Chapitre 3

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Je suis fatiguée. J'en ai marre. Mon corps me fait souffrir. La gymnastique ne me manque même pas. Je ne lis pratiquement plus. De toute façon, il n'y a plus aucun intérêt à lire vu que je n'arrive pas à me plonger dans l'histoire comme je le faisais si bien autrefois. J'ai perdu goût en tout ce que j'aimais.

Je suis juste fatiguée, épuisée. La seule chose que j'ai envie de faire dès que je me lève – même si je préférerai ne pas me lever du tout – c'est directement me recoucher. Dormir est le seul moyen de fuir mes problèmes, de faire de jolis rêves, et de ne penser à rien du tout. Emmitouflée dans les couvertures, remplie de mon odeur et de l'odeur des draps, de la chaleur de mon corps et des couettes, je me sens chez moi, fermée dans mon cocon tout doux où personne ne pourrait venir me déloger ni m'embêter. Je suis aveugle aux yeux des gens. Je vais disparaître, et c'est peut-être la meilleure des choses que je puisse faire en réalité. Je suis si fatiguée. Fatiguée d'espérer, fatiguée de survivre, fatiguée de respirer même, fatiguée de vivre. J'en ai tellement marre. Que quelqu'un vienne me sauver, je vous en supplie. Si seulement c'était possible. Si seulement quelqu'un pouvait voir à quel point je vais mal, sans que je ne dise rien.

Je me lève chaque matin tel un zombie, et je répète la même routine tous les jours de la semaine. Levée à six heures du matin, je prends mon petit-déjeuner, je vais m'habiller, je vais dans la salle de bain, je prends mon sac puis j'attends le bus. Chaque jour la même routine inlassable se répète. Se répète. Répète. Répéter. Toujours la même boucle infernale. Ça me fatigue tellement. Même mes sentiments se répètent. Ma vie se répète. Tout se répète. Ces lignes se répètent. Je monte dans le bus, puis le trajet d'une demi-heure à quarante minutes commence. Je regarde par la vitre du bus, la musique en bruit de fond dans mes écouteurs ; il fait noir. Le temps s'est calé sur mes émotions, je crois. Il est aussi déprimant du matin au soir que moi. Même peut-être que je le bas. Je ne savais pas qu'il était possible d'être pire que le temps d'hiver en Moselle. J'arrive au point de rencontre où je rejoins mes amis. Le ciel est un peu plus clair, mais les lampadaires sont toujours allumés. Je ne fais plus la bise, je marmonne à peine un « bonjour ». Voyez dans quel état extrême de fatigue je suis, je n'exagère pas. Etat de fatigue et de lassitude. Nous patientons un peu à ce point de rencontre, puis vers sept heures quarante, nous partons direction le lycée. Le lycée. Mieux que le collège, soit, mais cette année, c'est l'année de trop. Et il m'en restera encore une à faire pour enfin le quitter. Le problème c'est que rien ne va. Les professeurs sont énervants, inutiles, sans compter des surveillants, des CPE, des élèves, bref, tout le corps encadrant et encadré. Les professeurs doivent avoir une note dans leur CV où il y a écrit : « Vous devez stresser les élèves quoi qu'il arrive », « Ne les félicitez pas », « Faites tout ce qu'il faut pour les décourager et les mettre plus bas que terre ». En tous les cas, c'est ce qu'il se passe dans mon lycée. Mis à part quelques exceptions, où les profs font vraiment bien leur travail, le reste, c'est une catastrophe. Je ne dis pas que c'est un métier facile, loin de là. Mais faire de la psychologie inversée, en mode « Vous n'arriverez jamais à rien dans la vie, vous allez tous échouer », ça ne sert strictement à rien. Est-ce qu'il y a vraiment un élève, depuis que l'école existe, qui s'est dit qu'il allait rapidement se mettre à travailler parce qu'il avait peur de cette sentence ? D'échouer ? De ne pas avoir son bac ? Et de n'être qu'un bon à rien, qui aura raté sa vie ? Laissez-moi rire. Il ne faut pas écouter les profs. Hormis les cours qu'ils donnent, les instructions de leur matière, il ne faut pas les écouter. La surveillance n'est pas non plus systématique ni très bien réalisée. Le corps encadrant qui n'encadre rien. Quelle ironie et vaste blague. L'école est le lieu d'enseignement par excellence, de rencontres, et personne ne devrait avoir la boule au ventre juste par la simple évocation de celle-ci. Pour ce qui est des élèves, ils sont plus matures et intelligents qu'au collège, mais ce n'est pas trop ça encore. Au lycée, il y a aussi beaucoup de jugements. Les jugements ne sont pas forcément verbaux, mais tout le monde les perçoit limpidement. Le pire, ce sont les filles qui critiquent les autres filles, alors qu'on devrait être ensemble, en train de se serrer les coudes et de faire face au monde ensemble.
Je disais que j'allais au lycée, donc.

Broken and LostOù les histoires vivent. Découvrez maintenant