Chapitre VIII : Surprise de grogne-cœur

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    Dès que les vampires sont enfin hors de vue, la bestiole sous ma main en profite pour me mordre l'index avec enthousiasme.

  - Aïe ! Bon sang de bonsoir, tu as fini de croire que mes doigts sont des carottes ?!

    En réponse, le rongeur pousse des petits cris excités et énervés, comme s'il avait bu une lampée de café et qu'il m'en voulait. Si seulement je pouvais comprendre la moitié de ses couinements...

    En fait, non, je préfère ne pas savoir.

  - Les friandises sont sur l'étagère du haut. Je ne vais pas encore changer ta litière, je l'ai déjà fait hier soir. Ta coupelle d'eau est pleine, elle a juste changé un peu de forme. Tu as assez de foin dans le tiroir, je le vois d'ici. Si tu as envie de dormir, ton lit t'attend.

    Il se contente de continuer ses jérémiades, sans que cela éclaircisse quoi que ce soit sur ce qui lui arrive. C'est le problème avec les semi-contractants : eux vous comprennent, vous pas du tout. Même s'il cherchait à me prévenir d'un danger imminent, je ne pourrai même pas réagir.

    Après s'être égosillé encore quelques secondes, il s'arrête enfin et pose ses pattes sur le dos de ma main, attendant une réaction de ma part.

  - Quoi ? Tu veux des caresses ?

    Avec rapidité, il hoche de la tête et se met en place, le dos arqué bien haut et tout le corps en attente. Parfois, je me demande s'il s'agit vraiment d'un loir ou s'il n'a pas échangé d'esprit avec un autre animal.

    Dès que la pulpe de mon doigt s'écrase sur son front, il se met alors à bouger docilement la tête d'avant en arrière, se frottant à moi comme un ours se frotterait à un arbre. J'ai vraiment du mal à savoir si cet énergumène est infesté de puces et se sert de moi comme d'un grattoir ou s'il m'aime plus que je ne le pense. Ou que son propriétaire véritable lui manque.

    Je pense qu'il s'agit très certainement de la dernière solution.

  - Désolée, p'tit bonhomme, on dirait que tu es encore coincé avec moi pour un bout de temps. Si tu souhaites, je peux toujours chercher un autre semi-contractant. Ils seront sûrement de meilleure compagnie que moi.

    Il s'arrête soudainement et ses yeux noirs me fixent un moment, comme s'il essayait de scruter mon âme et mes intentions. Puis, son inspection terminée, il pousse de nouveaux couinements irrités et se met à escalader hystériquement mon bras. Je vais commencer à croire qu'il est schizophrène, s'il continue comme ça.

    Une fois sur mon épaule, il prend le temps de bien s'installer, ses moustaches chatouillant mon oreille et sa fourrure touchant ma nuque et ma joue. Lové contre ma peau, on dirait presque qu'il a trouvé sa nouvelle cachette pour faire une sieste. Comme s'il ne dormait pas assez dans la journée. Je lui gratouille quand même un peu la tête, avant de murmurer tout bas :

  - Il ne manquerait plus que Delaïssa rentre et voit ça...

    On m'a appris à ne jamais, jamais croire au hasard.

  - Madame, j'ai un document pour...

    Ma secrétaire s'immobilise un moment, ne lâchant pas du regard la bête grise qui imite une écharpe et qui ne réagit même pas à son arrivée. Pourtant, je sens l'orage qui s'annonce et les remontrances qui ne vont pas tarder à franchir le bord de ses lèvres.

  - Madame !! s'égosille-t-elle en se précipitant vers moi. Vous devez être irréprochable en toutes conditions !! Et cette... bestiole ne doit pas rester ici !! Vous devez vous en débarrasser !! Remettez-la dans le tiroir !! Et qu'est-ce qu'il s'est passé dans cette pièce ?!! Qu'avez-vous fait devant nos plus gros investisseurs ?!! On dirait un champ de bataille !!!

Grogne-cœur  ~ TerminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant