ça finissait de la même manière. On se voyait, on se jaugeait, puis je lui sautais à la bouche. C'était tellement plus simple de faire ça. Plutôt que de passer ma haine sur le visage du premier connard qui me regarderait, je la passais dans les hanches de cette gamine qui acceptait de se donner parce qu'elle tenait à moi. J'imagine que c'était égoïste et salaud de ma part, mais elle n'avait jamais dit non, et ça me faisait du bien. Pourquoi me refuser à quelque chose de soulageant quand j'en avais la possibilité? Le reste du temps j'étais toujours avec YeongSin, à croire que je n'avais que ces deux là dans ma vie. On se saoulait, et se saoulait encore chaque soir. On parlait, je me lamentais. Je criais toujours au final, je pétais les plombs et il devait me sortir, j'étais vraiment une loque. J'avais cette tendance à me sentir agressé par tout et tout le monde, comme si la Terre entière m'en voulait, mais c'était peut-être ça au final. J'avais la haine, voilà. J'avais été triste, puis j'avais rencontré KiSuk et j'avais été heureux, puis là, j'avais la haine. C'était viscéral ce truc au plus profond de moi qui me tendait le corps et me brûlait les muscles, comme si j'étais sous adrénaline en permanence. J'avais toujours cette boule dans la gorge quand je parlais, parce que j'aurais préféré hurler.
Je voyais encore KiSuk de loin, elle me lançait des sourires réconfortants, parfois des regards méprisants. Ça dépendait des jours avec elle, comme quand je passais mon temps à ses cotés; elle ne pouvait ignorer quelqu'un qu'elle connaissait: soit elle l'aimait, soit elle le détestait. Alors je m'y faisait, espérant qu'à un moment elle ne changerai plus d'avis et finirait par me détester à temps plein. C'était vachement plus simple, avec la haine il n'y avait plus ces histoires de désir, d'affection, d'amour ou de besoin. Le besoin. C'est une chose que les humains ont inventé pour se faire du mal, j'en étais certain. Pourquoi dépendre de quelque chose? On peut très bien vivre sans attache à quoique ce soit, c'était beaucoup plus simple comme ça.