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- C'est moi, Aaron, pauvre idiot !

L'homme dévisagea Aaron, sans cacher son étonnement. Il laissa tomber sons masque d'homme dur et froid et demanda :

- Aaron ? Mais... mais... tu as tellement changé ! Je ne te reconnais plus...

- Peu importe. Tu nous laisse entrer ?

Il hésita. Il voulait sûrement rester un peu avec Aaron, mais quelque chose l'en empêcha et il s'écarta de leur chemin. Ally ne comprenait pas pourquoi Aaron était si froid avec l'autre. C'était pourtant quelqu'un qu'il devait bien connaître, non ? Il ne voulait donc pas parler avec d'anciennes connaissances ? Ally laissa vite tomber ce petit détail en entrant dans le village. Il s'arrêta, ne trouvant plus les mots. Ce qui se passait devant lui était juste incroyable. Il n'avait jamais vu ça chez lui !

Plusieurs habitations étaient en cercle autour de la place de la ville. Une autre allée de maisons  se trouvait à sa gauche. Au centre, pleins d'enfants jouaient ensemble, s'envoyant de l'eau à la figure. Un petit ruisseau passait dans le village. À côté, des adultes surveillaient les petits, un sourire à la figure. Tout le monde étaient heureux.  Quand les villageois aperçurent les nouveaux venus, ils se précipitèrent à leur rencontre.

- C'est Aaron ! Regardez ! Il est vraiment revenu !

- C'est qui les gens avec lui ?

- Pourquoi est-il revenu ? maugréait quelqu'un.

- Grand-frère !

Quelqu'un fendit la foule. C'était une petite fille, un peu plus jeune qu'Ally. Elle avait deux petites couettes, des cheveux roux et de grands yeux bleus clair. Elle se jeta au cou d'Aaron.

- Grand-frère ! C'est vraiment toi ! Tu m'as tellement manqué... Pourquoi es-tu parti sans prévenir ?! Je te pensais perdu à jamais !

L'homme sembla étonné. Il ne s'attendait pas à voir sa petite sœur, la personne qu'il avait le plus aimé... Aaron la fixa sans réagir.

- Angélina ? C'est... impossible... Toi qui... je te croyais... Enfin... Je...

- Oui, je sais, grand-frère. Mais maintenant, je suis saine et sauve. Et tu es là, devant moi !

La fillette attrapa Aaron par le bras et le tira de la foule pour l'emmener eu loin. Alors, Angélie et Ally se retrouvèrent seuls au milieu de tous ces gens. Mais ils se dispersèrent rapidement et un vieil homme s'approcha d'eux. Il avait une longue barbe et une moustache frisées blanches qui cachaient sa poitrine. Ses cheveux étaient cachés sous un large bonnet rouge et sa peau ridée était mate. Appuyé sur une canne, il tendit sa main gauche tremblante à Angélie et murmura :

- Angélie, je te reconnais. Je ne pensais pas te revoir.

La femme serra la main du vieil homme sans répondre. Sans prendre compte de l'attitude d'Angélie face à lui, il se tourna vers Ally.

- Enchanté. Qui es-tu, petite garçon ? D'où viens-tu ?

- Je m'appelle Ally. Et...

- Il vient d'un village proche d'ici, le coupa soudain Angélie.

- Ah bon ? Pourquoi l'avoir emmené ici ?

- Ce n'est pas vos affaires.

L'homme se tut. Il déclara enfin :

- Je m'appelle Jean. Je suis le chef de ce village. Même si je suis vieux, les dieux ne m'ont pas encore désigné qui serait mon successeur... D'ailleurs, ça ne devrait pas tarder...

- Quoi ? demanda Ally, qui n'avait pas tout entendu.

- Non, rien ! Venez. Je vais vous montrer votre logement.

Ally et Angélie suivirent Jean dans une allée de terre. Le garçon ne comprenait rien du tout ! Il était plus perdu que jamais. Quelle était cette rivalité entre Aaron et Angélie envers le garçon de garde et le chef ? Que c'était-il passé, avec la "soeur" d'Aaron ? La présence de Niel lui manquait cruellement. Eux qui avaient tout fait ensemble, affronté les dangers, ils étaient donc destinés à se séparer maintenant ? Le garçon chassa ces idées noires et s'engouffra dans une petite tente à la suite de Jean. C'était ce qu'il y avait de plus simple : deux matelas, une petite table, une chaise, et enfin une malle. Le sol était recouvert d'une peau de bête. 

- Voilà votre tente. A partir d'aujourd'hui, vous vivrez ici.

- Il n'y a que deux matelas ; fit remarquer Angélie.

- Oui : pour toi et le petit garçon.

- Et Aaron ?

- Ah oui, je ne vous l'ai pas dit, Aaron dormira avec sa soeur et moi. Mais pour la suite, je vais tout vous expliquer en détail. Tout à l'heure. En attendant, installez vous. 

Sans rien ajouter, le vieil homme toussota et sortit de la tente. Angélie et le garçon se retrouvèrent seuls.

- Comment ça, il va dans une autre tente ?! s'énerva-t-elle. Pff... Comme si c'était à eux de décider ! Bon, Ally, comme tu n'as pas vraiment d'affaires, aide-moi. On finira plus vite à deux.


Quand ils finirent de ranger leurs affaires, Angélie et Ally allèrent à la rencontre de Jean.

- Alors, que voulais-tu nous expliquer ? grommela la femme.

- Bien. Je vais vous expliquer votre nouvelle "vie" à partir de demain. Dans ce village, le règlement est très strict. Je vais commencer par les horaires. Le lundi, comme le mardi, le jeudi, le vendredi et le samedi, c'est jour de travail. Les enfants vont à l'école, les adultes vont chasser, pêcher, vendre, se rendre dans d'autres villages, enseigner,... Les femmes (et les filles), restent chez elles. La femme fait la couture, le linge, la vaisselle, surveillent leurs bébés, et toutes les taches. Les anciens, quand à eux, ont également un rôle : ils racontent des histoires eux petits, et sont la source de sagesse dans notre village. Ils n'ont aucun travail à faire, ce sont les autres qui les nourrissent. Le matin, le midi et le soir, tout le monde se réunit dans la "cantine". Les femmes servent, et mangent en dernières, par respect pour ceux qui sont partis chasser. Puis, à 16 heures pile, tout le monde va prier pour notre dieu. Toi, Angélie, je veux que tu aide Milène à s'occuper de ses enfants : ils sont trop petits pour aller à l'école, et, assez nombreux pour énerver la pauvre Milène jusqu'à la faire pleurer. Bref... Je crois avoir tout dit... Ah, non ! Toi, garçon, tu iras bien entendu à l'école. Baptiste t'expliquera tout. C'est un de tes futurs camarades : il est roux, ce sera facile de le reconnaître. Si j'ai oublié de vous expliquer quelque chose, alors il vous suffira de ma demander. D'accord ? Aucun irrespect n'est toléré. Maintenant, bon vent !

Ni Angélie, ni Ally ne réagirent. Ils n'avaient pas envie d'adopter ce mode de vie ! 

RaphOù les histoires vivent. Découvrez maintenant