angel of the morning [reddie]

n i n e

Richie gara sa voiture noire sur le trottoir, devant un haut grillage en fer.

Il venait d'y avoir une averse et le temps était quelque peu humide et frais. Mais une faible éclairci commençait à percer les nuages grisâtres, créant par la même occasion un arc en ciel, semblable à une illusion vaporeuse et lointaine.

D'un air absent, l'adulte à lunettes fixait son pare-brise où quelques gouttes d'eau ruisselaient encore vers le bas.

Cela faisait deux ans, jour pour jour, que le Losers Club avait vaincu Pennywise mais cela lui avait apporté plus de douleur que de soulagement. Dans cette histoire il avait perdu deux amis, dont un auquel il tenait plus que tout au monde.

Il s'était longuement décidé avant de revenir sur Derry et de se rendre sur ces lieux, que cela soit l'an passé ou encore une fois cette année.

Honteusement il pensait que c'était ridicule, totalement désuet, en sachant qu'il ne se trouvait même pas ici, bien qu'on avait ériger un espace à sa mémoire.
Mais finalement Richie était déjà venu une première fois alors il pouvait avoir le courage de continuer à perpétuer cette tradition annuelle.

Et bien que cela s'avèrait particulièrement difficile, lui ouvrant d'anciennes blessures passées, il tentait de faire complètement son deuil de cette manière.

Les mains dans les poches de sa veste, il déambula parmi les nombreuses rangées, avant de s'arrêter à un endroit précis.
Tout était d'un calme et d'une sérénité quelque peu troublante.

Richie resta silencieux pendant quelques instants avant de prendre enfin la parole.

- Hey Eddie...

Ses paroles murmurées s'évaporèrent doucement dans l'air et le silence lui répondit et l'engloba de nouveau.

Au dessus de lui quelques feuilles d'arbres tombèrent des branches en tournoyant sur elles-mêmes.
Richie garda son regard fixé sur l'une d'entre elles, jusqu'à qu'elle se pose lentement sur l'herbe fraîche et humide devant lui.

Puis une nouvelle bourrasque de vent souleva le végétal qui s'envola plus loin dans une petite danse guillerette. Richie inspira longuement et se força à paraître de bonne humeur.

- J'ai des nouvelles à te donner elles vont te plaire ! Mike est toujours en Floride et je crois bien qu'il s'amuse comme un fou. Bill a terminé son nouveau bouquin. Aucune idée si cette fin craint une nouvelle fois je ne l'ai pas encore terminé. Et puis tu sais moi quand je commence à lire je peux en avoir pour des années... Enfin bref le meilleur pour la fin Bev et Ben vont se marier dans deux mois ! Si c'est pas génial ça !

Richie marqua une pause en baissant la tête sur ses pieds.

- De mon côté rien n'a vraiment changé, ajouta t-il plus faiblement. Toujours la même vie, je me débrouille.

L'adulte aux cheveux ébènes continua de discuter avec son meilleur ami pendant plusieurs minutes, lui raconta des anecdotes diverses et variées.

- Oh j'ai failli oublier ! s'exclama t-il soudainement en farfouillant dans une des poches intérieure de sa veste. J'ai récemment retrouvé de vieux cartons. Des conneries quand j'étais gamin tu sais. Et regarde j'ai retrouvé ça.

Dans la main de Richie apparut un vieil inhalateur. Un inhalateur qui, il y avait de nombreuses années de cela, avait appartenu à Eddie.

- Ouai je sais, reprit le binoclard, en s'agenouillant, je te l'avais volé pour rire un jour. Ne m'en veux pas mais j'avais complètement oublié de te le rendre. Tu avais cru que tu l'avais perdu du coup ta mère t'en avais acheté immédiatement un autre.

Il se mit à rire légèrement suite à cet ancien souvenir. Mais son sourire se transforma en un sourire mélancolique, emplit d'une tristesse infini, avant qu'il ne fane complètement sur son visage.

Richie serra convulsivement l'objet entre ses doigts pendant plusieurs secondes avant qu'il ne se décide à le déposer délicatement sur l'herbe.

- Tu me manques Eds tu sais...

Le corps de Richie fut alors prit de légers tremblements qu'il n'arrivait pas à contrôler tandis que sa gorge se nouait douloureusement.
Il enleva ses lunettes et frotta ses yeux larmoyants en étouffant un sanglot.

Cette sensation lui était tout bonnement insupportable.
Et il n'arrivait toujours pas à s'en défaire. Le deuil et le manque de l'être aimé provoquaient une peine immense à Richie. Une peine qui le terrassait avec cruauté en lui prodiguant toute la douleur qu'elle pouvait engendrer.

L'impression de vide, d'un manque important, d'un repère lui pesait lourdement, tout comme la culpabilité qu'il ne voulait pas le quitter tandis qu'il se disait qu'il aurait pu essayer de le sauver.

Son cœur se serrait d'une telle force qu'il était certain qu'il allait finir par s'effriter et devenir de la poussière, se mélangeant à sa souffrance et à son chagrin.

C'était des sentiments similaires qu'il avait ressenti adolescent quand Eddie avait quitté Derry.
Mais aujourd'hui il savait qu'il n'y aurait plus de retrouvailles car il ne reviendrait jamais.
Il n'entendrait plus son rire ou bien ses insultes à son encontre.
Il ne verrait plus l'admiration derrière ses regards noirs ou bien ses yeux brillants de joie.

Plusieurs longues secondes s'écoulèrent pendant que l'adulte aux cheveux ébènes avait gardé une main devant ses yeux en reniflant tout en essayant de calmer son humeur sombre.

Il savait parfaitement qu'il n'aurait pas voulu le voir aussi affligé. Il aurait voulu le voir heureux et épanoui. Et il se devait de garder au plus près de son cœur, dans sa mémoire, les plus beaux souvenirs qu'il possédait de ce petit brun asthmatique qu'il avait toujours aimé.

Un faible rayon lumineux vint alors se refléta sur le verre de ses lunettes, le réchauffant doucement par la même occasion.

Lentement, Richie se releva, posa sa main sur le haut de la plaque de marbre où les mots Edward Kaspbrak étaient inscrits et il souffla quelques mots inaudibles en esquissant un faible sourire.