Le Journal d'Edelgard

07 / 09 / 1183

Jour 7 de la lune de l'Arc, 1183

Demain, nous affronterons l'armée du Royaume. Des espions nous ont rapporté que Dimitri allait combattre en personne auprès de ses soldats. Je n'ai pas peur pour moi, je sais qu'Aymr sera là pour me protéger, mais je m'inquiète pour mes hommes. Qui sait de quoi il est capable ? Dimitri n'est plus qu'une bête... La manière dont ces mêmes espions nous l'ont décrit ne m'a pas plus rassurée. On dit qu'il a beaucoup grandi, que ses cheveux ont poussé et que son regard suffirait à pétrifier n'importe qui. Je me demande encore si notre querelle n'aurait pas pu être évitée d'une manière ou d'une autre... Oui, j'aurais préféré qu'il en soit autrement.

Comme je n'arrivais pas à dormir, je suis sortie ce soir prendre l'air. Le ciel était étrangement bien dégagé et je pouvais parfaitement voir les étoiles qui parsemaient la voûte céleste. Personne ne circulait dans le camp : tout le monde devait être en train de dormir en vue du rude combat qui nous attend tous. Seule, je suis donc restée là, la tête tournée vers le ciel, caressée de temps à autre par une brise légère. Tout était bien calme.

Mais je n'ai pas tardé à entendre du mouvement derrière moi. Prudente, je me suis alors retournée, une main sur la poignée de l'épée que j'avais emportée par précaution. Dès que j'ai vu qu'il s'agissait de Mila, j'ai relâché ma garde et ai soupiré.

ー Mila, tu m'as surprise. Que fais-tu dehors si tard ? Tu devrais être en train de dormir.

ー Je pourrais vous retourner la question.

Avec un sourire, elle m'a proposé de faire une petite promenade nocturne autour du camp. Il me semble qu'elle avait bien senti comme j'étais angoissée pour le lendemain...

ー Le ciel est magnifique, ce soir, a-t-elle murmuré alors que nous marchions.

ー Oui, c'est un véritable spectacle qui s'offre à nous.

Je ne mâchais pas mes mots. Les étoiles scintillaient tant que je pouvais voir leur éclat dans les yeux de Mila.

ー Vous savez, Votre Majesté, on m'a toujours répété que le ciel était le parfait modèle pour les hommes. Tout y est régi par des lois inviolables qui accordent à chaque chose une place. Les petits astres tournent autour des plus grands sans s'entrechoquer. Ils nous rappellent que, quoiqu'on fasse, nous ne pouvons jamais dévier de notre trajectoire sans finir en poussière. J'ai toujours éprouvé du mépris pour une telle conception du monde. Les étoiles ne font rien d'autre que de briller, tandis que les astres qui tournent autour s'épuisent. Si seulement nous parvenions à changer la face du monde, alors peut-être pourrions-nous redonner leur dû à ceux qui ont porté sur leurs épaules les pires fardeaux.

ー Tu es bien songeuse ce soir, Mila, ai-je remarqué. Mais ce que tu dis est entièrement vrai. Je rêve d'une société où les astres pourraient changer de trajectoire quand bon leur semble, du fait de leur volonté et non d'une loi idiote qui dicterait leur conduite.

ー Votre Majesté, j'aimerais vraiment que vous meniez Fódlan vers cet avenir.

Mila s'est arrêtée de marcher juste après. Elle s'est remise à contempler le ciel, pensive. J'avais beau chercher dans ses yeux, rien ne me révélait le fond de sa pensée. Elle arborait une expression énigmatique que je ne lui avais jamais vue, je dois bien l'avouer.

ー Trop de gens ont souffert, a-t-elle continué. J'ai vu trop d'atrocités, j'ai entendu trop de cris. Les hommes sont prêts à tout pour se rapprocher de la puissante lumière du pouvoir. Prêts à sacrifier les autres, prêts à détruire des vies. Les emblèmes agissent dans Fódlan comme les parasites dans un arbre. Ils détruisent tout de l'intérieur sans qu'on ne s'en aperçoive. Ce monde... a besoin de paix. Après votre guerre, tout ira mieux. C'est assez paradoxal, mais c'est ainsi.

Je n'ai pas su quoi ajouter après ses paroles. Comme elle reprenait sa route, je me suis mise à la suivre, silencieuse.

Nous nous sommes séparées devant mes quartiers après notre promenade. Avant que je ne m'en aille, Mila m'a adressé un sourire tendre et ces paroles qui résonnent encore dans mon esprit :

ー À demain, Votre Majesté. J'espère que l'étoile que vous avez choisie de suivre ne s'éteindra jamais.