4•Papy Garp

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Nous avions emprunté un bateau qui se prénommait "Petite Ponyo". Ponyo était bien moins grande que notre tout premier navire, le Merry, et sa figure de proue était un poisson rouge à l'air vaguement idiot. Être à trois dans un espace aussi restreint était agréable, ça me rappelait le bon vieux temps où chacun se déplaçait en fonction de l'autre, en se frôlant parfois dans l'embrasure d'une porte.

Ponyo portait d'ailleurs cruellement bien son surnom de "petite": j'exagérais à peine en disant que je devais rester accroupis dans la seule pièce commune du bateau, sous peine que ma tête ait des rencontres un peu trop violentes avec le plafond. Je m'étais retrouvé en une matinée avec plus de bosses sur le crâne qu'après un passage sous les poings de Nami, c'est pour dire!

Luffy et moi avions laissé la seule chambre à la femme de l'équipage (elle disait qu'avoir un lit décent était le paiement minimum pour ses services), et nous dormions donc à la cale sur des sacs en toile. La seule nuit que nous avions passé à bord, j'avais jeté un coup d'œil à Luffy alors qu'il dormait et avais murmuré pour moi-même:

" C'est le moment..."

Je m'étais redressé et avais farfouillé dans mes maigres affaires pour extirper un petit sac accroché à ma ceinture à côté de ma gourde d'alcool. J'ouvris le sachet de cuir pour en retirer une chose scintillante.

J'observais un instant le bijou qui luisait faiblement, éclairé par la flamme frémissante de notre unique bougie, sorte de faible phare englouti dans le noir opaque de la cale. Je souriais à l'idée qu'en mettant cet ornement, j'allais redevenir partiellement celui que j'étais autrefois.

J'avais tenté d'attacher la boucle avec précaution. Seulement au bout de si longtemps, mon lobe percé s'était rebouché, impossible d'y glisser comme avant un quelconque bijou.

Impossible ?

Je portais la pointe du bijou sur la chair tendre de l'oreille, là où elle passait auparavant.

Impossible !?

Je forçais avec rage sur le fin bout de métal jusqu'à en déchirer ma peau, traverser la pulpe et ressortir par l'autre côté. J'avais les doigts humides de sang en crochetant le bijou.

Le pendentif se balançait de nouveau à mon oreille, et son poids familier me rassura tant que je ne sentis pas le sommeil me recueillir, la maigre douleur étant elle aussi rassurante à sa manière.

Le lendemain, nous nous étions réveillés sous la tempête, une des rare d'East Blue il faut croire. Nami nous avait recruté à la barre et aux voiles toute la journée. Elle nous guidait admirablement dans l'intempérie que nous essuyions et nous avait promis que nous arriverions en fin d'après midi. Notre destination: la résidence de retraite du grand père de Luffy: Le vice amiral Garp, géniteur du grand et célèbre Monkey D Dragon, une terreur parmi les terreurs.

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*

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L'idée c'était que, même si Monkey D Garp était retraité, il aurait peut-être encore un pied dans les affaires de la marine. Étonnamment, c'était Luffy qui y avait pensé. Et comme c'était une idée valable, ainsi que la seule que nous ayons, nous l'avions suivie.

Nous étions parvenus à un archipel d'îlots ensoleillés. C'était une zone entièrement dédiée aux personnes à la retraite. Bien sûr aucun ex-pirate, mais beaucoup de Marines hauts-gradés et des tas de gens auquels le gouvernement était reconnaissant. Nous slalomions entre les petites îles, évitant celles qui étaient équipées de canons. C'était vraisemblablement une mauvaise habitude que certains avaient gardés: tirer dans le tas, parler après.

Subitement, Luffy pointa du doigt une petite maison au toit de chaume où flottait au sommet un drapeau de la marine:

" C'est là qu'habite pépé."

Ouragan au CœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant