Quand arrivent les Rolling Stones | t.2

Live With Me

Jude caresse paresseusement Donald, assise au bord de la fenêtre en compagnie d'une tasse de café fumant et du dernier album des Rolling Stones. Elle rumine l'absence de Chace qui ne cesse de s'étendre sur la durée. La veille encore il l'appelait pour la prévenir qu'il resterait une semaine supplémentaire à New York et donc qu'ils ne fêteraient pas Noël ensemble. Les cartes de voeux commencent à s'empiler sur la table de la cuisine mais elle ne trouve pas le courage d'affronter les mots affectueux de ses proches. Parfois sa grand-mère ou Lucy passe pour lui apporter un peu de réconfort autre que celui de son chat et de ses ronronnements mécaniques. Jane Sheperds n'a de cesse de lui parler de la complexité de son couple et, de cette étrange faculté qu'à la distance de l'un et de l'autre de les détruire. 

Trois coups sont frappés avec acharnement contre la porte de l'appartement. Jude râle alors que Donald s'enfuit dans la chambre. Elle repose sa tasse et traverse le salon en trainant des pieds. Elle ne prend pas la peine de vérifier l'identité du nouvel arrivant avant d'ouvrir la porte. Et, la surprise est de taille lorsqu'elle découvre Chace planté sur le paillasson de l'entrée. D'abord, Jude ne parvient pas à réaliser sa présence. Puis, elle lui saute au cou sous les miaulements plaintifs du chat dans son dos. 

- Surprise, souffle-t-il en répondant à son étreinte. 

 Jude recule doucement, l'entrainant dans la foulée à l'intérieur de l'appartement. My Obsession accueille la fin de leur étreinte et Jude s'empresse de refermer la porte derrière eux. 

- Qu'est-ce que tu fais là ? Hier soir tu m'as appelé pour me dire que tu restais une semaine supplémentaire à New York, pour le travail !

- Et puis j'ai réalisé que ma fiancée ne pouvait pas passer les fêtes de fin d'année seule dans son petit appartement, à m'attendre désespérément. J'ai également eu droit à une discussion père-fils qui m'a grandement ouvert les yeux. 

Elle hausse un sourcil et jette un coup d'oeil alerté vers les cinq valises qui patientent dans l'entrée. Jude dirige son regard entre les bagages et Chace, incapable d'assimiler les deux. 

- Mon père ne comprenait pas que je reste à tourner en rond chaque soir dans mon salon, une bière à la main, en comptant les jours qui me séparaient de toi. Il a gentiment souligné que si j'étais vraiment un homme je devais plier bagage et venir te rejoindre, peu importe le travail, peu importe les hurlements déments de ma mère. Alors, me voilà.

- Ecoute, je sais que ton père a su se montrer compréhension à propos de ton voyage jusqu'à Bristol mais de là à emmener cinq valises...

- J'emménage, Jude. Si tu acceptes, évidemment, mais, je sais où est ma place à présent. Et, après mûre réflexion, New York n'est que le berceau de nos problèmes. Bristol c'est un nouveau départ, pour nous deux. 

Jude fait signe à Chace de patienter un instant. Il fronce les sourcils, soucieux de connaitre les motivations soudaines de la jeune femme quand elle revient avec un trousseau de clefs. Elle saisit sa main et le dépose dans sa paume avec précaution.

- Moi aussi j'ai pas mal tourné en rond dans mon salon, seulement c'était avec du café, ce qui est pire puisque je n'ai pas dormi de la nuit...

- Jude, viens-en aux faits.

- Euh, oui, tout ça pour dire que je me suis rendu compte que j'étais prête à suivre partout. Si demain tu me dis que ta vie est à New York, alors la mienne aussi. Je viens de passer deux semaines à errer dans cet appartement, à ne pas savoir quoi faire ou où aller. Ma famille habite à deux rues d'ici et pas une fois je n'ai eu l'envie de me rendre chez eux. Tu es ma boussole qui m'indique le bon chemin à suivre. Alors, au cas où tu me proposes cette alternative, j'ai fais faire un double de la clef.

Chace secoue la tête, à la fois ému par les propos de Jude et aussi amusé par ce petit brin de femme. 

- Bienvenue à la maison !, s'exclame-t-elle au sommet de l'enthousiasme.