TUNNEL (terminé)

Chapitre 1 - un week-end gâché

« Deux et demi ! ! Mais comment j'ai fait pour avoir deux et demi, après tout le temps passé sur cette leçon ? ? ? ».

Cela fait dix minutes que David roule en essayant de comprendre. D'autant plus que c'est la troisième mauvaise note depuis le début du trimestre. Mais ce qui le préoccupe le plus, c'est que l'on est samedi, justement le jour où son père vient le voir, et emmener sa petite sœur Elodie chez lui, ce qui permet à David de s'en débarrasser le temps d'un week-end. La satisfaction de passer un week-end seul avec ses copains sans la présence parfois envahissante de sa sœur, risque d'être fortement perturbé par un chiffre qui arrive au mauvais moment.

Il en est ainsi depuis bientôt cinq ans, depuis le divorce. Ce fameux divorce...

*

Ce jour-là, il pleuvait. J'avais dû me lever tôt. En général, maman me laisse dormir mais pas ce matin-là. Elle nous emmène, Elodie et moi au tribunal. C'est un jour gris et pluvieux mais pas seulement au-dehors. J'ai froid et je ne me sens pas bien. Les hautes colonnes de marbre du tribunal sont grises et froides elles aussi. Je lutte pour que mon petit déjeuner reste dans mon estomac. A ma gauche, sur le banc en bois qui fait face à la porte du cabinet de la juge, Elodie pleure doucement. Elle est impressionnée. Maman lui a expliqué mais elle n'a que trois ans et ne comprend pas tout. J'ai, l'espace d'un instant, envie de la prendre dans mes bras. Quelque chose d'invisible et d'extrêmement puissant me garde scotché à mon siège. Impossible de bouger. Je sais que ce qui va se passer ici va changer le reste de ma vie. Je ne le souhaite pas, ai-je pourtant le choix ? J'apprends que mes parents vont se séparer et que c'est ma mère qui obtient le droit de garde.

J'arrive en haut du faux plat qui précède la descente vers la maison. Je sais déjà qu'en arrivant au sommet, je vais découvrir la vieille camionnette blanche de papa. Elle est effectivement là.

Zut ! J'ai espéré qu'il serait un peu en retard, histoire de préparer le terrain avec maman. Mon plan tombe à l'eau. Il est temps de mettre en place le plan B... Le problème, c'est que je n'ai pas de plan B.

Je regarde ma montre, il est déjà midi cinq. Il faut que je me dépêche, maman n'aime pas que l'on soit en retard pour le déjeuner. Ce n'est pas le moment de me faire remarquer.

Un beuglement me tire de mes réflexions, je sursaute et fais un bond sur le trottoir avec mon VTT. C'est madame Bichet, notre voisine, qui manque de m'écraser avec sa vieille Ford. Elle agite sa main par la vitre ouverte de la voiture, je lui réponds machinalement pendant que mon cœur retrouve son calme.

Je dévale la pente qui mène à la maison, remonte l'allée. Mon vélo va rejoindre celui de ma sœur contre la porte du garage. En trois enjambées, je suis sur le perron. Je tourne la poignée de la porte, j'entre.

Mon arrivée interrompt la conversation. Quand papa est là, Elodie se décale d'une place et se retrouve à mes côtés. Pour l'instant, elle n'a rien trouvé de mieux que de tremper la mie de pain dans son jus d'orange. La conversation va bon train à propos du travail de papa, celui de maman et sur les éventuels travaux à faire dans la maison. J'écoute d'une oreille distraite la conversation des adultes. Mes parents ont toujours cherché à préserver au mieux un certain équilibre familial. Pour cela, ils ont mis en place un minimum de moments passés ensemble. Les repas du samedi font partie de ces moments à part dans leur vie. On peut s'étonner de voir ses parents divorcés partager un repas. Pour moi, c'est normal et avec le temps, je me rends compte de l'intelligence de leur choix.

Je réfléchis sur la meilleure façon d'aborder l'épineux sujet de ma mauvaise note. Elodie à mes côtés cherche, comme d'habitude, à me faire enrager. Mais aujourd'hui je n'ai pas la tête à m'embrouiller avec elle. Le repas touche à sa fin. Je me vois un instant tiré d'affaire, mais c'est sous-estimer ma petite sœur qui, agacée de ne pas me faire réagir, lance un :