Chapitre 10 - La requête du patient

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 Un mois supplémentaire d'enfermement et d'isolement s'était écoulé dans des conditions plus ou moins difficiles. Laurens s'était accommodé de son sort. Il s'était accoutumé au fait de devoir ingurgiter chaque jour de drôles de potions et à se sentir faible. Il s'était habitué à voir son apparence physique se modifier au cours des traitements.

La veille, le professeur Allégresse lui avait annoncé une merveilleuse nouvelle : la tumeur derrière son œil avait disparu ! Les traces du poison dans son sang étaient devenues quasi indétectables, ce qui semblait de bon augure. Sa famille et lui s'étaient réjouis de cette bonne nouvelle, qui arrivait à point nommé après tout ce qu'ils avaient endurés.

Laurens se mettait à envisager une sortie prochaine, ce qui l'enthousiasmait et le rendait terriblement impatient tout à la fois. Car, s'il était bien une chose à laquelle Laurens n'avait pu se faire, c'était l'enfermement. N'avoir pour horizon que les quatre murs de sa chambre lui pesait plus qu'il ne pouvait l'admettre. Sans compter qu'il avait l'impression d'avoir mis ses rêves et ambitions sous clef. Sans savoir s'il serait un jour autorisé à ouvrir le cadenas.

Il savait toutefois que son traitement continuerait un long moment, même après sa sortie. Le professeur Allégresse avait été claire sur ce point. Et il resterait sous étroite surveillance magico-médicale pendant de nombreuses années afin de surveiller les effets secondaires du traitement sur sa santé.

Il sentit une chaleur émaner de sous son oreiller. Il le souleva pour attraper le miroir à Double Sens qui se cachait en dessous et vit apparaitre le visage de son frère Octave.

- Coucou Laurens ! le salua le reflet de son grand frère

- Bonjour Octave ! Sympa de me contacter, je commençais à drôlement m'ennuyer aujourd'hui. Je n'ai pas encore eu de visites cet après-midi. A part le vieux Purseigle. Mais bon... Ce n'est pas le plus drôle !

- Tu m'étonnes ! J'avais pris les paris avec papa sur la tête que tu allais avoir aujourd'hui. Ça ne te va pas si mal les pois jaunes sur le front, se moqua Octave, étouffant un rire.

- Batard ! répondit du tac au tac Laurens, riant également. Tiens, j'ai vu Pauline hier, elle te passe le bonjour...

Laurens guetta une réaction de son frère face à sa riposte. Il avait appris récemment qu'Octave entretenait une correspondance avec la grande sœur d'Odran, ce qui l'amusait beaucoup. La réaction ne se fit pas attendre car les joues et oreilles d'Octave se tintèrent délicatement de rouge.

- Ah... Euh... Tu lui donneras le mien également, bégaya Octave

- Tu pourras le faire de vive voix quand vous viendrez pour la fête de Noël ! J'espère bien que je serai sorti de là ! Le professeur Allégresse ne s'est pas prononcée mais je commence à y croire.

- Je croise les doigts, même ceux des pieds en tout cas, s'enthousiasma Octave, ce qui toucha Laurens.

La maladie avait au moins eu le mérite de recréer un contact entre les deux frères. Rien que pour cela, Laurens referait exploser des potions dans son œil chaque jour s'il le fallait ! La porte s'ouvrit dans le dos de Laurens, le guérisseur Fraisier fit son entrée.

- Je dois te laisser, indiqua Laurens à son frère

- Ça marche, tiens moi au courant. A bientôt !

Puis le miroir redevint opaque. Le professeur Fraisier faisait partie de l'équipe de guérisseurs qui soignaient Laurens. Il était maigre et dégarni et son âge lui conférait un certain respect.

- Bonjour Lau-Lau (il le surnommait ainsi), je viens t'ausculter.

Le Professeur se mit à tourner autour de Laurens en agitant sa baguette dans de diverses incantations. Laurens sentait tour à tour certains organes de son corps se réchauffer à mesure que le Professeur procédait à son auscultation. Puis, ce dernier sortit un petit carnet de parchemin et une plume de l'une de ses poches de sa combinaison pour prendre quelques notes. Il se pencha pour examiner les fameux points jaunes sur le front de Laurens.

- Ah, voilà une réaction normale au traitement. N'hésite pas à appliquer de l'essence de Murlap là-dessus si tu ne veux pas garder plus de cicatrices que nécessaire.

La coupure de Laurens sur sa tempe droite avait beau avoir cicatrisée, il demeurait une belle trace rouge et très visible de sa blessure. Laurens choisit ce moment pour formuler sa requête :

- Professeur Fraisier ? Pensez-vous que je sois sorti avant Noël ? Vous savez, pour la fête ?

On sentait tout son espoir gonfler sa voix. Le professeur fit éclater son espérance en une seule phrase :

- N'y compte pas. Tu ne seras pas dehors pour Noël.

Laurens sentit une boule monter dans sa gorge. Il ne voulait surtout pas pleurer devant le guérisseur. Quand, enfin celui-ci quitta la chambre, Laurens laissa éclater son chagrin. M. Purseigle le retrouva une heure plus tard, prostré sur son lit, les bras entourant ses genoux. Il avait les yeux rougis et son sourire habituel avait disparu.

- Mais, qu'y a-t-il Laurens ?

Laurens lui expliqua les paroles du guérisseur. Pour la fête. Pour Noël. M. Purseigle, qui ne savait que répondre, sortit de sa réserve habituelle et prit Laurens dans ses bras pour le réconforter.

Plus tard en fin d'après-midi, Laurens reçu la visite d'Odran et de Cyriac. Il était rare que Cyriac vienne le voir, alors il apprécia d'autant plus la visite. Il avait remarqué que son isolement ne venait pas seulement du fait qu'il soit physiquement enfermé dans cette pièce. Mais aussi du fait que les personnes semblaient mal à l'aise face à sa maladie et n'osaient pas venir le voir. Devoir revêtir tout un équipement spécial pour entrer ne devait pas motiver non plus.

Ses deux amis décidèrent que si Laurens ne pouvait se rendre à la fête de l'école, alors la fête viendrait à lui ! Rien que de voir l'enthousiasme de ses camarades à en imaginer les détails redonna du baume au cœur à Laurens.

Il savait également que ses parents seraient là quoiqu'il arrive. Ils avaient été très présents pour lui, se relayant chaque semaine malgré la distance qui séparait l'école de leur domicile. Il lui était parfois difficile de lire l'angoisse dans les yeux de sa mère ou le chagrin dans ceux de son père. Mais ils faisaient leur maximum pour faire bonne figure devant lui ; pour lui remonter le moral et donner un semblant de normalité à cette situation.

Ce soir-là, alors qu'il avalait sa soupe avec une énorme miche de pain tout chaud, Laurens vit son ami Odran faire des figures en balai volant devant sa fenêtre. Juste pour le divertir. Laurens savait qu'Odran risquait une punition pour avoir violé le règlement de l'école en sortant le soir et en volant sans autorisation. Alors, son sourire habituel revint sur son visage et il décida que rien ne pourrait plus lui enlever.

Laurens à l'école de BeauxBatonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant