Palier 9

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     J'ai recommencé à manger, ne voulant pas que mes parents ne me voient dans cet état pitoyable. Changmin était aussi partagé qu'Eric sur le sujet. Ils étaient content mais pourquoi tout d'un coup je remangeais, c'était le mystère pour eux. Pendant deux jours ils n'avaient cessé de me questionner sur ce qu'il s'était réellement passé chez Jacob, car oui je ne l'aurais avait absolument rien dit. J'avais toujours mal, toujours ce couteau dans le cœur et ces aiguilles dans les côtes quand je respirais. Il me hantait encore, tout le temps, alors je tentais tous types d'activités qui pouvaient m'en empêcher mais : j'avais déjà fait ma valise, déjà achevée mes devoirs et l'appartement était complètement propre. Aller dehors ne me disait trop rien, et puis mon rouquin avait décidé de rester jusqu'à ce que je parte, c'est à dire jusqu'à ce soir. J'avais hâte de retrouver mon chat quand même, il me manquait et j'avais l'impression que ça faisait une éternité que je ne l'avais pas vu. Malgré moi, je me mis à me demander s'il accepterait Jacob. Je soupirais intérieurement. Assis sur le sol, Changmin avait posé sa tête sur mes genoux en regardant la télévision, Eric avachie sur toute l'autre longueur du canapé où je n'étais pas. J'appréciais leurs compagnies, surtout maintenant. Je devais être à l'aéroport dans deux heures au maximum, et sincèrement je commençais à paniquer car là-bas, au Canada, je n'aurais pas mes deux amis pour me soutenir lorsque j'en aurais besoin. En les regardant tour à tour je me disais que j'avais bien des chances de les avoir dans ma vie, depuis que j'étais arrivé, comme une seconde famille qui m'apaisait quoi qu'il arrive. J'avais, en un an et demi, vu beaucoup de couleur sur le rouquin : du noir, brun, blond... Cette couleur tape à l'œil lui allait à ravir, et avait fait l'unanimité auprès de la gente féminine au lycée. Cela m'étonnait quelque peu que mon ami n'ait toujours pas trouvé chaussures à son pied.
    Distraitement je lui massais doucement les cheveux, des papouilles qu'il appréciait, et il releva la tête pour me sourire tendrement.

"- Et moi je pues ?"

    Cette prise de parole nous avait certes fait regarder Eric qui faisait la moue mais elle n'en était pas vraiment des plus surprenante. Il était facilement jaloux lorsque les papouilles ne lui étaient pas dédiés et je souriais en soupirant :

"- Mais tu as quel âge ?

- Et toi, papi ?, répliquait-il en boudant, croisant les bras sur sa poitrine et se détournant de nous, faisant mine de regarder la télévision."

     Il était fatiguant quand il le voulait. De manière affectueuse, je lui encerclais le cou avant de le rapproché de moi et de lui ébouriffer sa tignasse trop bien coiffée. Il râlait et se débattait mais je ne le lâchait pas, n'ayant pas envie qu'il argumente sans queue ni tête sur le fait que je lui donnait de l'attention seulement lorsqu'il le demandait. Puis il se calma, posant sa tête sur ma cuisse et fermant les yeux, comme s'il était fatigué.
    Oui, ils allaient me manquer.

********

    Vingt heures, mon avion allait décoller. J'étais sur le point de quitter mes deux petits chou, qui me regardaient déjà triste de me voir m'envoler sans eux. Je leurs souris doucement, je voulais revoir ma famille, évidemment mais j'aurais aimé qu'ils viennent avec moi...

"- Tu as intérêt à nous dire quand tu es chez toi, demanda Changmin en me prenant dans ses bras, sinon je viens de botté les fesses même par -8000.

- Toujours plus !, me moquais-je quand nous nous séparions avant de prendre Eric dans mes bras.

- Je veux des photos de ton chat et des photos tout court !

- Promis..."

     Puis je me retrouvai devant eux, penaud, ne sachant que dire. Les mots passèrent d'eux mêmes, en silence, avant que la voix qui annonçait les vols ne disent :

"- Mesdames, Messieurs, le vol C14523 en direction de Montréal, Canada, va partir. Tous les passagers de ce vol sont priés de se rendre au quai A pour l'embarquement. Merci."

Je souris tristement, regardant tour à tour les deux jeunes hommes devant moi avant que nos dernières salutations ne se fassent en silence et que je ne tourne les talons. Lorsque j'eus donner mon billet, je me retournai une dernière fois, les voyants me saluer énergiquement avant que n'entre dans l'artificiel et temporairement couloir qui me menait directement à un Stewart qui m'indiqua le côté économique de l'avion et que je ne me retrouve à ma place, près du hublot. Après avoir rangé mes affaires encombrantes dans les compartiments réservés à cet effet, je m'assis sur mon siège, mettant à charger mon portable sur la prise à côté du petit écran. Je savais déjà que j'allais regarder plusieurs films pendant les nombreuses heures qui allaient suivre. Je pris alors le temps de fermer les yeux, m'étirer un peu et de trouver une position confortable qui n'allait pas demander un changement constant. J'avais bien sentis qu'on s'était installé à côté de moi mais peu m'importais, c'était normal après tout. J'inspirais un grand coup avant de ne réouvrir mes yeux que lorsque l'hôtesse annonçait les mesures de sécurité et que quelques membres de l'équipage ne nous interprètent les gestes à mesure que les paroles étaient prononcées. Puis, quelques minutes plus tard, après avoir branché mes écouteurs et boucler ma ceinture, je tournais enfin le regard vers mon voisin. Il était mon voisin. Et mon corps en refit des siennes, mon cœur me torturant à vouloir se remettre en route, mon souffle s'étant aussi bloqué dans mes poumons, mon sang qui avait démarré une course de formule 1 dans tout mon corps. Il était tranquillement posé sur son siège, les mains sur ses cuisses, les yeux fermés et la tête s'enfonçant délicatement dans le dossier. Je lui avais pourtant dis que le placement était libre, ne possédant pas forcément beaucoup de gens comparés aux places qui étaient mises à disposition. Je soupirais intérieur et préférait détourner rapidement le regard vers l'extérieur lorsque je sentis l'avion prendre de l'élan. Paniqué, mes mains étaient moites et mon regard ne cessait d'être distrait par divers éléments, incapable de rester immobile sur le paysage.
Les roues se décolèrent du goudron puis l'engin prit enfin son envol, me plaquant subitement au siège. Je détestais la montée et la descente des airs, j'étais toujours vaseux et la tête me tournait. Je pris une grande inspiration, fermant les yeux comme pour tenter de me concentrer sur autre chose, n'importe quoi pour me faire oublier ce désagréable moment. Une douce chaleur vînt prendre en otage mon bas ventre quand je sentis la main de Jacob se poser sur la mienne et la serrer délicatement. Je me focalisais sur ce contact, qu'inconsciemment j'espérais à chaque instant lorsqu'il était à mes côtés. Je me mordis la lèvre intérieure jusqu'au moment où l'avion retrouvait son horizontalité et je me détendissent légèrement. Expirant tout l'air que j'avais contenu trop longtemps avant de réouvrir les yeux et de regarder nos deux mains superposées puis retirait la mienne comme si ça me brûlait. La conversation que nous avions eus il y a deux jours me revint en mémoire et je savais que ce que je faisais n'était pas bien. Il était avec Hyunjae. Ami ou pas, Jacob savait, en gros, ce que je ressentais. Et je ne voulais plus qu'il joue avec moi, mes émotions et sentiments.
J'appuyai de la main encore chaude sur l'écran en face de moi, choisissant un film d'action qui pouvait me couper de ce monde et me changer les idées. J'optais pour un Blanche Neige et le chasseur avec Christen Stewart et Chris Hemsworth, qui n'était pas vraiment connu mais que j'aimais bien. Puis je me concentrais sur celui-ci, coinçant mes mains entre elles, pour ne pas trembler, de sa précédente action, et ne pas être tenter de prendre la sienne.
Au bout d'une bonne heure ou l'action battait son pleine et que toute mon attention était focalisée sur l'action que la future reine allait menée pour se dépêtrer d'une situation critique, je me mis à sursauter et frissonner doucement en sentant un poids sur mon épaule droite. Il venait de poser sa tête sur moi. Rectification, sa tête s'était laissée emporter sur le côté alors qu'il dormait. Je tournais la mienne discrètement, et effectivement il avait l'air crevé mais paisible. Ses petites boucles blondes retombaient doucement sur mes vêtements et son front, sa bouche était légèrement entre ouverte comme pour aider sa bouche à laisser passer l'air. Il était des plus mignon, malgré mon angle de vue pourrasque. Je soupirais doucement avant de venir remonter sa couverte de laine sur ses épaules pour ne pas qu'il ait froid et je le sentis se repositionner sur mon épaule qui lui servait d'oreiller de fortune. Et je ne bougeais plus jusqu'à la fin du film et même celui d'après, de peur de le réveiller par mégarde.
Je me demandais bien ce qu'il me passait par la tête pour le laisser comme ça. D'un côté je me sentais coupable et d'un autre, pas vraiment. Nous allions au Canada, Hyunjae ne pouvait rien savoir.
Ce qui se passe à Vegas, reste à Vegas, n'est-ce pas ?

Sans voix         -- MoonBaeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant