19 Novembre 2019

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8h45

Salut journal !

C'était donc là que tu te cachais depuis tout ce temps, dans le tiroir de Solenne. J'ai un peu lu ce qu'elle a écrit, j'espère que ce qu'elle dit est vrai...Je ne veux pas que quelqu'un lise ce journal, ce pourquoi on l'appelle "intime" après tout.
Maintenant que j'y repense, je me souviens parfaitement le pourquoi du comment tu as atteris là dedans...Ce n'était pas une expérience des plus satisfaisantes. Je ne savais pas que les visions se témoignaient dans les demeures des autres. Par exemple, dans la mienne, aucune vision ne se déroule. Je ne me suis jamais demandé la raison pour laquelle il y avait cette caractéristique particulière... c'est que maintenant que je me pose cette question.

Bref, le jour où je t'ai "abandonné" - jour auquel la date m'est floue -, c'était chez Solenne, la dernière fois qu'on s'est vu. Petite parenthèse, ça faisait plusieurs jours de suite que j'allais chez Solenne ( sans sécher les cours cette fois ci...), elle me partageait un peu son vécu, ce qui lui arrive actuellement et comment elle le vit. Il y a même des moments où elle restait silencieuse, comme si...elle hésitait à me dire quelque chose. Pourquoi le cacher ? Elle peut me faire confiance pourtant, je la considère comme une amie - peur être là seule que je puisse avoir-  maintenant.
Fin de la parenthèse, on était donc dans son appartement. Il est assez grand comparé à l'extérieur, la décoration est assez banale, des cadres familiaux disposés sur presque chaque mur et des meubles en bois où sont posés des vases et autres objets de déco. La chambre de Solenne - seule pièce que j'ai pue voir avec le salon - est très chaleureuse. La peinture jaune ( Oui oui, jaune ! ) soigneusement appliquée sur les murs donne un aspect clair et une ambiance détendue. Ce que j'ai remarqué en premier c'est son bureau, déposé dans un coin de la chambre, près de sa fenêtre. Il était en bois blanc et possédait un assez grand  miroir arrondi au milieu. Pourquoi il a attiré mon regard ? car il était rempli de papiers, d'articles de journaux mais surtout...le miroir... Il était griffé de partout, il ne reflétait absolument rien sauf une image floue et impossible à déchiffrer. Les traces que j'ai vues étaient assez traumatisantes, je ne te parle pas de simples griffes qui auraient pu être faites par des clefs ou encore des objets en général, mais bien de griffures venant d'un animal, une bête féroce et agressive. Je ne lui ai pas encore parlé de ce que j'ai vu ( même si je sais qu'elle m'a aperçu le regarder ) car chacun possède ses secrets, et je respecte cela.

Du côté droit de son lit, il y avait un meuble contenant plusieurs placard - sûrement pour les vêtements -. Il était aussi d'un bois blanc, mais extrêmement lisse, comme si c'était du plastique. Solenne avait dû s'absenter pour se rendre à la cuisine et je me souviens que je me suis approché du meuble, il y avait une photo qui m'intriguait et je voulais juste la voir. Il faut savoir que pendant tout ce laps de temps, je te gardais toujours en main ( c'est devenu une habitude, si jamais j'ai envie d'écrire quelque chose, je t'ai directement à portée de main ). Je me suis donc approché, faisant craquer légèrement le plancher sous ma semelle, et j'ai observé la photo. Je l'ai observé pendant longtemps, je ne sais pas te dire le nombre de minutes qui se sont écoulées, mais c'était un très long moment pas du tout appréciable. Dans le petit cadre que j'observais, il y avait une personne... Ce n'était pas Solenne, ni même un membre de sa famille... c'était moi ! Je me voyais dans cette photo... j'étais pendu, le regard vide et sans vie. Je ne portais qu'un slip, le reste de mon corps était complètement sacrifié de partout, des plaies de plus de vingt centimètre de longueur, encore rouge de sang.
Je ne me sentais pas bien, je devais à tout prix dévier mon regard, mais je n'y parvenais pas, j'étais focalisé sur ce qui se présentait devant moi...

Alors que j'étais en plein choc, j'entendis un grincement, le même que celui du plancher où je me trouvais. Ce bruit me fit quitter le cadre des yeux - une chance à vrai dire -, se portant maintenant sur la source du son. Le grincement provenait  de la partie du parquet qui était sous les tiroirs et il commençait à devenir de plus en plus fort. Je me contentais seulement de regarder et d'écouter, je ne bougeais plus et fixait mes pieds ( qui étaient proche du meuble en question )afin d'être certain que ce n'était pas moi qui faisait grincer le parquet depuis le début.
Seulement, j'obtins ma réponse rapidement, deux bras et deux jambes commencèrent à sortir du dessous des tiroirs. Je compris alors que ce n'était pas un grincement que j'entendais depuis le début car les membres que je voyais sortir de dessous le meuble laissaient échapper le même son, comme s'il n'y avait plus de cartilage sur les articulations...
Je n'arrivais pas à bouger, la vision que j'avais était beaucoup trop perturbante. La paire de bras et de jambes qui sortaient n'étaient pas dans un ordre logique. Un bras sortait par la gauche tandis qu'une jambe était juste à côté. le teint de la peau était d'un gris vide et sans vie et je me souviens qu'il y avait des ballerines noires sur les pieds de...cette chose.
Les membres ne tentaient pas de m'attrapper, on dirait plutôt qu'ils essayaient de sortir de cette prison cachée dans l'ombre d'un meuble.

Ce n'était malheureusement pas fini. Quelques secondes passèrent et j'étais loin d'imaginer ce qui s'est passé.

Alors que je n'avais mon regard braqué sur l'avancement de cette chose, le dernier tiroir ( celui d'en dessous ) s'ouvrit, laissant place à un espace vide et englouti dans l'obscurité. Je n'y voyais rien, l'intérieur du tiroir était complètement noir. Mais ensuite, je vis quelque chose bouger à l'intérieur, une silhouette se démarquent de la pénombre. C'était un visage...ou plutôt les cheveux de ce dernier. Ils bougeaient de manière latérale, tentent de se retourner. J'avais l'impression que ce visage voulait se retourner sur lui même pour m'observer, me  voir de ses propres yeux. Les grincements persistaient, les cheveux commencèrent alors à se séparer. Je vis alors le bout d'une mâchoire dont le teint était semblable aux membres du dessous - toujours en train de tenter de sortir -. Je n'eus même pas le temps de voir le visage entier que le tiroir d'au dessus s'ouvrit d'un claquement sec.
Je ne voyais toujours rien, seule l'obscurité était présente et rien ne semblait bouger à l'intérieur.

Le troisième et dernier tiroir s'ouvrit peu de temps après. Il avançait lentement vers moi et tremblait, je sentais que quelque chose était présent dans celui-ci.
Ma respiration commença alors à se faire plus arbitraire, je ne contrôlais plus mes émotions, je ne savais pas à quoi m'attendre. Le tiroir ne termina même pas sa course que quelque chose en sorti d'un bond ! C'était elle... C'était celle qui se cachait sous les tiroirs.
Je tombai par surprise, me retrouvant coudes au sol à regarder de terreur cette créature qui  tenait le bord du tiroir avec ses mains grises. Ses cheveux prenaient toute la largeur de l'emplacement, je ne voyais encore que sa mâchoire. Mon regard dévia alors sur le parquet, là où étaient les membres auparavant. Je n'y croyais pas, les mains avaient disparues et ils restaient que les jambes, collées l'une à côté de l'autre, mollet en direction du sol.
Elle me regardait...je pouvais sentir son regard, même s'il était caché par ces cheveux. Elle commença à se pencher vers moi, comme si elle m'analysait. J'étais terrifié, je ne savais pas quoi faire. Elle se penchait de plus en plus, j'avais l'impression qu'elle allait terminer nez à nez avec moi.

Je ne sais pas ce qui m'a pris mais je me suis levé d'un coup sec tout en reculant. La créature continuait de m'observer. Je tremblais de tout mon être, même de l'intérieur. Je voulais en finir une fois pour toute, je ne voulais plus voir cette chose abominable qui, juste d'un regard, me provoquait une peur indescriptible. Je fermai mes yeux, inspirai un grand coup et couru vers le tiroir avec les mains bien en avant. Je laissai même
échapper un cri pour me donner du courage. Je sentis alors le bois du tiroir sur la paume de mes mains et le claquai d'un coup violent.

Les grincements s'arrêtèrent, laissant place à un silence de mort. J'ouvris les yeux et remarquai que j'avais les mains collées à la porte du tiroir fermé. Pris par la peur, je courus en dehors de l'appartement de Solenne. Avant de fermer la porte de son bâtiment, j'entendis la petite voix de Solenne me crier "Loïc il s'est passé quoi ?!" mais je ne restai pas et m'enfuyai loin de ce bâtiment.

Je me suis senti faible, j'aurai dû lui en parler... Je n'ai encore rien dit à Solenne, je n'ose plus retourner chez elle mais ça ne la dérange pas, on se voit au métro.

Je t'ai donc sûrement déposé dans le tiroir pendant ma vision et je t'ai abandonné, mon journal. Mais tu es revenu, Solenne t'as ramené et je l'ai remercié une bonne centaine de fois.

J'ai tout de même peur, peur de ce qui m'attend dans l'avenir...

Je vois...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant