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Le lendemain, peu avant le début des cours

PDV Asano

J'étais assis à l'arrière de la voiture qui m'emmenait tous les jours au collège, mon sac reposait à mes pieds et le carnet que j'avais ramassé la veille reposait sur le siège à côté du mien. Il appartenait à la fille que j'avais croisé hier, la fille de 3-E. Cette classe me répugnait, déjà parce que mon ennemi juré s'y trouvait, mais aussi parce que les cancres absolument débiles faisaient baisser les résultats du collège, ce qui enrageait le directeur de voir les éléments faibles ruiner son précieux travail. Et quand Monsieur était énervé, son très cher fils — c'est à dire moi — en subissait les conséquences. Je détestais les 3-E pour cette raison, ils étaient responsables de mon malheur, mais je me réjouissais de chaque occasion que j'avais pour les humilier.

Seulement, depuis quelques temps, j'avais remarqué que les élèves qui descendaient de la colline de la honte avaient toujours le sourire, ils étaient même plutôt enjoués. Et c'était parfaitement incohérent avec l'image qu'on avait toujours eu de cette classe. Mon père s'était lui-même assuré que la pire classe de troisièmes soit sans cesse en train d'étudier ou de passer des examens. Ils étaient même privés de divertissements pour rester concentré sur leurs études. Alors les voir quitter l'école en trottinant comme des primaires et en bavardant comme des gamins provoquait en moi une certaine incompréhension, et surtout une rage profonde. Car leurs comportements remonteraient tôt ou tard aux oreilles du directeur, et tôt ou tard, sa colère me retombera dessus encore une fois.

La troisième E m'intriguait, comment pouvaient-ils être aussi heureux pour des gens à qui on interdisait tous et qui étaient constamment rabaissés ? Pourquoi étaient-ils aussi souriants alors qu'ils devaient se noyer dans les devoirs à faire et se plaindre du retard qu'ils avaient dans le programme ? Et pourquoi les professeurs de cette classe de rejetés étaient aussi étranges ? Sérieusement, entre le type en kimono qui se dandinait bizarrement, la blonde qui faisait baver tous les mecs du collège avec son corps de strip-teaseuse, et l'autre type aussi froid qu'un iceberg, j'étais largement en droit de me demander ce qu'il pouvait bien se passer en haut de cette colline ! Mais bien évidemment, ce connard de directeur avait des choses bien plus importantes à faire que de répondre aux questions que lui posait son gamin.

Je ramassais le carnet et mes affaires quand la voiture s'arrêta devant la grille du collège. J'avais là l'excuse parfaite pour entrer en contact avec la classe de boulet, pour leur soutirer des informations sur les faits en liens avec la classe des épaves. Je jetais un rapide coup d'œil à la couverture du carnet, il y avait le nom de l'élève sur une petite étiquette, le carnet avait l'air neuf comme si on l'avait acheté il y a peu de temps. Je ne l'avais pas ouvert depuis que je l'avais ramassé la veille, j'avais préféré faire mes devoirs plutôt que perdre du temps avec ce genre de truc. Mais je suppose que lire un peu me permettrait peut-être d'en savoir plus sur cette fille, ou sur sa classe. Sinon.... Eh bien, ça me fera un sujet toujours un sujet de conversation à défaut d'avoir des détails potentiellement exploitables !

Je commençais donc à feuilleter le cahier en tournant successivement les pages, c'était majoritairement composé de feuilles blanche sans ligne, comme les cahiers à dessins, et ça tombait bien car des croquis, il y en avait partout. Le cahier avait l'air neuf et pourtant un tiers des pages blanches disparaissaient sous des dessins au réalisme impressionnant et aux sujets presque irréels tant ils étaient beaux. Les dessins représentaient surtout des paysages d'îles paradisiaques avec beaucoup de végétation, des jolies fleurs et quelques papillons, et bien sur la plage. Il y avait aussi des portraits de plusieurs personnes, tous étaient habillés du même uniforme noir que la jeune fille que j'avais croisée la vielle. Ils étaient tous différents, chacun avait des cheveux de couleur différente ainsi qu'une forme de visage qui lui était propre. J'imaginais que ces personnages étaient issus de son imagination, que c'était.... j'en sais rien, peut-être une représentation de ses émotions. Les artistes sont souvent bizarres, ça ne m'étonnerais pas que ce soit ça.

Ou alors la raison était tout autre. Peut-être qu'il s'agissait tout simplement de parfaits inconnus. Mais les dessins semblaient trop détaillé pour une personne qu'elle n'aurait vu qu'une seule fois. Mais plus je tournais les pages, plus je découvrais de nouveaux personnages, il y en avait précisément 29. Vingt-neuf visages différents qui semblaient chacun à voir leurs propres caractéristiques. Mais il y avait aussi quelque chose d'étrange, certaines images étaient accompagnées de caractères comme une sorte d'annotations, sauf que c'était incompréhensible. Les caractères n'était ni ceux utilisés en japonais, ni les lettres utilisées dans les pays occidentaux. Peut-être que c'était un code, peut-être que c'était une autre langue. Plus je feuilletais les pages, plus il y avait de nouveaux mystères à éclaircir, et de nouvelles questions en quête de réponses m'envahissaient. Je refermais vivement ce foutu carnet avant de me donner moi-même mal au crâne à force de réfléchir à des choses aussi stupides. Je regrettais même de lui avoir donner une quelconque importance pendant ces brèves secondes. Ce ne sont que des dessins, rien de plus ! Moi aussi, je pourrais faire de telles choses si je décidais de me concentrer un minimum pendant les heures dédiées au cours d'art, mais cette matière n'était pas noté, donc ça n'avait aucun intérêt ! En attendant, je devais rendre ce truc à sa propriétaire avant que l'envie de le brûler ou de le jeter me prenne. Je cherchais cette demoiselle du regard, Saphir, comme l'indiquait l'étiquette sur la couverture du cahier. Ça n'était pas si difficile que ça, des filles comme elle avec de longs cheveux bleus brillants, il n'y en avait qu'une seule à Kunugigaoka. Je la repérais facilement, elle se dirigeait vers le sentier qui allait en haut de la colline.

- Eh ! Saphir !!

L'intéressée se retourna, puis elle baissa la tête en comprenant qui l'avait interpellé de la sorte. Elle devait encore avoir en tête ce qui s'était passé hier. J'avoue, je ne suis pas fier d'avoir fait l'imbécile comme ça. Je devrais m'excuser, j'avais plus de chance de créer un lien avec elle si je me faisait pardonner en prétendant avoir agit sous la contrainte.

- Je suis désolé d'avoir pu être méchant hier, ce n'était pas mon intention, m'excusais-je en tentant d'ajouter un peu de sincérité dans mes propos. J'ai un peu de mal à m'intégrer, j'essaye juste de suivre le mouvement de mon groupe d'amis pour ne pas être rejeté... Mais j'avoue qu'ils sont allés trop loin. Alors, tiens. J'ai réussi à récupérer ton carnet, comme ça on est quitte.

Je lui rendis son carnet, elle hésita, puis s'empara vivement de son bien en détournant le regard. Elle devait se sentir intimidée, je n'avais pas été particulièrement agréable avec elle... Et dire que c'était son premier jour. Ça craint comme accueil !

- Peut-être que... qu'on pourrait être amis, je ne serais plus obligé de traîner avec les prodiges. Qu'est-ce que tu en dis ?

Je crois que j'ai été plus honnête que je n'avais prévu de l'être. J'étais très populaire parce que j'étais un des meilleurs élèves, mais aussi à cause du nom que je partageais avec le directeur. Et malgré ça, je n'avais pas vraiment d'amis. Je traînais avec les prodiges parce que c'était l'élite de l'école, école que mon père surveillait via des caméras disséminées un peu partout dans la cour et dans le bâtiment principal. Mon avenir en haut de l'échelle sociale était déjà tout tracé, de même que mes relations au collège étaient déjà planifiées depuis un bon moment. Et Saphir était loin d'en faire partie. Elle s'inclina sans me répondre, puis elle s'éloignera de moi d'un pas tranquille, avec son cahier dans la main et son sac dans l'autre. Elle grimpa quelques marches puis elle se retourna et me fit un petit signe de la main auquel je répondis de la même manière. Ensuite, elle s'en alla vers la classe des loosers.

Quelle ingrate, elle n'a même pas dit merci ! J'aurais jeter ce carnet de merde quand je l'avais encore !

La Silencieuse 💎Où les histoires vivent. Découvrez maintenant