Dans le noir - Miraculous Ladybug

Chapitre 9

Dans la vie, Lila Rossi n'aimait que deux choses : le chaos, et la réussite. Très tôt, elle avait compris que ce duo de prime abord peu compatible pouvait représenter un mélange explosif et particulièrement rentable, pour qui savait convenablement s'en servir.

A la compréhension de cette vérité avait suivi la mise en pratique : en devenant la maîtresse du mensonge et du chaos à petite dose, elle avait réussi à se hisser au rang de confidente de Jagged Stone, de conseillère mode d'Audrey Bourgeois et de bienfaitrice des phoques de Sibérie et autres espèces en danger, sans même bouger le petit doigt.

Pourtant, elle savait que ça ne durerait pas éternellement. Lila savait que l'épaisse couche de vernis rendant ses mensonges si reluisants, si vrais, était en train de se craqueler. La raison ? Des fouineurs, des fouineuses. Surtout des petites fouineuses à couettes et à petit sac à pois, si promptes à vouloir aider son prochain, si promptes à vouloir dévoiler la vérité, si agaçantes, si...

Lila Rossi avait besoin d'une vraie réussite. Alors quand Gabriel Agreste avait fait son apparition dans sa vie, elle n'avait pu que sauter sur l'occasion.

Elle n'avait pas très bien compris pourquoi le styliste lui avait demandé de suivre Adrien après huit heures passées, mais elle s'était exécutée – et avait échoué. C'était bien la première fois qu'elle échouait, d'ailleurs. Heureusement, Gabriel allait lui donner une seconde chance. C'était pour ça qu'elle attendait sur le Pont des Arts, en attendant que ce vieux styliste un peu fou veuille bien se montrer, comme ils en avaient convenu au téléphone.

Il faisait rudement froid, et la pluie menaçait de tomber d'un instant à l'autre. Les basses températures rendaient Lila acariâtre. Elle avait mieux à faire que d'attendre ici, sur ce vieux banc gelé, à regarder des amoureux tenter d'installer des cadenas d'amour en dépit des plaques de plexiglas censées les en dissuader.

Elle méritait bien mieux que ça. Elle méritait les honneurs, elle méritait l'admiration de tous, et elle méritait d'accrocher un cadenas sur ce fichu pont, elle aussi, avec Adrien Agreste de préférence. Elle se jura d'avoir tout ça ; la première étape de cette fulgurante ascension vers la réussite, la vraie, commencerait dès lors que Gabrel Agreste voudrait bien se montrer. Et alors, tout le monde serait bien forcé de reconnaître qu'elle se classait dans le haut du panier.

Mais Gabriel Agreste ne se montrait pas. Il avait plus de deux heures de retard, et Lila avait froid. Au fur et à mesure qu'elle sentait de moins en moins ses doigts, elle sentait son agacement monter.

Tout à coup, elle sentit un souffle chaud lui arriver sur sa gauche. Un peu plus bas, sur le quai de Seine, un cracheur de feu amusait une foule de touristes fascinés.

Pathétique. Qui pouvait être impressionné par ça ? Qui pouvait avoir peur du feu à part... à part...

Elle se figea, comme frappée par son propre génie. Gabriel Agreste n'était toujours pas là. Peut-être avait-elle le temps...

Elle se précipita en contrebas, là où le cracheur de feu assurait sa performance. Maintenant qu'elle le voyait de plus près, elle en était sûre : c'était le même que ce jour-là.

Comme par magie, elle vit apparaître l'agent Roger un peu plus loin. Elle se dirigea vers lui, plaquant sur ses lèvres un sourire rodé par des années de pratique. Pas trop prononcé. Pas trop timide. Juste ce qu'il faut pour paraître sincère.

« Agent Roger ! Agent Roger ! »

L'agent de police bedonnant se tourna vers elle, et elle passa une main dans sa nuque et y arracha une mèche de cheveux qu'elle avait laissé traîner trop près d'un chauffage à gaz, chez sa mère.