30 / 07 / 1184

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Jour 30 de la lune de la Céruléenne, 1184

Il y a quelques jours, Ladislava m'a annoncé que les derniers bandits avaient été arrêtés près de la frontière avec l'Alliance de Leicester. Ces lâches tentaient sans doute de fuir et de trouver refuge auprès de leur commanditaire. Apprendre cela m'a dans tous les cas énormément soulagée.

À la capitale, mon peuple m'a acclamée et a organisé mille fêtes pour oublier ces sept lunes sinistres. Aujourd'hui un carnaval a eu lieu dans les rues chaudes et étroites de la ville : prenant part aux réjouissances avec un certain recul tout de même, j'ai été agréablement surprise par la joie qui semblait avoir saisi le cœur de tous les habitants.

Alors que nous marchions avec Hubert, nous avons croisé la route d'un petit enfant qui tapait son ami avec un bâton. Ils couraient vers moi sans regarder devant eux et m'ont bousculée comme je le redoutais. Celui qui levait l'arme de pacotille hurlait à l'autre qui imitait les cris d'une bête féroce : « Prends ça ! Prends ça maudite archevêque ! Moi, Edelgard von Hresvelg, je vais ramener la paix en Fódlan ! »

L'entendre parler en mon nom m'a bien sûr énormément amusée et je n'ai pu m'empêcher de rire. Hubert quant à lui trouvait cela parfaitement ridicule... Savoir que mon histoire faisait déjà partie des contes populaires m'a tout de même emplie d'une certaine fierté.

Les deux enfants sont repassés devant nous et celui qui jouait le rôle de Rhea a soudain frappé l'autre.

ー Je t'ai eu ! a-t-il crié.

L'enfant vêtu de rouge a tout à coup lâché son bâton et s'est écroulé au sol. Il a levé la main vers le ciel, dramatiquement, et s'est mis à murmurer :

ー Ah... Professeur... Si seulement vous aviez été à mes côtés...

L'enfant a fini par se relever et il s'est mis à rire avec son ami. Ils m'ont de nouveau bousculée puis ont disparu dans la foule. Je ne les ai plus revus.

Je suis restée immobile un instant, le regard perdu, pensant au spectacle auquel je venais d'assister. Hubert n'a pas tardé à m'inviter à quitter le carnaval et à retourner au palais.

ー Ce sont ces enfants qui vont ont mise dans cet état ? m'a-t-il demandé plus tard. Enfin, dame Edelgard, vous savez très bien qu'ils ne faisaient que s'amuser. Ne me dites pas que vous y avez vu un quelconque présage ?

ー Bien sûr que non, Hubert, ai-je rétorqué.

Tous les deux, nous sommes rentrés au palais impérial et je me suis enfermée dans mon bureau. En ouvrant le tiroir de mon secrétaire, j'ai alors retrouvé quelques esquisses du professeur que j'avais réalisées il y a trois lunes. Je les ai saisies, dubitatives.

Ce que ces enfants avaient tout à l'heure joué innocemment m'avait en réalité touchée en plein cœur. Si seulement, en effet, le professeur avait été à mes côtés... Tout aurait été bien plus simple. De nouveau assaillie par son souvenir, j'ai donc repris mes croquis et les ai continués. Plus je dessinais et plus mes portraits ressemblaient à mon cher professeur... à tel point que j'ai fini par m'arrêter, sentant quelques rougeurs monter à mon visage.

Je ne dois pas me laisser aller. Maintenant que l'ordre a été rétabli au sein de l'Empire, je vais m'attaquer aux choses sérieuses, à savoir l'Alliance qui a osé s'en prendre à mon peuple si lâchement.

Le Journal d'EdelgardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant