Chapitre 3

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Cela fait maintenant plus d'une semaine et demie que Jordan est arrivé dans le lycée. Il est insupportable, arrogant, irrespectueux et violent. Nathan le regarde de travers. Il ne l'aime pas du tout. Il pense que c'est un délinquant. Ce soir je dois encore lui donner un cours de soutien. L'autre jour, il a eu un peu de retard et a dormi presque tout le long du cours. Du coup, il a rendu un paragraphe qui lui a valu un cinq. Je n'ai même pas cherché à savoir où le prof a pu trouver cinq points. Je suis installée dans la salle et voilà bien vingt minutes que j'attends. Quand il arrive enfin, il est parfaitement indifférent au temps qu'il vient de me faire perdre. Je lui demande pour être sûr qu'il est au courant :

- Tu sais que tu as rendez – vous ici à dix-sept heures ?

- Et ?

- Tu te fous de moi là ? J'ai un programme à respecter. Des choses de prévues que je ne peux pas annuler. Si tu n'y mets pas du tien c'est fini. Tu te débrouilles ! Je ne sais même pas pourquoi j'ai accepté de te donner ces cours. Je n'aurais jamais dû.

- C'est qu'elle sort les griffes. Allez viens t'asseoir, t'es mignonne, on va pas s'engueuler pour des cours dont on se fout littéralement.

Trop, c'est trop. Je lui dit d'aller se faire voir avant d'attraper mon sac et de partir. Je m'arrête à mon casier pour récupérer mon téléphone et mes clefs de maison. Jordan me rejoint. Je l'ignore et tente de le fuir mais il m'attrape le poignet me faisant faire volte-face. Il prend mon sac et le jette plus loin dans le couloir. Je n'aime pas son regard. Il va me frapper c'est sûr. Je suis foutue. Il resserre sa prise sur mon poignet. Je ne le sens même plus. Il me plaque contre le mur des casiers et me chuchote de me calmer et s'approche encore et encore. Je fronce les sourcils pour me préparer au choc de son poing sur mon visage. Mais il ne le fait pas. Il m'embrasse. M'embrasse ? Il m'embrasse avec force. Je ne réalise pas bien ce qui se passe. Mais je commence à comprendre quand je sens ses mains resserrer notre étreinte. Je tente de me dégager. Mais il a plus de force que moi. Cependant, il n'arrive pas à couvrir mes cris qui s'intensifient. Il me lâche enfin et je fuis. Je rattrape mes affaires et pars le plus vite possible. Ce n'est qu'une fois dehors que je m'aperçois que des larmes ruissellent le long de mes joues. Je tremble, je suis terrifiée. Je me retourne sans cesse en espérant que Jordan ne me suit pas. Qui sait ce qui aurait pu arriver si je n'avais pas crié. J'étais tétanisé. Il n'est pas seulement violent, il est malintentionné. Au coin de la rue, je vois Mathilde qui salue Jade. Elle me voit à son tour et s'approche. Je m'apprête à prendre la fuite une fois de plus. Je n'ai pas le courage de l'affronter. Mais j'ai besoin de quelqu'un, je ne peux pas rester seule. Lorsque je distingue nettement les traits de son visage, je vois de la bienveillance qui se transforme en inquiétude au moment où elle voit mes yeux rougis :

- Gladysse, qu'est-ce qui se passe ?

Ses yeux sont exactement comme lorsque Claire a eu sa première poussée de dent. Ma petite sœur avait pleuré des heures durant. Elle a peur comme ce jour là. Je vois qu'elle est inquiète et qu'elle est là pour moi. J'oublie nos disputes d'un seul coup. Je lui fais confiance, je découvre ma sœur. Je fonds en larme des les premiers mots. Mais Mathilde est patiente. Elle m'aide à m'asseoir sur un banc. Lorsque j'ai fini de lui expliquer ce qui s'est passé dans ce couloir, elle est choquée. Elle me conseille d'en parler aux parents. Mais j'ai peur. Je lui demande de se taire pour le moment. Que je n'ai pas le courage. Elle me prend dans ses bras et me propose d'aller faire un tour. On marche sans but. Mais on parle, on apprend à se connaître. Je sens que le départ de sa mère plane au dessus de sa tête constamment. Je la découvre réellement pour la première fois. Je m'arrête devant une boutique, en admiration d'une petite robe blanche avec de bretelles en dentelle. Elle et sublime. Mathilde me pousse dans le magasin. Cinq minutes plus tard, j'en ressors, la robe dans mon sac. Je la remercie de m'avoir acheté cette robe. Elle me dit que c'est comme une manière de s'excuser d'être si dure avec moi. Sur le trajet du retour, Mathilde me demande :

- Tu as des sentiments pour ce mec...

Je l'interromps outrée :

- Quoi ? Jamais de la vie ! Je me force à lui donner ses cours ! Je ne l'aime pas ! Je le déteste !

- Ce n'était pas une question. Et je ne te parle pas de Jordan. J'ai bien vu le dégoût que tu lui portes.

Je la regarde abasourdie :

- De qui tu parles ?

- Ne joue pas les innocentes. Avec Jade, on a bien vu comment vous vous dévorez des yeux.

- Mais qui à la fin ? Je m'énerve presque.

- Je vous ai vu jeudi, dans le couloir.

Avec qui étais-je jeudi dans le couloir ? Je ne vois pas de qui elle parle. À moins que... Qu'elle parle de... Nathan ! Quelle idiotie ! C'est mon meilleur ami. Il n'y a rien entre nous à part une fraternité indestructible. Je rectifie Mathilde :

- Si c'est de Nathan que tu parles, tu te fais des films. Il n'y a rien que de l'amitié entre lui et moi.

- On en reparle dans une semaine ou deux, me sourit-elle.

Je rigole à mon tour. Nous venons d'arriver à la maison. Le repas se fait dans le calme. J'envoie un message à Nathan, lui expliquant que je ne donnerai plus de cours à Jordan. Je ne lui raconte évidemment pas ce qui s'est passé. Je redescends et ouvre la porte. Je trouve Mathilde assise sur le perron, téléphone en main. Je m'assois à ses côtés tandis qu'elle range son portable à la hâte. Je la remercie encore une fois pour cette soirée. Elle acquiesce :

- Pour tout te dire, je suis heureuse d'avoir pu t'aider à penser à autre chose. Avec ce qui s'est passé je vais garder un œil sur lui. Je serais toi j'en parlerais à mon professeur principal. En plus tu es une bonne élève, il saurait que tu ne mens pas.

- Mais s'il me demande de porter plainte. Je serais obligée d'aller au tribunal. Et je ne veux pas. Je ne peux pas. C'est inconcevable. Mais en même temps, je ne veux pas qu'il recommence.

- Il n'ira pas jusque là, ce n'est pas aussi grave que ça, c'est à toi de prendre ta décision. Mais sache que je te soutiens.

Je prends mon courage à deux m ains et je lui dit :

- Tu sais Mathilde, aujourd'hui je t'ai vraiment rencontré.

- C'est à dire ? me demande t-elle avec un sourire.

- J'ai vu la vraie Mathilde. Celle que tu étais avant le divorce de tes parents. Une jeune fille pleine de vie, agréable et soucieuse des autres. Celle que tu es avec tes amis. Pas celle que tu nous montre.

- Qu'est-ce que tu insinues ? Que je joue à un jeu avec vous ? Attention Miss Parfaite est de retour !

Je la regarde abasourdie :

- Mathilde, je n'ai jamais dit ça. Arrête. Tu es différente avec nous et ça depuis toujours. Tu ne peux pas le nier. Et ce soir, tu as été celle que nous rêvons tous de rencontrer. Pas celle que le départ de sa mère a brisé.

- Tu n'es qu'une petite peste ! Je suis toujours la même. Je ne change pas. Ce qui s'est passé ce soir, ça n'a aucune importance. Si j'avais su, je t'aurais laissé seule et il serait arrivé ce qu'il serait arrivé. Dans tous les cas, tu l'aurais mérité !

Elle se lève et me laisse là, dans le noir de la nuit. J'ai mal. Ce soir, elle m'a prouvé qu'elle était quelqu'un de bien et quelqu'un d'horrible en même temps. Et me revoilà de nouveau à douter. Je ne sais pas quoi penser. Et si elle avait raison. Si en faisant ça, elle m'avait empêché de vivre ce que je méritais vraiment. Je prends la décision que personne ne saura rien. Jamais ! Que je n'aurais pas dû fuir.


Mon meilleur ami, mon frère, ma demie soeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant