8•Souvenirs d'un rival

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J'avais décidé de faire une sieste.

Après la journée harassante que je venais de passer, je pensais que je méritais bien cette maigre récompense. Entre l'après midi à supporter mes remuants compagnons de bord et les rudes combats de la soirée -où j'avais bien failli mourir soit dit en passant-, il me semblait que j'avais droit au repos. Mais avant ça, je devais reprendre ma discussion avec le Chef du navire.

Quand j'avais trouvé Zeff, il parlait avec Nami. Il était encore question du cook. La Sorcière disait qu'elle s'occupait de tout mettre au clair avec lui, alors j'étais reparti sans un mot. Si elle pouvait m'épargner cette discussion longue et houleuse, elle aurait au moins servi à quelque chose aujourd'hui.

Quand j'étais ressorti, Luffy s'était volatilisé. À cause de notre dispute sans aucun doute... Le sous-chef Carne, le p'tit bonhomme là, m'avait ordonné de commencer à travailler, mais l'envie me manquait. Alors je m'étais isolé pour dormir dans un coin du navire. L'air se rafraîchissait tandis que la nuit tombait sur East Blue.

J'avais un peu faim, mais passer quelques jours sans manger n'avait jamais été un problème, surtout quand il arrivait auparavant que Luffy dévore toutes nos provisions en une nuit et que nous nous retrouvions sans rien, au beau milieu d'un océan vide et immense.

Je souris. Irrécupérable. Il devait être en train de manger à l'heure qu'il était... de se goinfrer comme un cochon, triste de ne pas pouvoir gouter la bonne cuisine de San-

Non. Il fallait arrêter d'y penser. Aucun des deux ne devait plus s'infiltrer dans mes pensées pour ce soir. Un peu d'entrainement m'occuperait.

J'ôtais mon manteau -il faudrait d'ailleurs que je le remplace bientôt au vu de son état d'usure- ainsi que ma ceinture de laine verte. Ma peau frissonna à l'air froid du soir. Un souvenir de mon enfance s'éveilla dans ma mémoire...

Le dojo de mon maître de kendo se situait au pied d'un vallon près de la mer, et à peine le soleil couché qu'un froid glaçant s'insinuait dans ce repli naturel. Je ne comptais pas le nombre de nuits que j'avais passé, grelottant, à m'entraîner sans relâche. Les autres garçons s'en allaient le soir venu, certains plus audacieux ou ambitieux restaient pour défier un adulte. Mais tous repartaient immanquablement avant le coucher du soleil. Si bien que quand le froid arrivait, il ne restait que moi.

Je me plaçais, mains à terre, et entamais une rigoureuse série de pompes en équilibre. Mes précédentes idées houleuses n'avais plus lieu d'être, j'étais complètement concentré sur le décompte de mes exercices et sur ma respiration. Les petits nuages de vapeur que je créais firent affluer d'autres souvenirs...

Il est vrai que je n'avais jamais vraiment été seul. Il y avait toujours eut au un œil pour veiller sur moi cours de mes nuits. J'avais fini par repérer les nuages de vapeur qui s'élevaient d'un shōji entrouvert, et même par découvrir qui était la personne qui se cachait derrière. Le plus souvent, c'était mon maître, Kôshirô. Quand il était fatigué de sa journée, ou de m'avoir surveillé pendant plusieurs nuits d'affilié, je l'avais plusieurs fois surpris en train de demander à d'autres professeurs de le remplacer. Quand je m'étais rendu compte de l'état de fatigue dans lequel je mettais mon maître, j'avais décidé de feindre de partir du dojo la nuit venue, pour aller m'entraîner plus loin.

Mais même là, il y avait quelqu'un.

Durant les premières nuits, je n'en avait pas eu conscience. Je m'appliquais à reproduire les gestes, avec la force nécessaire, à m'acharner sur de pauvres troncs d'arbre... Et dans l'ombre, pas si loin que ça, il y avait cette fille que je haïssais tant.

La nostalgie m'étreint au cœur si fort que j'en perdis l'équilibre. Aussi souple qu'une panthère, mes pointes de pieds touchèrent à peine le sol pour propulser de nouveau mon corps à la verticale. Ça n'était pas mon genre de me laisser déconcentrer par des émotions... Il fallait croire que j'en avait fait le trop plein dernièrement et que tout explosait. Comme avec Luffy...

Ouragan au CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant