Chapitre XXVIII : Réussite de grogne-coeur

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    Une musique délicate s'élève de nulle part pendant que je commence par présenter rapidement le marché charmique et quelques avancées magiques qui ont amélioré ce secteur. Puis, dans un doux scintillement de gouttes d'eau, un golem en argile fait son apparition. Il me permet de faire la démonstration de toute ma gamme de sortilèges, et d'illustrer ceux qui agissent sur une longue durée.

    Autour de lui, des horloges et des calendriers permettent d'appuyer toutes mes indications sur la durée de ces enchantements, des icônes brillantes mettent en avant les diverses applications possibles, des jeux de lumière permettent de mettre en avant tel ou tel élément tandis que des accessoires se succèdent pour aider à mimer les actions. Jusque-là, je dirais que je me débrouille plutôt pas mal.

    Alors que je suis sur le point de conclure, j'abats ma dernière carte : pendant que la mélodie se fait plus pressante, une couche de gel commence à recouvrir ma création de terre, avant de former des cristaux de glace de plus en plus gros, de plus en plus imposants. Puis, le silence s'abat, lourd et crépitant d'inquiétude.

    Dans un craquement sonore, la carapace de givre se brise, éclatant en myriades de petits éclats qui renvoient des lueurs irisées. Et, derrière ce rideau, un corps recouvert d'écailles bouge un instant, avant de lancer un cri de joie qui résonne dans toute la pièce.

    La wyvern danoise s'extrait de cette barrière de morceaux transparents. Si elle n'a ni le mauvais caractère de ses cousines polonaises, ni la taille impressionnante du Grand Cornu, ses yeux étincelants comme des diamants et les nombreuses pierres précieuses qui poussent sur son corps lui permettent de prétendre au titre de "dragon le plus renommé et protégé du monde". Des personnes qui se proclament gardiennes de la créature gardent ses nids nuits et jours, et repoussent toutes les tentatives de braconniers de capturer une seule de ces bêtes.

    Une fois qu'il est bien visible de tous, le reptile se met sur ses pattes arrière. Il étend ses longues ailes, dont le sommet est équipé d'une serre aux griffes tranchantes, et relève son long cou de manière altière. Et, lorsqu'il ouvre sa gueule, qui termine un long et fin museau, des flammes blanches s'en échappent et se déversent dans les airs comme une marée fantôme.

    Ne vous inquiétez pas, ce feu ne peut pas brûler - ou, du moins, rien de matériel. Par contre, s'il s'agit de la moindre énergie charmique, sortilèges compris...

    Une fois sa démonstration terminée, la wyvern retombe plus lourdement au sol et s'assoit, observant avec calme tous ceux qui lui font face. Il est calme, c'est un excellent point. Mes premiers essais ont invoqué des bêtes beaucoup trop... caractérielles.

    Quelques applaudissements retentissent, polis, avant d'être rapidement rejoints par d'autres, et d'autres, jusqu'à ce que tout un concert s'élève. Bien sûr, ce n'est pas non plus l'effusion, mais c'est déjà bien. Maintenant, il n'y a plus qu'à attendre le buffet, pour voir si mes efforts peuvent être récompensés.

    Après avoir remercié la créature à sang froid, je la fais disparaître d'un mouvement de mains et pars reprendre ma place. Du coin de l'œil, je remarque l'énorme sourire carnassier de Laurent, et cela me rassure. Ce qui est étrange, si j'y réfléchis bien. Je veux dire, à quel moment un air prédateur est rassurant ? Est-ce que ça ne devrait pas plutôt être l'inverse ? Même si je reconnais qu'il a pris ma défense tout à l'air. Et que, malgré que la situation économique de mon entreprise bat de l'aile, il est prêt à s'engager dans un partenariat à long terme avec moi.

    Une fois de nouveau installée sur mon siège, Eden se penche vers moi, toujours aussi anxieuse. Peut-être devrais-je la calmer avec un léger enchantement, juste le temps de sa présentation.

Grogne-cœur  ~ TerminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant