Chapitre 5

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J'ouvre les yeux et je les referme aussitôt, aveuglée par les rayons du soleil qui transpercent les rideaux. Je grommelle :

- Oui mon ange, je me lève.

Je m'assois et je découvre que je ne suis pas chez moi et que Guillaume n'est pas venu me réveiller comme je le pensais, il y a de cela deux secondes. Mes yeux me brûlent. Je mets un temps avant de reconnaître l'endroit. Il y a quelqu'un dos à moi à l'autre bout de la pièce. Nathan s'habille. Il ne m'a pas encore vu à tel point qu'il sursaute quand je lui demande ce que je fais ici. Il se retourne et me dévisage :

- Tu ne te souviens de rien ?

- Vaguement...

Je me regarde, je le regarde et le doute s'insinue. Il me raconte tout et me rassure au passage. Il est différent, il n'est plus aussi froid que l'autre jour. J'apprends que c'était lui, la présence dans mon dos, qu'il m'a conduit ici, que je pleurais. Je lui ai raconté ce qui s'est passé avec Jordan, même la menace. Je m'étais ensuite endormie dans ses bras. Il m'avait gentiment offert son lit et avait passé la nuit sur le canapé. Je le regarde tendrement reconnaissante. C'est lui mon meilleur ami. Le Nathan que je connais soucieux des autres, qui se fiche de sa popularité. Je fixe si intensément ses iris que je ne découvre pas tout de suite que son sourcil droit est amoché et que sa lèvre supérieure est tuméfiée. Je m'empresse de l'interroger :

- Que t'es t-il arrivé ?

- Rien. Ne t'en fais pas. Ça va aller toi, pour rentrer ? Tu veux que je te raccompagne? Tu veux que je prévienne le lycée et que tu restes chez toi?

- Même si tu ne me croiras pas, je vais bien. J'ai des jambes, figure toi. Et je compte bien m'en servir pour rentrer à la maison et subir la colère imminente de mes parents. On se retrouve au lycée tout à l'heure.

Il sourit s'approche de moi, s'assied à mes côtés et me prend dans ses bras. Il m'a manqué mais je ne peux m'empêcher de me demander ce que cette étreinte signifie pour lui. J'ai la réponse lorsqu'il se détache de moi et fixe mes lèvres d'une manière étrange. Avant qu'il commette une erreur, je me lève, récupère mes chaussures et quitte la pièce sans le saluer. Je suis troublée. Je suis rouge de honte. Je passe dans le couloir sans bruit. Je ne veux pas affronter ses parents. Mais je me fais repérer. Jade traîne dans le salon. Elle me fait coucou. Je lui fait signe de se taire. Gênée, elle me sourit et cesse d'agiter sa main. Son regard me lance un truc du genre: « T'inquiète, j'ai compris, je ne dirai rien. » Je lui fais signe de laisser tomber. Elle se plante. Il ne s'est rien passé. En tout cas, rien de ce dont elle s'imagine.

Sur le retour, je suis pensive. Je repense au clin d'œil de Jade et je comprends tout. Nathan a parlé de ses sentiments à sa sœur, qui en a parlé à Mathilde dans l'espoir qu'elle évalue la situation de mon côté. Et elle a accepté juste parce que c'est sa meilleure amie. Elle s'en fiche de moi ou de Nathan. Cette robe lui a servi de prétexte pour me faire parler. Cela explique mieux son comportement dans la soirée et l'animosité avec laquelle Nathan regardait sa sœur ces derniers temps. Il a mal pris que sa sœur dévoile ses sentiments à Mathilde. Il lui avait fait des confidences, il ne lui avait pas demandé de le dire à tout le monde. Il voulait me préserver. Préserver ce qu'il avait avec moi. Il ne voulait pas me perdre. Il ne m'a pas perdu. Il m'a juste égaré. Non, c'est n'importe quoi. Mathilde est peut-être méchante, mais pas manipulatrice à ce point là. Mais pour le moment je ne sais plus qui croire ni que faire. Il me faut du temps. Je sors de ma rêverie en apercevant le perron de la maison. À peine ai-je franchi la porte que mon père m'appelle de la cuisine. Mon entrée dans la pièce me vaut un regard méprisant de la part de Mathilde, un câlin de mon petit frère et un gazouillis de Claire. Ma mère me regarde rassurée de me voir de retour en vie. Mais elle reprend très vite son regard strict pour me dire :

- La prochaine fois que tu ne rentres pas sans prévenir, que tu nous envoies ce genre de message et que tu ne nous réponds pas quand on te demande si tout va bien, ça ne se passera pas comme ça jeune fille !

Je ne vois pas quel message je lui ai envoyé. Dans mon souvenir je ne lui ai rien envoyé du tout. Mais j'acquiesce en prenant un air désolé. Je le suis vraiment mais je sui trop perdue pour en avoir l'air.

Mon père m'ordonne :

- On reparlera de la punition plus tard. Maintenant monte te préparer, tu pars dans quinze minutes montre en main.

Je m'apprête à sortir lorsque je vois un rictus satisfait se dessinait sur le visage de ma « sœur » qui fixe son bol de céréales pour que personne ne la remarque.

Je monte dans ma chambre,, je déverrouille mon téléphone, ouvre la discussion avec ma mère et découvre que je lui ai bien envoyé un message hier soir. Vu l'heure d'envoi, Nathan a dû l'envoyer pendant que je dormais. Je le range dans ma veste et saute dans la douche. Lorsque je sors, mon téléphone vibre, je regarde le dernier message que je viens de recevoir. Nathan. Il me dit qu'il ne veut plus attendre, qu'il veut que je lui dise maintenant s'il y a une chance entre nous. Si quelque chose est possible. Il m'attend au coin de la rue. L'autre message vient de Jordan. Trois mots. « Tu as gagné ! ». J'attrape mon sac effrayée et appelle Guillaume dans l'entrée. Il me sourit, joue avec mes tresses et me dit :

- Let's go !

- Ça tombe bien, j'ai une surprise pour toi.

Par chance, il ne remarque pas que mon sourire est faux. Il sort de la maison tout excité. Je le suis sans la même conviction. Je ne sais toujours pas ce que je vais dire à Nathan. Je ne veux pas lui faire de peine. Mais je ne suis pas prête. J'ai encore besoin de temps. Même si je connais la nature de mes sentiments et ceux depuis des années. Je sais ce que je veux et quel est le bon choix. Ma raison me dit de lui imposer d'attendre s'il m'aime vraiment. Mais mon cœur sait qu'il ne peut pas attendre pour lui dire la vérité, au risque de le blesser. Je lève la tête. Mon frère vient d'apercevoir Nathan. Tellement heureux de sa surprise, il court vers son idole. Mais il ne regarde pas avant de traverser. Il ne voit pas la voiture qui arrive au même moment. Je hurle de frayeur :

- Guillaume ! NOOOOOOOOOONNNNNN !

Trop tard ! Mon frère vient de se faire percuter. Je cours à en perdre haleine pour le retrouver. Je m'agenouille auprès de mon petit frère inanimé. Nathan est figé de terreur. La conductrice, choquée est au téléphone avec les secours. Puis elle sort du véhicule. Elle se confond en excuses en pleurant. Elle m'assure ne pas l'avoir vu. Je la crois. C'est de ma faute. Tout est de ma faute. Si je n'avais pas été plongée dans mes pensées je lui aurais tenu la main comme d'habitude et j'aurais resserré mon étreinte avant le passage piétons. Je n'arrive plus à respirer. Mon cœur bat trop vite et trop fort dans ma poitrine. Nathan m'aide à me calmer pendant que les pompiers montent mon frère dans l'ambulance. Je le rejoins et attrape sa main, que j'aurais dû saisir tellement plus tôt. Je la sers si fort que ses doigts sont rouges. L'ambulancier m'assure qu'il va s'en sortir tandis que j'essaye de me souvenir du numéro de mes parents. Nathan m'a promis de nous rejoindre au plus vite.


Mon meilleur ami, mon frère, ma demie soeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant