Chapitre II : Problèmes de grogne-cœur

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     Je me pince l'arête du nez, vérifiant que le corps est toujours là. Mais non, il n'a pas l'air d'avoir bougé. Ma partie rationnelle me fustige allègrement, me reprochant d'avoir - encore - cédé à mes pulsions.

     Ce n'est pas ma faute, d'accord ? À chaque fois que je vois un animal ou une créature dans la rue, il faut absolument que je la ramène chez moi. C'est plus fort que moi. J'en prends ensuite soin et, dès que je la sens prête à reprendre sa vie quasi-sauvage, je la laisse partir. En ce moment, c'est une véritable cacophonie dans mon appartement. Une chance qu'il soit couvert de sorts d'isolation phonique. Entre la grosse salamandre, les arayées que j'offrirai à ma sœur, les wyverns arctiques les wyverns sont des serpents ailés cousins des dragons, réputés pour leurs sale caractère et leur talent inné pour tout détruire sur leur passage –, les chats, les chiens et les perruches, on peut dire que j'ai une sacrée ménagerie.

     Mais y avait-il besoin d'y ajouter un humain ? Je ne crois pas, non.

     Une nouvelle fois, je lui tâte le bras afin de vérifier s'il est bien là. Mais oui, ce n'est pas une illusion. Ou alors, elle est à la limite de la légalité.

     Doucement, je continue à lui laver le visage. Bon sang, pas question qu'il me mette de la boue partout. J'occupe déjà bien assez mon temps libre, pas question de le réduire un peu plus. Et surtout pas à cause d'étranger que je compte mettre rapidement dehors.

     Je frotte délicatement ses joues, évitant soigneusement le contact de sa peau avec la mienne. Rassurez-vous, j'aurais fait pareil avec n'importe qui. Disons que j'ai des... complications médicales si je touche directement quelqu'un d'autre. Et non, ça ne se soigne pas. Ma famille et moi avons essayé beaucoup de choses, mais rien n'a marché. J'ai préféré abandonner que de continuer à alimenter de faux espoirs.

     Tout à coup, il se met à gémir. Je m'immobilise tandis que ses yeux papillonnent, révélant deux îlots noirs plongés dans une marée glacée.

     Mmmm... Pas vraiment mon type.

     À vrai dire, je n'ai plus de type depuis longtemps. Depuis que j'ai accepté le fait qu'il ne m'était pas possible d'être intime avec certaines personnes, et donc que le fait de fonder une famille normale me sera à jamais refusé. Ce qui remonte à... trop de doigts pour mes deux mains.

     J'ai oublié d'approfondir une information fondamentale ? Tant pis, vous allez devoir attendre un peu.

     Alors, dès qu'il semble assez réveillé pour comprendre ce qu'il se passe autour de lui, je lâche d'un ton sans appel :

   - Maintenant que vous avez fini de ronfler sur mon canapé, vous pouvez sortir de chez moi ?

     Son regard se fixe sur moi, se battant apparemment pour se souvenir de quelque chose. Puis sa main remonte jusqu'à sa tête et ébouriffe ses cheveux. Sérieusement ? S'il pense que ça le rendra plus mignon, c'est loupé.

     Puis il baisse son membre au niveau de son visage et observe le liquide rouge qui le recouvre. Mon souffle se coupe dans ma poitrine. Bon Dieu, ce n'est pas possible...

   - Merde, si vous salissez le canapé, je vous jure que votre cuir servira pour mon nouveau fauteuil !!!

     ..........

     Quoi ?!!! N'allez pas me dire que vous ne penserez pas à la même chose !!! Surtout que ça coûte un bras et six poumons, ces machins-là !!!

     Pendant qu'il me fixe, hébété, je me précipite pour ramasser la première boîte de mouchoirs qui traîne. Les wyverns arctiques, qui ont la taille de canari, me laissent momentanément en prendre un avant de revenir à leur atelier déchiquetage. C'est mieux que quand elles ont fait leurs dents et leurs griffes dans ma garde-robe.

Grogne-cœur  ~ TerminéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant