Le jeudi matin, lorsque j'entre dans la salle d'histoire géo, le proviseur se tient devant tout le monde avec un garçon que je n'ai jamais vu. Sacha avait raison à propos du nouveau. Nathan me fait un clin d'œil discret. Je lui souris et rejoins ma table. Le proviseur passe plus d'une demi-heure à nous chanter son éternel discours. Au bout d'un moment, il laisse la parole au nouveau pour qu'il se présente :
- Salut tout le monde. Moi c'est Jordan. Je vais avoir dix-huit ans. Je me suis fait virer de mon ancien lycée. Je n'aime pas l'école mais ma mère veut que j'obtienne mon bac. Je vais essayer de lui faire plaisir mais c'est pas gagné. Et s'il y en a qui veule mon zéro six, pas de problème. Mais désolé les mecs, vous êtes pas mon genre, pote seulement.
Je manque de tomber de ma chaise face à tant de culot.
- Mademoiselle Renard, auriez-vous la gentillesse de libérer un peu de votre temps pour permettre à Jordan de rattraper son retard.
Je le regarde incrédule. Même pas en rêve !
- Avec plaisir, Monsieur le proviseur.
Je n'ai pas parlé. Ce n'est pas moi ? Je crois que si. Pourquoi moi ? Il sait que je ne lui refuse jamais rien. Et puis j'ai un programme à suivre.
- Merci à vous Gladysse. Le lundi soir à partir de dix-huit heures sera parfait.
Non pas le lundi. c'est le seul soir où je ne suis pas trop occupée et que je sors avec Nathan. On adore nos lundis soirs. En général on va au parc et j'emmène Claire. Il n'y a jamais de lycéen là-bas. Je tourne la tête vers Nathan. Il me regarde comme si je venais de le poignarder dans le dos. Le proviseur s'éclipse, Jordan rejoint le fond de la salle en soupirant et notre professeur regarde sa montre désespéré. Il décide :
- Sortez moi vos paragraphes. Je les ramasse et je les note. Jordan, vous me le ferez pour la semaine prochaine. Gladysse vous aidera. La fin du cours dure une éternité. Lorsque je sors enfin de la salle, le couloir est vide. Seul Nathan y traîne encore. Il m'attend. Il m'approche, je baisse la tête et continue mon chemin. Il me rattrape le bras, me fait faire volte face. Je m'attends à ce qu'il m'interroge sur ma réaction vis à vis de ces cours particuliers, mais non. Rien. Il fixe mes yeux et me demande tout à coup inquiet :
- Ça va chaton ?
- Oui... Pourquoi ? Je marmonne comme pour retenir mes larmes.
- Gladysse ?
Je n'arrive pas à soutenir son regard. Je craque et je lui raconte ma dispute de la veille avec Mathilde. Pour bien faire, Nathan déteste Mathilde plus qu'elle ne me déteste. Il la trouve irrespectueuse et méchante. Il ne se gêne pas pour lui faire remarquer. Comme la fois où elle s'est fait une entorse en tombant dans les escaliers. Elle m'a accusée de l'avoir fait exprès alors que j'étais en haut et que je ne l'avais pas touché. Quand Nathan m'avait défendu, elle n'avait pas bronché.
Il me regarde et me prend dans ses bras :
- Tu vaux mieux qu'elle. Je te le promets. Tu n'es pas responsable du divorce de ses parents et encore moins du départ de sa mère. Elle pourra essayer de te mettre ça sur le dos autant qu'elle voudra ce ne sera jamais ta faute. C'est celle de ton père.
Ce qui est bien c'est que je n'ai pas besoin de parler à Nathan pour qu'il sache ce que je ressens. Je suis aussi transparente pour lui qu'il ne l'est pour moi. Soudain, un bruit se fait entendre dans le couloir. Je me détache de lui par réflexe. Il m'envoie un dernier regard de soutien avant de filer. Et là j'ai froid. Je me réchaufferais bien dans ses bras si protecteur. Protection qui a disparue aussi vite qu'elle est arrivée.
Le dimanche matin, alors que je travaille sur l'organisation de mon nouvel emploi du temps, Guillaume, qui attend toujours que je sorte de ma chambre pour prendre mon petit déjeuner, préparer le sien et le biberon de Caire, débarque dans ma chambre. Il tremble. Il a peur. Il sanglote presque :
- Gladysse ! Gladysse !
- Que se passe t-il mon ange ? Calme toi ! Viens là !
Je le prends dans mes bras et l'installe sur mes genoux. Quand il arrive à articuler, il me demande si je sais où est Claire. Il l'a cherché dans sa chambre, dans son parc, dans son landau, sur son tapis de jeu, et discrètement dans la chambre des parents qui dorment encore. Logique pour un dimanche matin. Inquiète à mon tour, je le conduis dans la chambre parentale. Nous réveillons nos parents ne voyant pas d'autre solution. En cinq minutes, un dimanche qui s'annonçait joyeux et ensoleillé a tourné au cauchemar. Seul Mathilde dormait encore. Enfin c'est ce que je croyais jusqu'à ce qu'elle débarque dans le salon, visiblement agacée d'avoir été réveillée par ce remue ménage :
- Qu'est-ce que c'est que ce boucan ? Il est sept heures et un dimanche matin en plus !
- Claire a disparu, sanglote Guillaume. On ne sait pas où elle est. On ne la trouve pas.
- Oh ! Oh ! On se calme. Claire se réveille dans mon lit.
On se tourne tous vers le couloir, incrédule. Je suis la première à reprendre mes esprits :
- Mais pourquoi est-elle dans ton lit ?
- Cette nuit, elle s'agitait. Quand je suis allée me coucher, je l'ai prise avec moi pour que vous puissiez dormir.
Ma mère entendant son petit bout de chou gazouiller rejoint la chambre de Mathilde à la hâte. On s'assoit tous dans le canapé soulagés. Seule Mathilde reste ahurie par notre comportement. Elle peut dire tout ce qu'elle veut, son attitude pour nous assurer une bonne nuit de sommeil est une attention généreuse de sa part. Je me retiens de lui dire, de peur de briser cette ambiance hilarante. Du coup, je me lève et me dirige à la cuisine où je me lance dans la préparation d'un bon petit déjeuner pour tout le monde.
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Mon meilleur ami, mon frère, ma demie soeur
Teen FictionGladysse, stéréotype cliché de l'élève parfaite. Nathan, stéréotype cliché du beau gosse populaire. Jordan, le cancre pervers qui se croit irrésistible. Nathan et Gladysse sont meilleurs amis depuis toujours. Gladysse maintient leur amitié secrète...