Jour 18 de la lune des Chapelets, 1184
L'homme a parlé. C'est ce que Caspar m'a dit avant de m'emmener à la prison d'Enbarr. Accompagnée d'Hubert et de Ladislava, je suis donc entrée dans sa cellule et Caspar a saisi le prisonnier par les cheveux. Dans ses yeux, je n'ai vu cette fois qu'une terreur profonde. Il s'est mis à bégayer.
ー On n'a fait qu'obéir aux ordres, Votre Majesté !
ー Quels ordres ? ai-je demandé.
L'homme s'est arrêté de parler. Caspar l'a secoué mais il n'a pas cédé. Il s'est alors rapproché de son oreille et lui a chuchoté :
ー Dis-leur ce que tu m'as dit ou tu sais ce qu'il va t'arriver.
Le prisonnier a soudain hoché frénétiquement la tête et a repris :
ー On n'y est pour rien ! Il nous avait demandé de détruire d'Empire de l'intérieur. Il voulait qu'on sème le trouble partout sur le territoire. Il nous avait promis une grosse somme en récompense !
ー Qui était-ce ? ai-je continué, impatiente.
Il y a eu un silence, puis il a déclaré, le visage déformé par la peur :
ー Il ne nous a jamais dit son nom ! Tout ce qu'il nous disait, c'était qu'il était un seigneur de l'Alliance hostile à notre patrie !
Je ne me suis pas laissée avoir par son soudain élan patriotique.
ー Et vous avez tous accepté de vous retourner contre votre pays pour gagner un peu d'argent ?
Le prisonnier s'est mis à gémir. Alors qu'un silence retombait, j'ai commencé à comprendre l'ampleur de sa révélation. Un « noble de l'Alliance » ? Ces meurtres, ces crimes... Était-ce un des coups-bas de Claude pour nous affaiblir ? Non... Jamais il n'aurait ordonné le massacre de vieillards et d'enfants, c'était ridicule. Le commanditaire devait avoir agi solitairement sans l'en informer...
ー Il m'a aussi révélé la position de ses camarades dans tout l'Empire, a continué Caspar. Nous devrions pouvoir les arrêter maintenant et mettre un terme à leurs méfaits.
Cette déclaration m'a quelque peu rassurée. Après nous avoir indiqué leurs cachettes, j'ai confié à Ladislava le soin de transmettre les informations à la garde et elle est partie. Le prisonnier a soudain tiré sur ses chaînes et est tombé à mes pieds : Hubert m'a saisi le bras par précaution mais je me suis dégagée.
ー Voilà ! Je vous ai dit tout ce que je savais ! Libérez-moi maintenant !
ー Dois-je te rappeler que tu as essayé de m'assassiner ?
Le prisonnier a levé vers moi des yeux terrifiés. Je déteste faire preuve d'autant de cruauté, mais le crime était trop lourd pour être pardonné. Je ne voulais plus prendre de risque.
ー Caspar, tu as fait du bon travail, ai-je déclaré en partant de la cellule. Qu'on l'exécute maintenant.
Derrière moi, j'ai entendu d'affreux hurlements. En m'éloignant, j'ai tenté de les ignorer.
Je me suis rappelée de mes années à l'Académie et de ce jour où des membres de l'Église occidentale avaient été condamnés à la potence pour avoir profané le mausolée sacré. J'étais à l'époque derrière cela mais personne ne s'en doutait, pas même le professeur. Nous voulions avec mon oncle mettre la main sur l'Épée du Créateur. Quoiqu'il en soit, j'avais trouvé la sentence de l'Ordre de Seiros très sévère. Après avoir prononcé le même jugement pour ce prisonnier, je me suis soudain demandée si je ne valais pas mieux que Rhea. N'agissais-je pas exactement comme elle ? Ne faisais-je pas moi aussi reposer mon autorité sur la terreur et l'abus de pouvoir ? Qu'est-ce qui me distinguait d'elle, au fond...?
En me voyant si tourmentée, Hubert m'a adressé un de ses sourires qui me font froid dans le dos.
ー Vous avez fait le bon choix, Dame Edelgard. Ce vaurien n'était qu'un bandit à la solde d'un noble sans scrupules. Il ne méritait plus de vivre.
Tout en marchant, j'essayais de me convaincre de ses paroles. Malgré tout, je ne pouvais m'empêcher de penser qu'il n'en restait pas moins un homme.
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Le Journal d'Edelgard
Fanfiction« Professeur... J'espère que tout ceci n'est qu'une mauvaise plaisanterie de votre part et que vous reviendrez bientôt parmi nous. » Voici le journal qu'Edelgard von Hresvelg a tenu pendant cinq années, en attendant le retour de son professeur (FByl...