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Six silhouettes, en file indienne, descendaient une colline verdoyante remplie de végétations hautes. Cela faisait bien longtemps que ce chemin n'avait pas été emprunté par des êtres humains.

À droite, sur les rails de la voie ferrée toujours en état de marche, un train de marchandises passa à vive allure, provoquant un fort bruit de crissement et de vibration.

Marchant sur leurs pas d'enfants, les adultes étaient de retour dans les Friches, le lieu qui conservait bon nombre de leurs souvenirs et où il en restait encore de bien enfouis.

Ils arrivèrent à l'endroit où une fine rivière s'écoulait, zigzaguant calmement en se frayant un chemin dans la forêt. Plus loin elle s'agrandissait et devenait plus profonde, là où trois énormes bouches d'égouts y étaient reliées.

C'était là qu'ils avaient construit des barrages, tenté de mener une première enquête sur les enfants disparus, rencontré Ben et organisé de nombreux concours de ricochet et d'autres activités.

Mike sauta sur un premier caillou qui dépassait, ouvrant le chemin pour traverser sans qu'ils n'aient à faire un détour.
Comme avant.

- Attendez ! s'exclama soudainement Eddie en levant la main plusieurs fois pour leur faire signe de s'arrêter.

Mike, Bill et Richie s'étaient déjà avancés sur les rochers entourés d'eau et il se retournèrent.

Le brun se baissa et entreprit de plier soigneusement le bas de son pantalon en un ourlet qui remontait au dessous de ses genoux.

- Mais qu'est ce que tu fous ?

- Je ne veux pas mouiller le bas de mon pantalon. Vas-y moque toi, répliqua t-il sèchement en entendant l'adulte à lunettes se mettre à ricaner. Mais moi je prends mes précautions !

Il se redressa et réajusta correctement sa veste pourpre, la tête haute en ignorant la nuisance sonore qui arrivait à ses oreilles.

Beverly lui donna une tape amicale sur l'épaule avec petit sourire encourageant.
Ben, toujours d'une gentillesse infinie, lui confia que ce n'était pas une stupide idée et entreprit de faire la même chose, mais tout de même beaucoup moins haut.

Continuant encore pendant plusieurs minutes leur ascension le Losers' Club déboucha sur les hauteurs de la falaise. Ce n'était pas le point le plus haut, là où un jour ils avaient tous effectué le grand saut, mais il y avait assez de mètre de hauteurs pour donner le vertige à quelqu'un qui n'était pas friand de ce genre de point de vue.

Ils s'étaient placés intentionnellement côte à côte, formant une parfaite ligne horizontale. Silencieusement chacun porta un regard chargé de mélancolie sur l'horizon, se remémorant alors des souvenirs bons ou mauvais, des souvenirs qu'hier encore ils avaient complètement oublié. Ce fut une drôle de sensation qui s'empara d'eux pendant plusieurs minutes.

L'émotion passée, ils s'éloignèrent du bord et l'atmosphère inhabituelle qui s'était installée se brisa.

Eddie remarqua alors que le bas du jean de son ami était complètement trempé.

- Ahah ! s'exclama t-il d'un air triomphal en le pointant du doigt.

Pendant qu'il répétait "je vous l'avez dit" à qui voulait l'entendre, Richie le regardait d'une manière profondément ennuyée, sans bouger ni sans émettre d'autres émotions.
Mais à l'intérieur c'était tout le contraire, il s'amusait déjà de ce qu'il s'apprêtait à faire.

Brusquement il attrapa le brun fermement par les deux épaules et fit mine de le lancer par dessus la falaise.

À deux doigts de la crise cardiaque, Eddie poussa un cri de terreur qui résonna dans toutes les Friches comme un écho.

Persuadé que dans moins d'une seconde son corps allait entrer en contact avec l'eau glacé, et certainement pas aussi pure qu'on le disait, il s'accrocha désespérément au torse de son ancien ami, enserrant d'une telle force sa chemise, qu'il la froissa instantanément sous ses doigts.

Le reste des adultes accourrurent immédiatement avec panique.
Mais quand ils virent Eddie, rouge de fureur, repousser vivement celui à lunettes qui était hilare, ils en furent soulagés, bien que mécontent.

- Putain de merde Richie t'es qu'un gros con !

Eddie recula le plus loin possible, les bras repliés fermement contre sa poitrine, le regard noir et le cœur battant encore la chamade.

- Richie..., soupira Bill avec un air quelque peu rébarbative.

- Allez venez nous n'avons pas de temps à perdre, leur rappela alors Mike qui souhaitait les ramener dans un endroit bien précis.

Le petit groupe se mit immédiatement à sa suite, disparaissant entre les troncs d'arbres et laissant Richie derrière eux qui levait les mains, paumes levées vers le ciel.

- Enfin ! On a pas le droit de s'amuser de temps en temps ?

Seul le souffle du vent lui répondit et il poussa un soupir en rentrant ses mains dans les poches de sa veste noire avant de se dépêcher de les rattraper.

Mais un léger sourire se dessina au coin de ses lèvres.
Ces moments, bien que digne d'enfantillages, lui avaient fortement manqué.

angel of the morning [reddie] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant