Palier 15

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Quelques heures plus tard, j'étais dehors à attendre Kayla, près de notre lieu de rencontre facile à trouver, un café connu de tous, un Starbucks. J'avais froid et mon nez me brûlait, j'essayais de le cacher dans mon épaisse écharpe enroulée autour de ma nuque sans avoir à sortir mes mains de mes poches. J'observais sans grande attention les passants, sous la neige fine qui s'était légèrement formé depuis le ciel et qui venait caresser doucement les passants, des cils au doudounes. Je sortis courageusement mon téléphone de ma poche, faisant glisser mon écran de verrouillage pour activer mon appareil photo et prendre plusieurs photos de la vue qui s'offrait à moi, modifiant quelque fois la luminosité, l'angle de vue, et ajustait le tout pour faire la photo qui ravirait Eric. Puis je déverrouillait mon cellulaire, tapant sur l'application des messages et trouvant enfin le nom de mon ami :

Moi.
14:26. Hey tu as vu ? Je ne t'ai pas oublié. Je suis dans le centre-ville, j'attends une amie et je me disais que la vue pourrait te plaire !

      Sa réponse ne tarda pas, sûrement cinq minutes après il me répondit :

Eric.
MAIS QUELLE BÊTE DE PHOTO ! Mon nouveau fond d'écran !
Mais attends... Une amie ? Et Jacob alors ?

Je soupirais. J'aurais tellement voulu ne plus y penser ne serait-ce qu'une après-midi mais non, la réalité me rappelait à l'ordre. Et la réalité, c'était mon Américain.

Moi.
Il est resté à la maison.

Eric.
Vous vous êtes encore disputé ?

Moi.
C'est compliqué...

"- Alors comme ça, ça va mal avec Jacob ?"

La voix féminine à mes côtés m'avait fait frôler la crise cardiaque et je poussais un petit couinement peu masculin mais assez discret pour que peu ne l'entendent. Une main sur le cœur, le souffle court, je regardais Kayla en l'ayant assommé déjà trois fois dans ma tête.

"- Tu m'as fait une de ses peurs ! Ça va pas d'apparaître comme ça sans un bruit ?

- J'ai fais du bruit, se moqua-t-elle, une mine innocente sur le visage en haussant les épaules, alors, il se passe quoi ?

- Je n'ai pas envie d'en parler. Je ne te fréquente pas pour parler de ça Kayla..."

Elle leva les mains au ciel, signe qu'elle ne continuera pas à me questionner sur ça et intérieurement je l'en remerciait, je n'avais pas la tête à rabattre le sujet qui me tracassait sur la table aujourd'hui. Surtout après ce qu'il s'était passé... Elle décida donc de me changer les idées en m'emmenant à la patinoire, celle couverte et ouverte toute l'année non-stop. J'avais dû le pressentir car je m'étais habillé assez confortablement. Le genre du pantalon droit légèrement ample, le pull noir épais et chaud, mon écharpe marron et des chaussettes de skis fines. Elle aussi s'était préparée pour, portant un jean slim noir, un pull de la même couleur abordant un petit écusson du canada sur le côté gauche, et s'était attaché les cheveux en queue-de-cheval pour être plus à l'aise. Je n'avais pas fait de roller ni même de patins depuis une éternité et je redoutais le moment où j'allais me retrouver sur la glace. Nous déposions nos vestes au comptoir après avoir payé notre entrée et demander la pointure pour les patins puis attendîmes que le staff revienne. De temps à autre, mon amie me donna un coup de coude rassurant en me disant que ça allait bien se passer et qu'il ne fallait pas que je m'inquiète. J'essayais de lui rendre un sourire sincèrement confiant mais elle lisait en moi comme dans un livre ouvert. Je paniquais et stressais. Nous nous assîmes sur un banc libre près de la piste, lassant nos chaussures dans un silence où chacun était à sa propre raison. La mienne était : comment tomber sans se faire mal ? Allais-je finir à l'hôpital ?
Fin prêt, nous nous mîmes debout et nous dirigeâmes vers la glace. Kayla était comme un poisson dans l'eau, elle fit deux tours aisément tandis que moi je me tenais à la rambarde, comme un enfant. Et j'avais bien fait, ou non, car dès que mon pied toucha la surface lisse, je glissais sans contrôle et me mit à faire presque le grand écart. Mon jean en prit un coup et mes abducteurs aussi franchement, c'était douloureux. Heureusement, mon amie vient à ma rescousse en m'attrapant les mains pour me remettre debout et m'aider à me stabiliser. Les jambes tremblantes, je restais debout miraculeusement et elle commença à me faire avancer.

"- Doucement... Doucement !, couinais-je, Kayla !, dis-je plus fort en perdant l'équilibre et me retrouvant sur les fesses."

Mon coccyx essuyait le choc et je grimaçais de douleur tandis qu'elle se fendait la poire de ma chute ridicule. Après multiples râles, je me remis debout. Et ce manège dura de longues minutes. J'étais fortement jaloux des autres clients qui patinaient aisément et avec grâce alors que je galerais comme jamais. Quelques enfants se moquaient de moi. Je me serais cachée dans un trou.

*******

Au bout de trois heures de patinage et de dur labeur, j'arrivais approximativement à patiner sans aide de mon amie qui m'avait lâché pour faire sa vie pendant que je me débrouillais tout seul. Sincèrement, elle était vraiment belle a voir évoluer tel un papillon en plein printemps. Je me demandais si enfin un gars bien avait succombé à ses charmes.
Les cuisses douloureuses, je m'assis sur un banc en bois frais et regardais les autres s'amuser en familles ou entre amis à faire la course ou encore juste à passer un temps ensemble. C'était beau à voir, j'aurais vraiment aimé être avec Eric et Changmin pour partager ce moment avec eux et vivre ma meilleure vie. Je soupirais comme pour moi-même jusqu'à ce que je remarque que mon amie était sortie de la piste et m'avait rejoins.

"- Tu abandonnes ?

- Je prends une pause, rectifiais-je comme pour ma défense.

- Tu fatigues ?

- Tu rigoles ? Je pete la forme ! Mon fessier aussi !"

Elle explosa de rire avant de venir s'asseoir à côté de moi. L'entendre rire comme ça avait quelque chose d'incroyable. J'avais l'impression que ça faisait longtemps que je n'avais pas entendu rire quelqu'un et ceci me fit sourire, sincèrement. Et ça faisait du bien.
Depuis que j'avais appris que Jacob sortait avec Hyunjae, j'avais l'impression d'avoir perdu ma joie de vivre,ma bonne humeur constante et de broyer du noir depuis des semaines. S'en était exténuant. J'étais constamment triste, mes pensées étaient sans cesses tournées vers lui alors qu'il vivait sa vie, avec quelqu'un d'autre. Je n'aurais jamais imaginé que j'aurais pu ressentir un truc pareil, et j'aurais voulu ne jamais le savoir. Ne pas être tombé amoureux de Jacob, d'une personne qui n'en avait que faire de moi et qui ne voyait en moi qu'un bouche trou en attendant que son copain revienne à ses côtés.
Mon portable sonna, je le sortis en pensant y trouver un message de mes parents me demandant si je voulais qu'ils viennent me chercher mais non, ce n'était pas eux.

Jacob.
17:48. Ça fait longtemps que tu es parti. Tu es avec elle, hein ?

Cela me mit en colère.

Moi.
Qu'est-ce que ça peut te faire ? Hyunjae ne te réponds plus que tu viens à me demander pourquoi je ne suis pas à la maison ?
Garde tes réflexions pour toi.

Je rangeai rageusement mon téléphone dans ma poche et ferma la fermeture éclair pour ne pas être tenté de le sortir sitôt et de répliquer quelque chose que je pourrais regretter. Je me frottais le visage et les cheveux nerveusement avant de sentir la main de mon amie sur mon bras, elle avait sans doute lu les messages et voulais savoir ce qu'il se passait. Et je lui déballait ce qu'il s'était passé depuis notre dernière rencontre, ce que Jacob m'avait dit, l'épisode d'hier soir. Tout y passait et je me rendis compte que plus je parlais, plus la colère était monté dans ma voix. Alors qu'elle n'y était pour rien.

"- Je suis désolé, m'excusais-je doucement.

- Ce n'est rien..."

Puis elle déposa sa tête sur mon épaule, nous restions comme cela pendant un bon moment, à observer distraitement les patineurs amateurs sur la piste. J'aurais voulu être comme eux, à ne pas me soucier de quoi que ce soit. Comme avant. Je fermais les yeux, fortement avant d'entendre quelque chose qui arrêta mon cœur :

"- Sors avec moi, Kevin."

Sans voix         -- MoonBaeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant