Âmes sœurs en Amérique

Chapitre 30

Brian et Cœur de Feu étaient désormais mariés, Judy tenait maintenant à revoir son père. Naturellement, elle avait hésité encore un peu, elle avait donc discuté avec Aigle Vaillant pour peser le pour et le contre. Elle n'avait pas été surprise que son mari lui rappelle sa propre décision, mais elle ne pouvait s'empêcher de craindre ces futures retrouvailles avec son père. Elle l'aimait toujours, elle lui avait pardonné, il lui manquait, seulement, cela faisait si longtemps...

Sa vie d'avant lui semblait bien lointaine aujourd'hui, le confort qu'elle avait connu depuis sa naissance ne lui manquait pas, et il en était de même pour toutes ces obligations ridicules. Ici, loin de Londres, dans cet ouest sauvage cher à sa mère, elle se sentait à sa place, elle était chez elle, elle était destinée à y vivre jusqu'à la fin de ses jours auprès de cette famille qu'elle avait la chance de gagner.

Mais elle ne devait pas pour autant oublier son autre famille, son père, le seul parent qu'il lui restait depuis le décès de sa mère. Elle devait cesser de fuir, elle avait assez inquiété son père, et chaque mot de sa lettre était encore gravé dans sa mémoire, il devait la voir heureuse et avoir la chance de faire la rencontre de son petit-fils. Avec Aigle Vaillant, ils s'étaient mis d'accord pour aller au fort une fois que sa chasse serait terminée, pendant qu'elle finirait sa lessive accompagnée de son fils.

Le soleil brillait de tout son éclat ce jour-là, Aigle Vaillant avait lancé la chasse de bonne heure pour ne pas tarder, et Judy était allée à la rivière tôt, sans attendre Cœur de Feu qu'elle ne ferait sans doute que croiser. Petit Aigle dormait paisiblement dans son dos, inconscient de tout ce qui se passait autour de lui. Elle enviait cette innocence, le fait qu'il était trop jeune pour comprendre ce qui se passait actuellement, il n'avait besoin que d'elle et de son père, rien de plus.

La lessive finie, elle profita du calme entourant la rivière pour réfléchir à ce qu'elle allait dire à son père lorsqu'elle le reverrait, mais rien ne lui venait à l'esprit. Tout ce à quoi elle pensait lui semblait idiot ou tout simplement ridicule, surtout après le temps qui s'était écoulé, elle n'allait pas se contenter de saluer son père en souriant après avoir fui. Petit Aigle coupa court à ses pensées en se mettant à pleurer, réclamant le lait de sa mère qui l'avait oublié en se plongeant dans ses pensées. Judy rit et s'excusa à son enfant tout en lui donnant le sein, souriant en voyant sa mine boudeuse.

-J'aimerais bien savoir de qui tu tiens cette expression mon petit chéri, se moqua Judy en l'embrassant sur le front. Je n'ai jamais vu ton père avec cette expression, alors tu ne dois pas la tenir de lui.

-Alors c'est de vous, ma chère Judy. Mais il est vraiment très regrettable qu'il ne soit pas de moi.

Judy sentit son sang se glacer dans ses veines à l'entente de cette voix, elle pria pour avoir mal entendu tout en réfléchissant à toute vitesse comment protéger son fils qui était sa priorité. Rester le dos tourné était déjà une mauvaise idée si elle devait se défendre, elle devait lui limiter les opportunités de prendre le dessus à tout prix. Elle ignora les geignements de Petit Aigle qui n'avait pas pu finir de téter, s'empressant de remettre sa tenue en ordre avant de faire face à l'homme qu'elle avait prié ne jamais revoir.

-Regardez-vous, habillée comme ces sauvages, cela ne vous sied guère. Vous avez même permis ce chien de peau rouge de vous engrosser avec un bâtard et de vous déshonorez, cracha William.

-Mon mari a plus d'honneur que vous n'en aurez jamais et je vous interdis d'insulter mon fils ! répliqua Judy en serrant son fils contre elle. Laissez-moi tranquille et partez ! Vous n'avez plus aucun droit sur moi ! Je ne suis plus votre fiancée !

-Vous me devez une humiliation, ma chère Judy. Et j'ai bien l'intention de récupérer ce que j'ai perdu en présence de votre père.

-Allez au diable ! Je ne vous suivrai pas !