Sortilège 35

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Sortilège 35.

— Potter, me croyez-vous insensé au point de boire un philtre d'amour aussi puissant que celui-ci ? Si vous n'avez aucun instinct de survie, ce n'est guère de ma faute !

— Vous ne répondez pas à la question, protesta Harry, vous évitez le sujet. Vous savez, j'étais vraiment jaloux quand vous êtes allé dans ce bordel et je pense que si je retournais voir les jumeaux, vous le seriez aussi. N'allez-vous donc pas l'admettre ?

Severus le toisa longuement d'un regard dur et froid. Ses lèvres se courbèrent vers le bas et ses yeux se plissèrent. Il essayait de se faire croire qu'il supportait la présence d'Harry et qu'il couchait avec lui uniquement par obligation à cause du pacte. Pourtant, il devait bien se rendre compte qu'il n'avait pas été forcé de coucher avec Potter la seconde fois – s'il le lui avait demandé, le sorcier se serait arrêté immédiatement – ni d'aller dans ce bordel avec une fiole de polynectar... Et voilà qu'il laissait le jeune homme errer dans son laboratoire personnel et l'observer préparer des potions, privilège qu'il n'avait accordé qu'à un nombre réduit de personnes, passant de Lily Evans à Dumbledore. Son laboratoire, c'était comme son jardin secret. Il n'y invitait jamais personne. Si la présence de Potter l'avait d'abord dérangée, il avait fini par s'y accoutumer, voire... l'apprécier.

C'était difficile à admettre, mais le sorcier avait quelque chose de rafraîchissant. Harry était jeune, fougueux, honnête (parfois un peu trop) et plein d'énergie. Ça changeait de son quotidien de solitaire endurci, silencieux et immobile. Du côté de Potter, c'était sans doute la même chose. Dehors, la majorité des sorciers l'admiraient, lui léchaient les bottes et l'acclamaient, ce devait lui faire du bien de se retrouver avec une personne capable de lui ramener les pieds sur terre et qui ne le vénérait pas comme le « Golden boy » qu'il était devenu. Au final, ils étaient faits l'un pour l'autre.

Severus avait encore quelques a priori parce que Harry était le fils de la seule femme qu'il n'ait jamais aimée et du garçon qui avait fait de sa scolarité un enfer, mais il commençait peu à peu à dissocier Potter de ses parents et à le voir pour l'homme qu'il était. Snape voyait que le jeune homme avait grandi depuis sa première année à Poudlard. Il était devenu une bonne personne. Il lui restait encore à travailler sur cette arrogance... mais il était responsable et mature. En somme, c'était un adulte qui menait sa barque dans la vie, qui avait un job stable, une maison et un cercle social.

— C'est..., commença-t-il avec prudence, quelque chose qui demande réflexion...

— Il n'y a pas de réflexion à y avoir ! Nous avons couché deux fois ensembles, nous avons ce pacte qui nous lie, vous me plaisez et je crois que l'inverse est tout aussi vrai, alors... que reste-t-il à réfléchir ? Ce n'est pas si compliqué. Je sais que vous êtes froid et coincé, mais bon sang, faites un effort !

Severus se raidit.

— Quoi ? Je ne suis ni froid ni coincé !

— Alors, prouvez-le !

Harry planta ses prunelles émeraudes dans les yeux noirs de Severus, le défiant ouvertement. Snape n'était habituellement pas sensible à la provocation. S'il l'avait été, il n'aurait pas fait long feu face à Voldemort. Pourtant, Potter savait précisément quoi dire pour toucher ses cordes sensibles et le faire réagir.

Il n'avait jamais osé dire à Lily ce qu'il ressentait pour elle et il l'avait perdue. Les choses auraient pu être tellement différentes si... Il ne devait pas laisser cette situation se reproduire une seconde fois où il le regretterait toute sa vie (et seul Merlin savait à quel point les vies de sorcier pouvaient être longues) ! Que Lily soit partie avec un autre – même si c'était un connard – était sans doute un mal pour un bien. Il devait passer par-dessus. Il avait promis de protéger son fils. Il avait veillé sur sa vie et, dorénavant, il pouvait aussi veiller sur son cœur.

— Qu'en penserait Lily..., murmura-t-il pour lui-même sur un ton quasi inaudible.

Mais Potter l'entendit.

— Ma mère ? s'étonna-t-il avant de se souvenir du passé qu'avait eu Lily et Severus. Je pense qu'elle serait d'accord. Elle s'est sacrifiée pour moi et c'est son amour qui a empêché le Seigneur des Ténèbres de me tuer. Elle n'a toujours voulu que mon bonheur. Et... elle aurait sans doute voulu que vous soyez heureux aussi... Vous étiez son meilleur ami, Severus. Elle serait d'accord avec mon choix. Elle vous estimait beaucoup. Vous avez fait certaines erreurs, mais vous vous êtes repenti. Ma mère savait pardonner... j'en suis sûr. C'était une Gryffondor.

Snape pensa amèrement qu'il avait été son meilleur ami jusqu'à ce qu'ils entrent à Poudlard et qu'elle rencontre James Potter et sa bande d'idiots... Malgré ça, Potter avait su trouver les mots justes et mettre le doigt sur quelque chose, sur les inquiétudes et les a priori de Severus. Il n'avait jamais eu l'occasion de s'excuser auprès de Lily et ce regret le tourmentait depuis de nombreuses années. Et en couchant avec Harry, il se sentait comme s'il la trahissait. Il ne voulait pas que l'on pense qu'il se servait du Survivant pour se venger. Une partie de lui serait heureux de voir le visage de James Potter face à une situation comme celle-ci, mais ce n'était pas une de ses motivations. James et Lily étaient morts, tandis qu'Harry vivait. Severus devait traiter avec les vivants.

— Regardez-moi, Severus, j'ai peut-être les yeux de ma mère et je suis peut-être le portrait craché de mon père, mais je ne suis ni l'un ni l'autre.

Il avait hérité de l'arrogance de son père et de la sensibilité de sa mère. C'était sans doute ce pourquoi il était à la fois si différent et si semblable à eux. Severus pouvait le voir. Potter n'avait rien à voir avec le garçon moqueur qui l'avait humilié à de multiples reprises durant son passage à Poudlard.

Snape prit une inspiration profonde.

— Il semblerait... à mon plus grand étonnement, que vous soyez une des seules personnes que je parviens à supporter dans mon environnement personnel... ce doit être un signe. Je suppose. Nous pouvons toujours... essayer.

Harry écarta les yeux, n'étant pas bien sûr d'avoir bien entendu. Même si Severus utilisait volontairement des mots flous pour s'empêcher de rendre les choses trop vraies, il était rare qu'il cède et qu'il s'ouvre ainsi.

— Alors... nous sommes ensembles ?

Severus se mordit la lèvre.

— Ne va pas le crier sur tous les toits.

Et Harry sourit parce que son ancien professeur de potions venait de le tutoyer, enterrant définitivement la hache de guerre.

Occlumancie et Legilimancie [Snarry]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant