Chapitre 8 - L'élu

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Le film se poursuit avec la vie du fils de Joshua, Victor. Suivent plusieurs autres hommes, jusqu'à ce que je reconnaisse parmi eux, mon grand-père et mon père. Je comprends alors que tous ces hommes depuis Joshua, sont mes ancêtres. Ma vie défile, elle aussi, jusqu'à mon entrée dans la cave. Je suis soufflé par ce qui vient de m'être révélé. Les yeux hagards et humides j'ai peur de comprendre. Une main vient se poser sur mon épaule, je la sens à peine. La jeune femme de l'estrade est à mes côtés. Elle semble compatir à ma peine. Je veux lui poser des questions, qu'elle m'explique, rien ne sort de ma bouche. Je happe l'air tel un poisson privé d'oxygène. Elle s'agenouille et me prend les deux mains.

« Tu es un élu David, c'est un honneur suprême et à la fois un fardeau insupportable à porter. Mais tu n'as pas le choix ».

Elle vient de répondre à la seule question à laquelle je ne voulais pas qu'elle réponde. Je regarde mes amis et je lis dans leur visage la même détresse. J'apprendrais plus tard qu'ils sont eux aussi des élus. Certains suivent la lignée familiale, comme Vincent ou Aude, d'autres, comme Arthur, Damien, Pablo et Richard sont nouvellement choisis pour rejoindre la famille des élus. D'autres enfin, comme Tommy et Valéria, sont des élus de longue date qui se retrouvent ici pour la seconde fois. Chacune des personnes présente à l'exception de Valéria et Tommy, ont vu défiler leur vie sur le même écran que moi. La lumière se rallume, nos trois hôtes ont repris leur place. L'homme au cigare prend la parole.

« Je sais que j'ai maintenant toute votre attention. Ce que vous venez de voir était suffisamment explicite pour que je n'aie pas à entrer dans les détails ».

Effectivement, il n'entre pas dans les détails. Il se présente comme étant le gardien du jeu. Je découvrirai vite qu'il n'a pas la même notion du jeu que moi. La jeune femme se présente comme la maîtresse du temps, et le dernier homme, comme le maître de la sanction. J'apprends aussi qu'en tant qu'élu, je gagne le droit de jouer une partie. D'accord mais une partie de quoi ? Je pose la question et comme je m'y attendais, la réponse ne me plaît pas du tout.

« Vous avez été élus pour jouer une partie de vie. Les règles sont simples, vous passez entre les mains du maître des sanctions pour répondre à l'une de ses énigmes. En fonction de votre réponse, vous partez soit avec un handicap, soit avec un joker. Vous passez ensuite entre les mains de la maîtresse du temps. En fonction de son évaluation et du résultat obtenu à l'épreuve précédente, elle détermine le nombre de niveaux que vous aurez à parcourir. Elle peut aussi vous donner des passe-droit pour, par exemple, avancer plus vite. Enfin, vous passez entre mes mains. Je distribue les rôles de chacun et vous explique le jeu. Juste une dernière chose, il y a un arbitre dans ce jeu. Il s'appelle Don Reclo ».

Ses dires sont suivis par l'apparition du vieil homme que j'avais repéré dans le tunnel. Il semble avoir repris des couleurs. Je m'interroge soudain sur Damien. Comme s'il avait lu dans mes pensées, le maître du jeu ajoute.

« Votre ami Damien n'est pas pour le moment en état de participer au jeu. Nous nous occupons de lui, vous le retrouverez en cours de partie ».

Don Reclo prend à son tour la parole.

« A partir du moment où vous aurez commencé la partie, je serai votre seul interlocuteur. Vous pourrez me poser vos questions. Je vous retrouve à l'entrée du parcours ».

Sans nous laisser le temps de réagir, ils disparaissent nous laissant seuls. Je m'apprête à demander des explications à Aude, Valéria ou Tommy, je n'en ai pas le temps. Un puissant souffle d'air me propulse en avant. Je me retrouve dans une vieille église plongée dans une semi-obscurité.

La froideur des lieux me déclenche un frisson. L'endroit est lugubre. Quelques bancs mités occupent l'essentiel de l'espace faiblement éclairé par quelques bougies moribondes enchâssées dans des pics en métal placés au pied de l'autel. Je m'avance doucement, attentif au moindre bruit. Un bruit sourd bat tout près de moi. Je le sens jusqu'au plus profond de mon être alors que je m'approche de l'autel. Il s'accélère à mesure que ma peur grandit. C'est un bruit sourd mais qui prend de plus en plus de place jusqu'à en devenir assourdissant. Il me suit, se rapproche. Il va me submerger. Il est sur moi. Il veut m'engloutir. Trop tard ! Il a pris possession de mon corps, il est en moi. Je le sens prêt à exploser. Je tente de le contenir en pressant mes deux mains sur ma poitrine. Je pousse un énorme soupir. Je le sens se calmer. C'est mon cœur qui fait ce boucan d'enfer. Les battements déchirent le silence quasi total des lieux qui amplifie son bruit. Ma respiration aussi me gêne, j'ai l'impression qu'on n'entend qu'elle. J'aimerais être le plus discret possible, j'ai le sentiment d'être l'un de ces hommes orchestres avec une grosse caisse sur le dos, des cymbales dans les mains et un sifflet dans la bouche. Clang, clang, clang et boum, boum, boum, Trrrriiiiii ! !

TUNNEL (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant