18 / 08 / 1184

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Jour 18 de la lune des Pluies Verdoyantes, 1184

J'ai déplacé mon armée vers les frontières de l'Alliance avec l'intention de lui déclarer la guerre. Dès que nous sommes arrivés aux abords du pont de Myrddin, nous avons remarqué la présence d'une milice de l'autre côté, vraisemblablement quelques soldats levés à la panique. Un messager est venu à notre encontre et nous a expliqué que Claude von Riegan souhaitait avoir une entrevue avec moi ; j'ai accepté, malgré les réticences d'Hubert, et me suis avancée sur le pont pour rejoindre le chef de l'Alliance qui m'attendait en son centre. Derrière nous, chacune de nos armées se regardaient farouchement.

Nous étions tous les deux seuls et sans armes, comme convenu. Je vais commencer par écrire ici la surprise que j'ai eue en revoyant Claude après quatre longues années : il a... énormément changé. Son visage bien sûr et sa carrure, mais ce sont surtout ses yeux... Ils ont gagné cette étincelle sagace qui font les meilleurs meneurs.

En s'avançant vers moi, la première chose qu'il a pensé à faire a été de m'adresser un sourire. Je reconnaissais bien là le Claude de l'époque.

ー Edelgard, ça faisait longtemps. Je suis heureux de vous revoir.

ー Le plaisir est partagé, mais j'aurais préféré que nos retrouvailles ne soient pas placées sous le signe de la guerre.

Claude a acquiescé, comme s'il venait de se rappeler la raison de ma présence.

ー Avant de traverser ce pont et de mener votre guerre encore plus loin, expliquez-moi au moins les raisons qui vous poussent à nous menacer si sauvagement.

ー Un de vos nobles a commis d'horribles crimes sur mon territoire, ai-je déclaré, contrariée qu'il ne soit pas même au courant.

Comme Claude ne comprenait décidément pas, je lui ai tout expliqué en n'oubliant pas le fait qu'on avait essayé de m'assassiner.

ー Edelgard, je peux vous assurer qu'aucun de mes sujet n'aurait fait cela sans m'en informer, m'a-t-il alors répondu calmement. Ils n'en auraient d'ailleurs tiré aucun profit : la guerre est ce que nous évitons le plus en ce moment ; vous êtes sans doute au courant des troubles que nous traversons ces derniers temps et que j'essaie d'atténuer.

ー Qui serait à l'origine de tout cela alors, si ce n'est pas une famille de l'Alliance ?

Claude a haussé les épaules, désolé de ne pas avoir la réponse à ma question.

ー Je vous déconseille de me déclarer la guerre avec pour prétexte des accusations incertaines, m'a-t-il alors averti.

ー Je fais la guerre où je veux et quand je veux, ai-je rétorqué.

Claude a esquissé un rictus attristé. Il a jeté un œil à mon armée qui trépignait derrière moi puis a levé la tête vers le ciel. Suivant son regard, j'ai aperçu un aigle planer au dessus de nous ; une brise agréable a soudain caressé mon visage.

ー Edelgard, je vous en conjure. Réfléchissez à deux fois avant de vous lancer dans une nouvelle invasion. Ce n'est pas ce que nous voulons au fond, vous et moi. Ne pouvons-nous pas trouver un terrain d'entente ?

ー Vous connaissez mes projets, lui ai-je répondu. Vous savez comme moi ce que cela implique. Si vous ne vous alliez pas à l'Empire, nos fers finiront par se croiser.

ー Dans ce cas, je ferai tout pour repousser ce jour fatal.

Après ces paroles, j'ai tourné le dos à Claude et ai commencé à m'éloigner.

ー Il me semble qu'aujourd'hui c'est l'anniversaire du professeur, n'est-ce pas Edelgard ? m'a-t-il soudain lancé.

Je me suis arrêté net puis Claude a repris avec tristesse :

ー J'ai appris qu'elle avait disparu.

ー Oui. Nous ne l'avons toujours pas retrouvée.

ー Je vois... Alors ne salissons pas sa mémoire en combattant aujourd'hui.

J'ai serré les poings, essayant de contrôler ma colère.

ー Vous parlez d'elle comme si elle était morte mais elle ne l'est pas, Claude. Je ne laisserai personne penser de telles choses. Elle reviendra.

ー C'est là mon plus grand souhait.

Exaspérée, j'ai aussitôt repris ma marche et ai rejoint mon armée qui attendait mes instructions. Après un bref silence, j'ai levé la main et ai ordonné le retrait des troupes. Aujourd'hui n'était pas le bon jour pour continuer la guerre, mais une chose était sûre : j'allais bientôt revenir, et avec beaucoup plus d'hommes.

Avant de partir de Myrddin, j'ai adressé un dernier regard à Claude : de si loin, il m'a encore semblé apercevoir un sourire... Décidément, il n'avait au fond pas vraiment changé.

Le Journal d'EdelgardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant