et ces morts qu'on s'inflige

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ah Noël

Noël

"Paris qui sent la carne, Paris la nécropole,"
Noël sans dieu, Noël sans mots,

qui croit encore aux jolies légendes de son enfance
où le monde tournait droit justement
où l'on laissait les gentils gagner coûte que coûte
les nuits sans sommeil n'existaient pas, pas plus que les grosses erreurs, les insultes, les familles qui se brisent et les larmes qui brillent lorsque les lumières festives se reflètent dedans
qui croit encore aveuglement
maintenant qu'on sait
qu'on a vécu un peu plus
qu'on connaît une infime partie de la vérité

qui voudrait continuer à fêter une fête aveugle et hypocrite, qui prône l'amour au nom d'un homme mort sur une croix donc les dates de naissance et de mort sont aussi vagues qu'une énième théorie stupide sur la terre plate

on fait quoi
on se gave et on s'ignore
on se manque et l'on s'endort
quel gaspillage
de temps d'argent d'énergie de bouffe
à manger pendant des heures et en jeter la moitié
s'asseoir autour de la même jolie table bien dressée
pour manger encore et surtout pas se parler

parce qui veut savoir pourquoi je pleure

parce que qui veut savoir que papi meurt

quand on peut prétendre que tout va bien en souriant faux et en rigolant fort
le jaune de ton rire fait tâche sur le bleu de ta déco maman, tout comme ta fâcheuse habitude à fuir dès que l'on ouvre la bouche trop longtemps pour préparer le 6eme amuse bouche de la soirée
comme si toi aussi t'étais comme un oie qu'on gavait à l'hypocrisie

tu le sens, pas vrai ?

les cris qui affleurent
eh oui c'était il y a 4 ans pour mamie
eh oui t'as pensé qu'à ton petit bonheur égoïste et tu nous l'as mis dans la gueule à tous sans y penser
mais on a gardé le cap
eh oui c'est dur tous les jours de vivre avec quelqu'un comme toi
quelqu'un de doué pour faire taire les voix

bientôt mes lèvres seront closes pour toujours ma voix n'a pas sa place ici

je dis des mots que tu es incapable d'écouter
depuis toujours

mes appels au secours ont toujours été étouffés par les choses importantes

je ne compte pas

qu'ils sont longs les Noëls

qu'ils sont tristes

si on m'enlève jusqu'à ma voix et qu'on ignore même mes larmes

peut-être que crucifiée au salon je tirerai une exclamation qui pourrait engager une bribe de conversation

peut-être que je ne mérite que cela

être une énième Jesus de pacotille

tous hypocrites et mensongers
quelle belle société on me dit dans l'oreillette
paraître heureux est devenu plus important que de l'être

alors infligeons nous de nouvelles plaies en nous plantant nous même

c'est comme un fakir et son lit de clous
on pose un couteau bien astiqué et on s'empale dessus

alors allez empalez moi empalez vous empalons nous
mais arrêtons cette mascarade

Noël

ah Noël

Noël sans dieu Noël sans feu Noël sans rien Noël sans eux

on avait dit en famille
autant le fêter au cimetière
même les cailloux parlent plus
alors peut-être que les morts nous auraient honorés

h

Toutes les fleurs finissent par fanerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant