La Silencieuse 💎

2.

Deux jours plus tard, salle des professeurs de 3-E

PDV  .....

Je me tenais devant mes nouveaux professeurs, l'un me toisait de son regard froid, l'autre était assise au fond et me regardait d'un air détaché et indifférent. Karasuma-Sensei, et Irina-Sensei. L'homme se tenait en face de moi, il était grand et me dominait d'au moins une tête si ce n'était pas plus. Il était en costume et se tenait droit dans une posture qui inspirait crainte et respect.

- Tu es désormais une élève de la troisième E, tous tes cours auront lieu dans ce bâtiment. Et si le directeur a approuvé la décision de te placer dans cette classe malgré les circonstances actuelles, c'est qu'il juge que tu possèdes des capacités intéressantes.

Des capacités intéressantes ? Je me demandais bien ce qu'il entendait par là... Les matières enseignées dans ma nouvelle école étaient pour la majeure partie des choses dont j'ignorais encore tout. Je suis née sur une île perdue dans le pacifique à l'écart du monde et qui ne figurait sur aucune carte. Nous n'avions aucune des technologies que les japonais et le reste du monde possèdent aujourd'hui, il y a trois semaines je ne savais même pas ce qu'était un téléphone... Ma communauté vivait simplement à partir de ce qu'on trouvait sur l'île, et nous nous battions quotidiennement contre des ennemis venus d'ailleurs pour survivre dans notre petit coin isolé de tout à l'équilibre fragile. Alors à part me battre, je ne suis pas douée pour grand chose...

Me battre, je ne sais faire que ça. Me battre et tuer, tuer pour survivre. C'était la seule règle sur l'île...

Tuer les Seleniens, ces fameux ennemis, et respecter Sensei. Sensei était en quelque sorte le chef de ma communauté, c'est lui qui nous avait tout appris, la lecture, l'écriture, l'histoire, la base des mathématiques, et un peu de sciences. Juste le strict nécessaire pour survivre, et l'art du language. Cependant ça ne suffisait pas pour intégrer cette école prestigieuse. Je m'étais donc instruite moi-même, d'abord en apprenant le japonais, puis en allant lire des livres sur la science, les mathématiques, quelques ouvrages sur d'autres langues étrangères, mais j'avais concentré mes lectures sur les nouvelles matières que j'allais apprendre en empruntantes livres à la bibliothèque. J'avais étudié sans relâche pendant le mois qui a suivi mon départ de l'île et mon emménagement dans cette ville, mais malgré toute la peine que je me suis donnée à travailler comme une forcenée, je n'avais à peine eu quelques points au-dessus de la moyenne à l'examen d'entrée. Certes, c'était suffisant pour entrer dans cette école, mais c'était encore bien trop bas pour intégrer la classe de troisième C ou D. J'étais donc contrainte à étudier dans la classe E. E comme End, et d'après les rumeurs, c'était là que finissaient les cancres ou les cas désespérés. Mais j'étais déjà très reconnaissante de m'accueillir dans cette école, je me contenterai de ce qu'ils voudront bien me donner.

La femme assise à son bureau tourna la tête vers moi, je crois qu'elle était entrain de se maquiller. Ses longs cheveux blonds étaient bien coiffés, et son ensemble blanc n'avait pas la moindre tâche. Elle devait accorder un soin tout particulier à son apparence. Elle continua sa besogne en ajoutant du rouge sur ses lèvres.

- Maintenant que tu es officiellement dans la classe des épaves, ton but devient le même que celui de tes camarades : tuer Koro-Sensei, dit la femme sans détacher une seule seconde ses yeux bleus du miroir. Si tu réussis, tu auras droit à une prime de 10 000 000 000 yens. Ça fait beaucoup de cadeaux de Noël, tu ne trouves pas ?

Il faut ... tuer Sensei ?! Mais il ne faut pas ! Les professeurs transmettent depuis la nuit des temps du savoir à leurs élèves ! Non, c'est plus que ça, ils nous éduquent et et nous transmettent des valeurs qui font ce que les gens sont aujourd'hui. Les professeurs sont presque aussi importants que les parents. Mon Sensei a donné à sa vie pour moi ! Il est hors de question que je prive des gens de la chance que moi-même j'ai eu d'avoir un Sensei dans ma vie !

- Écoute, petite, je comprend que ça te laisse sans voix, mais il faut le buter, c'est comme ça. Sinon, il fera sauter la Terre comme il l'a fait avec la Lune. Sauf si ça te tente de disparaître à la fin de l'année en même temps que la planète et toute l'humanité.

L'humanité va disparaître si je ne le tue pas ?! ....J'avais déjà tué sur l'île. Des centaines et des centaines de fois, ça ne devrait pas me déranger de recommencer. Les Seleniens menaçaient la survie de ma communauté depuis des centaines d'années, c'était un combat qui avait commencé bien avant ma naissance, j'avais une raison légitime de me battre, je voulais la paix, je voulais survivre. Mais voilà, l'homme qu'on me demandait d'assassiner aujourd'hui ne m'avait rien fait, à moi.

- Tu n'es pas obligée d'agir tout de suite, déclara Karasuma-Sensei pour me rassurer. Prends le temps qu'il te faut pour te faire à cette idée, mais Koro doit mourir avant la fin de l'année scolaire. Tu auras sans doute besoin d'un peu d'équipement pour cela, alors...

Sur le coup, je ne compris pas exactement pourquoi il insistait pour m'offrir tout ça, le katana attaché à ma taille me suffisait amplement, mais il était impoli de refuser un présent. Alors j'acceptais la boîte qu'il me tendit, il avait dedans une lame courte et un pistolet. Je pris le couteau de ma main, il était étrangement mou. J'agitais doucement mon poignet et la lame en caoutchouc ondula comme une sorte de tentacule toute plate, je le glissais dans mon sac, et empoignais le pistolet. L'objet était plus léger que à quoi je m'attendais, il ressemblait à ceux que j'avais déjà vu dans un magasin de jouets. Sauf que celui-là n'avait pas de vraies balles, mais des petites billes roses dans son chargeur. Il y avait aussi un sachet remplis de ces billes roses soit-disant anti-Koro dans le carton. Tous ces objets étaient frappés du sigle de l'armée japonaise.

- Les balles en plomb et les couteaux métalliques fondent au contact de son corps, c'est pourquoi les chercheurs de l'armée ont conçus ces armes spécialement pour le tuer, alors je te prierai de les utiliser lors de tes tentatives d'assassinat. Compris ?

Par réflexe, je posais la main sur le fourreau de mon katana. Alors comme ça mon arme n'aura aucun effet sur lui ?! Je m'étais toujours battue avec, il ne m'avait jamais trahi et voilà que je ne pouvais plus l'utiliser ? Je soupirais en ajoutant le pistolet et ses munitions au contenu de mon sac. Déjà que j'avais eu un mal fou à adapter mon niveau d'étude, voilà que je devais aussi changer mes habitudes...

Je hochais la tête, même si je désapprouvais totalement ce qu'il attendait de moi. Il quitta la salle des prof, et me conduisit jusqu'à ma salle de classe.

- Une dernière chose, je ne vais pas en tenir compte aujourd'hui, mais tache de porter ton uniforme scolaire, demain.

Sur ce, il frappa à la porte.