Raph

12

- Qu'est-ce que tu racontes ?! cria le garçon. Arrête de dire des bêtises !

La fillette leva des yeux emplis de larmes, implorants.

- S'il te plaît... J'aimerais que tu ne t'opposes pas à mon choix.

- Mais pourquoi ?! Pourquoi as-tu changé d'avis ?!

- Toi, tu veux vivre à l'extérieur ? Si tu reviens me chercher, tu risques de te faire attraper et de rester emprisonné... pour toujours ! Et je ne veux pas que tu prennes ce risque pour moi. Sois heureux à l'extérieur.

- Il en est hors de question ! Pas sans toi !

- Écoute, Ally. Tu seras heureux pareil. Tu as maman, Aaron... Et puis je serai toujours dans  ton cœur. Et peut-être qu'un jour... on se reverra ? Je suis prête à affronter la cérémonie ! Je ne sais pas ce qu'elle me réserve, mais je serai courageuse à l'avenir et je ne veux pas que l'on se sacrifie pour moi ! Elle se tiendra demain, avant le coucher du soleil.

- Non ! Tu n'as pas le droit de renoncer si facilement ! Tu le regretteras toute ta vie ! C'est de ma faute si tu as été capturée... Niel !!!

Effondré, en larmes, Ally se laissa tomber sur le sol de ténèbres. Niel, qui pleurait de plus belle, se réfugia dans les bras de son cousin adoré. Et si c'était la dernière fois qu'ils se voyaient ?

- Ally... Au revoir....

Le garçon ne répondit pas et s'agrippa au dos de Niel, dans l'espoir qu'elle reste avec lui. Aaron les rejoignit. Il était resté en retrais pendant toute leur conversation. Sanglotante, la fillette ne se rendit pas compte de sa présence.

- Il n'y a plus beaucoup de temps.

Ému, il avait les larmes aux yeux mais essayait de le cacher. Pourquoi s'inquiétait-il autant pour elle ? Ally ne prit pas le temps d'y réfléchir. Il se leva péniblement et laissa Niel seule dans les ténèbres. Aaron bougea ses mains dans tous les sens, puis les deux garçons se firent de nouveau engloutir dans un tourbillon d'émotions, de peur et de tristesse. Puis plus rien.

- Alors ? dit Angélie d'une voix impatiente.

Aaron et Ally venaient de se réveiller. C'était le matin. Les oiseaux gazouillaient du haut de leurs arbres, comme s'il ne s'était rien passé. Ally se recroquevilla, impuissant. Que pouvait-il faire ? Contredire le choix de Niel ? Alors qu'elle le souhaitait ? Comme le garçon ne répondait pas, ce fut Aaron qui expliqua la situation à Angélie. Celle-ci soupira et dit :

- C'était à prévoir.

Tout le monde se tut. Personne n'osait parler. Alors, ce fut la femme qui brisa le silence.

- Ally, je vais t'expliquer quelque chose. Dis-moi, tu connais la sorcellerie ?

- Non, pas trop. Je sais seulement que ma famille organise des rituels secrets...

- Eh bien, je vais t'expliquer. Installe-toi. -Elle lui désigna un coin où il y avait de la paille- Chaque personne possède un don. Pour pratiquer la sorcellerie, il faut l'avoir beaucoup étudiée... et travaillée. Cela ne vient pas comme ça, il faut énormément d'entraînement ! Je pense que tu l'as étudiée un peu, je me trompe ?

- Oui. Enfin, j'ai seulement lu des livres dessus...

- Tu sais quel est ton don ?

- Non.

- Bon. Ne t'inquiète pas, tu finiras par le savoir. Mon don à moi, c'est de pouvoir capter la présence de personnes alentour ; et celle d'Aaron, comme tu as pu le voir, c'est la communication avec  d'autres personnes. Si nous ne l'avons pas utilisé pour vous dire de fuir, c'est qu'il y avait un moyen plu simple de le faire. Utiliser la sorcellerie demande beaucoup d'énergie.

- Ah bon... Et dis-moi, où est-ce que l'on va, exactement ?

- Je ne te l'avais pas dit ? Bon, soit. Nous allons au village natal d'Aaron ; c'est là-bas qu'il a passé son enfance. C'est à une heure de route, donc nous n'allons pas tarder. Une fête va être organisée ce soir... en notre honneur ! Tu seras protégé, là-bas. C'est un village où il y a que des gens biens. Ils peuvent avoir l'air durs, mais ils sont très gentils, au fond. C'est eux qui t'enseigneront tout ce que tu ne sais pas sur la sorcellerie.

- D'accord.

Le garçon n'arrivait pas à se réjouir. Il pensait à Niel. La tête basse, il contemplait ses pieds. Aaron essaya alors de le réconforter :

- Tu sais, Ally, elle ne sera pas malheureuse...

- Comment pourrais-je le savoir ?! répliqua-t-il. S'il vous plaît, expliquez-moi ce qu'est cette "cérémonie". J'aimerais savoir la vérité. Je sais que vous me cachez plein de choses ! Alors pourquoi vous ne parlez pas ? Je veux savoir.

***

Niel se réveilla en sursaut. Quelqu'un était entré dans sa chambre.

- Bonjour, mademoiselle. Il est l'heure de prendre votre déjeuner.

- Très bien. Je m'habille et j'arrive. Dîtes à mon père que je serais rapide.

La servante sortit de la chambre en murmurant un "ne vous inquiétez pas". Niel se retrouva alors seule. Elle repensa à la décision qu'elle avait prise. Était-ce raisonnable ? Puis, elle se souvint de ce que lui avait dit son père : " Niel, quand tu t'es enfuie, tu as été touchée par un sort. Et quand tu sauras de quoi il s'agit, tu te garderas bien de recommencer. En fait, ce sort t'a lié à cet endroit. Cela veut dire que, si jamais tu t'éloignes trop de cette demeure... tu mourras ! C'est une chance que tu ne sois pas partie loin. Sois déjà heureuse. " Elle ne pouvait plus partir. Elle était emprisonnée pour toujours. Maintenant, elle vivrait sans rien savoir du monde extérieur, sans voir Ally, Angélie... Alors c'était à ça qu'allait se résumer sa vie. Rien ne serait plus pareil sans son cousin.

***

- Tu viens ? s'impatienta Angélie.

- Vous ne m'avez pas répondu !

La femme soupira et attrapa Ally par le bras pour l'emmener avec elle. 

- Tu n'as pas besoin de savoir tout ça. En attendant, je vais te demander de bien vouloir me suivre. Ce village, comme je t'ai l'est dit, est à une heure de route. Nous allons passer par la forêt.... Viens ! Aaron attend.

Sans cacher sa déception, le garçon suivit la marche lentement. 

Vers midi, Ally Aaron et Angélie arrivèrent sur le sommet d'une colline. Plus bas se trouvait un petit village : Harum. Il faisait beau, et le soleil brûlait le dos du garçon. 

- C'est mon village  natal... murmura Aaron, ému. Je n'y suis pas retourné depuis longtemps. Ce que ça me manque ! 

Angélie lui jeta un regard plutôt inquiet et dit :

- Allons-y. 

Ils dévalèrent tous trois la pente en direction de l'entrée du village. Un garde y était posté. Il demanda, méfiant :

- Qui êtes-vous ? Que venez-vous faire ici ?