Vers le milieu de l'après-midi, le paysage changea de nouveau ; les forêts épaisses laissèrent place à un terrain abrupt, où les affleurements rocheux s'élevaient de plus en plus nombreux et de plus en plus haut entre des arbres clairsemés. La voie de chemin de fer chevauchait des remblais et des ponts métalliques, ou s'enfonçait entre de vastes tranchées pratiquées dans les reliefs, et même des tunnels arrondis dont le percement avait dû représenter un travail redoutable.
Enfin, les montagnes apparurent, forçant la locomotive à grimper vers le ciel puis à s'engager sur d'étroites corniches le long des flancs escarpés.
Aurean passa toute la fin du voyage le regard braqué vers l'extérieur, à admirer ce paysage sans cesse changeant qui dévoilait devant leurs yeux des lacs, des cascades, de vertes vallées et des pics décharnés couronnés de neiges éternelles. Sur le chemin, le train traversa plusieurs petites gares entièrement élevées en bois, depuis les quais jusqu'aux bâtiments qu'on distinguait à peine des maisons environnantes.
Enfin, alors que la lumière commençait à baisser sur l'horizon, le convoi parvint à son dernier arrêt. Un peu chiffonnés et engourdis, les passagers ramassèrent leurs affaires et descendirent sur le quai, pendant que Francis s'occupait de faire décharger les bagages du fourgon. Le personnel du chalet, averti par avance, avait réquisitionné l'aide de villageois avec leurs charrettes pour les emporter vers la villégiature. Des voitures plus légères attendaient à la disposition des voyageurs.
Aurean avait trouvé le trajet agréable, mais il fut soulagé d'arriver enfin. Il avait hâte de se retrouver au calme de sa chambre, même s'il se doutait que le personnel avait préparé un repas à leur attention. En prenant pied sur le quai de bois, il s'étira de tout son long ; la fraîcheur de l'air aux odeurs de neige et de résine le revigora après l'espace confiné du wagon. La voiture dans laquelle il monta était assez spacieuse pour contenir six à huit personnes. Les élèves de l'Académie – humain ou non – s'y entassèrent pendant que les adultes et assimilés empruntaient la seconde.
Tandis que le convoi s'engageait sur une petite route qui grimpait vers le col suivant, Aurean laissa les images et les sons autour de lui pénétrer sa conscience ; les discussions de ses amis ne lui parvenaient que de très loin, comme un bruit de fond. Il se sentait à son aise, comme si l'endroit lui était connu depuis toujours...
À la sortie du village, les maisons de bois laissaient place à des édifices de pierre plus anciens, en pièce de taille. Il n'en restait pour la plupart qu'un étage, rehaussé plus récemment par des planches ou du torchis. Même si l'ombre commençait à noyer les habitations, Aurean contempla avec attention le lieu en s'interrogeant sur ce sentiment de familiarité. Personne autour de lui ne s'étonna de son silence ; sans doute ses amis l'attribuaient-ils à la fatigue.
Les derniers bâtiments disparurent tandis que le chemin s'enfonçait au milieu d'immenses conifères au feuillage vert sombre, qui formaient un véritable tunnel au-dessus d'eux. Même si un peu de lumière filtrait encore à travers les branches, Aurean avait l'impression de plonger dans la nuit la plus profonde. Son cœur se mit à battre à tout rompre ; il regarda de tous les côtés pour vérifier que rien ne les menaçait. L'endroit offrait un couvert parfait pour une éventuelle escarmouche ! Pourquoi personne ne semblait s'en inquiéter ? Il se redressa sur son siège et tous ses sens en alerte.
« Aurean ? »
Une main se posa sur la sienne ; il rencontra le regard interrogateur d'Estrella :
« Que se passe-t-il ? Tu as un souci ?
— Non, je... »
Il secoua la tête, agacé de ne pouvoir formuler clairement ce qu'il ressentait.
VOUS LISEZ
Light and Dark Erastria - II - Cœurs de lumière
FantasiAvec l'aide d'Estrella, la jeune mage avec qui il partage un lien de pure lumière, Aurean, le Gardien d'Or, a pu repousser les terribles ennemis venus d'un monde obscur. Il doit à présent retrouver sa place à Lucid, son royaume d'origine, et recouvr...