Chapitre 22

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Judy fût mise au courant de la bonne nouvelle le soir-même de tous ces événements par Brian, et elle fût sincèrement heureuse pour son amie, même si elle était un peu jalouse. Son désir d'enfant s'était réveillé depuis son mariage avec Aigle Vaillant, elle commençait doucement à s'imaginer avec une version miniature de son mari dans ses bras. Etre enceinte avec son père et le colonel était risqué, mais ce désir était de plus en plus fort, et elle aurait des amis pour l'aider si cela devait arriver.

Mais en attendant ce jour béni, elle devait jongler entre ses journées au fort avec son père et William, qui continuait de se comporter en gentleman pour amadouer le général et sa fille, et ses rendez-vous avec son mari. C'était dur pour elle de ne pouvoir partager son bonheur avec son père, lui qui avait toujours rêvé de la voir mariée. Même s'il avait dû s'imaginer l'accompagnant à l'autel dans une robe blanche, et sans aucun doute au bras d'un homme blanc, un soldat comme le colonel. Elle ne pouvait qu'espérer qu'il accepte son choix dans le futur.

Et à défaut de la robe blanche au bras d'un homme blanc, elle allait devoir se pavaner dans une robe plein de froufrous au bras d'un serpent, alias le colonel William. Son père avait organisé une petite fête au fort pour son anniversaire, elle n'aurait pas manqué cet événement, mais il lui avait collé le colonel comme cavalier car il était toujours son fiancé, et il disait qu'il avait changé, en bien. Au final, ce serpent avait réussi à se remettre son futur beau-père dans la poche, lui donnant envie de hurler.

-Esprit Lointain a bien fait de le qualifier de serpent, ce colonel de malheur pesta Judy en enfilant sa robe devant son miroir. Et mon père qui ne voit rien ! Maman lui aurait tiré les oreilles depuis longtemps si elle était là ! Cette fête va être un enfer ! Surtout si je n'arrive pas à fermer cette robe ! J'ai grossi pour qu'elle me serre autant ?

A peine sorti de sa bouche, ses derniers mots la firent se stopper dans ses gestes lorsqu'elle en réalisa la portée. Prise d'un doute, elle retira sa robe avec une lenteur délibérée tout en se plaçant de profil devant son miroir, puis, d'une main hésitante, elle caressa son ventre et elle sentit nettement un léger embonpoint. Il lui fallut encore quelques minutes pour réaliser ce qu'elle venait de découvrir, qu'elle portait ce qu'elle avait commencé à tant envier à son amie ces derniers temps. Un enfant.

Une larme coula sur sa joue qu'elle essuya avec un sourire, heureuse de cette découverte. Elle ne pensait pas tomber enceinte aussi vite mais elle n'était pas vraiment surprise, sa lune de miel avec Aigle Vaillant avait été passionnée, et presque chacune de ses visites au village l'avait également été lorsqu'ils étaient seuls. Maintenant, il ne lui restait plus qu'à prendre une décision pour le futur de son enfant, pour le protéger du colonel.

-Judy ? l'interpella son père de derrière la porte de sa chambre. Tu n'es pas encore prête ? La fête va bientôt commencer, ma chérie.

-J'arrive ! Laisse-moi encore quelques minutes !

-Soit, mais tu me dois la première danse.

-Promis ! répondit-elle avant d'ajouter une phrase plus bas pour elle-même. Ça sera toujours une danse de moins avec le colonel.

Elle s'empressa ensuite de changer de robe, optant pour une plus simple et moins élégante, mais qui avait le mérite de ne pas lui serre le ventre et faire ressortir son état. Cette grossesse ne devait ni être vue ni être connue, elle savait déjà ce qu'elle devait faire, ce qu'elle ferait à la fin de cette fête.

Lorsqu'elle sortit de sa chambre, son père l'accueillit avec le sourire avant de froncer les sourcils devant sa tenue et elle savait bien pourquoi. La robe qu'elle aurait dû porter avait été à sa mère, elle s'était promis de toujours la mettre pour les grandes occasions, et elle devait l'avoir pour la fête. Surtout dans son cas, elle tenait toujours ses promesses.

-Pourquoi ne portes-tu pas l'autre robe ? lui demanda son père avec suspicion. C'était bien la seule que tu avais hâte de porter, et j'avais très envie de te voir dedans pour ce soir, Judy.

-...Je suis désolée, papa, ce n'est pas de ma faute, souffla Judy en baissant la tête. Je voulais vraiment mettre la robe de maman, mais elle était trop petite pour moi, je ne voulais pas prendre le risque de la déchirer. Elle était plus fine et moins musclée que moi.

Ce n'était pas totalement un mensonge, elle avait un peu plus de formes que sa mère, et avec toutes ses sorties avec Tempête depuis leur arrivée dans le Wyoming, certaines zones de son corps avaient gagné en muscles. Heureusement pour elle, son père sembla la croire, il savait combien les affaires de sa mère comptaient pour elle et que seul un événement extérieur l'empêcherait de tenir une promesse aussi importante.

-Ce n'est pas grave, soupira son père avec un petit sourire. On fera faire des retouches pour la prochaine fois, on aurait dû penser à faire un essayage. Mais pour le moment, acceptes-tu d'accompagner ton vieux père à la fête et de lui réserver la première danse pour ouvrir le bal ?

George tendit son bras à sa fille avec des yeux rieurs, arrachant un sourire à sa fille qui prit son bras avec une révérence quelque peu exagérée. Et c'est en riant à demi qu'ils se rendirent dans la cour du fort, des lanternes éclairant la nuit qui était tombée, sans néanmoins parvenir à rivaliser avec l'éclat des étoiles. Les musiciens terminaient juste d'accorder leurs instruments en attendant l'ouverture du bal.

En tant que personne mise à l'honneur ce soir, le général ouvrit le bal en compagnie de sa fille pour lancer la fête. Judy ne se départit pas de son sourire, heureuse de voir son père d'aussi bonne humeur pour son anniversaire, elle voulait lui faire plaisir et profiter de lui une dernière fois. C'était la dernière soirée qu'elle passerait au fort, sa décision était prise. Elle prendrait la fuite à la fin de cette fête.

Mais en attendant la bonne occasion, elle profita de la fête, multipliant les danses et les cavaliers en évitant le colonel avec une certaine dextérité sous l'œil rieur de Brian. Le colonel n'allait pas risquer de faire un esclandre devant toute la cavalerie, il était certes son cavalier officiel mais son père n'avait pas remarqué son manège, trop occupé à boire et à parler avec ses hommes. Et puis, en toute honnêteté, Judy adorait se moquer de lui de cette façon, à la vue de tous.

La fatigue finit par la gagner vers le milieu de la fête et elle se réfugia aux écuries auprès de Tempête, qui dormait profondément et qui remua à peine lorsque sa maîtresse s'allongea sur lui. Elle caressa son encolure d'un air songeur, elle ne pourrait pas emmener son ami avec elle dans sa fuite, c'était un énorme sacrifice mais elle n'avait pas le choix si elle ne voulait pas être retrouvée.

-Ça vous amuse de vous moquer de moi ?

Judy releva vivement la tête en reconnaissant la voix du colonel, il était seul et bloquait la sortie, ce qui l'inquiéta. Elle l'avait humilié en toute impunité sans peser aux conséquences ce soir, et elle l'avait vu enchaîner les verres d'alcool pendant qu'elle dansait. Et ce n'était guère compliqué de deviner que l'humiliation associée à une bonne quantité d'alcool ne faisait pas un bon ménage.

-Ecoutez, colonel William. Je vous présente mes excuses pour vous avoir ignoré, c'était bien bas de ma part, mais la fête n'est pas finie et je peux encore consentir à une danse ou deux avec vous.

Lui proposer une danse lui coûtait beaucoup, mais sa priorité était de le calmer avant toute chose. Sauf que sa proposition ne fit que déclencher un rire moqueur de la part du colonel, inquiétant Judy qui avait peut-être sous-estimé la quantité d'alcool qu'il avait ingéré. Elle allait devoir réagir plus vite que lui, et sans perdre un instant.

Dès qu'il fit un pas dans sa direction, elle prit les devants en saisissant un seau qui se trouvait près d'un box, puis elle le frappa à la tête sans hésiter une seconde. Il s'effondra lourdement au sol, assommé, sans doute pour un moment. Cette fois, elle était définitivement sûre de son choix de fuir, le colonel était bien trop dangereux et son père trop aveugle. Son enfant était désormais sa priorité.

Elle retourna à sa chambre rapidement, se débarrassa de sa robe pour remettre sa tenue de tous les jours, puis elle remplit son sac de quelques affaires avant d'ouvrir sa fenêtre et dérouler sa corde de la même manière qu'elle l'avait fait avec Aigle Vaillant. Au moment de franchir le rebord de sa fenêtre, elle hésita à laisser un message à son père mais elle abandonna l'idée pour le laisser comprendre seul ses erreurs. La liberté l'appelait, son amour l'appelait, et elle répondait avec joie à cet appel de tout son cœur.

Âmes sœurs en AmériqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant